Pascal Ordonneau est l’auteur du livre sur le Crypto-Yuan, paru aux Editions « La Route de la Soie » paru en mai 2020.
Il est aussi l’auteur de deux livres sur les crypto-monnaies parus chez Arnaud Franel Editions
- Des monnaies cryptées aux Initial coins offerings, Editions Arnaud Franel, juin 2019
- Monnaies cryptées et blockchain, Editions Arnaud Franel, dec 2017
En tant que Secrétaire Général de L’Institut de l’Iconomie, il a participé à deux rapports
- L’Iconomie et l’Intelligence Artificielle, paru aux Editions de l’Institut de l’Iconomie, sous la direction de Pierre Blanc, Jean-Pierre Corniou, Michel Volle, Hugues Chevalier et Vincent Lorphelin. 2018
- La monnaie de Facebook, La Libra, participation à l'étude menée par L'Institut de 2ème trim 2019
L’année 2020 sera-t-elle l’année des monnaies cryptées souveraines (les CBDC, pour « central bank digital currency ») ? Il y a fort à parier que 2020 sera une année marquante pour de toutes autres raisons que les monnaies digitales souveraines, mais il est officiel, patent et proclamé que la Chine a lancé le processus qui devrait la conduire vers la mise en place d’un « crypto yuan » ou « renmibi digital ». Elle serait ainsi la première au monde à le faire. Elle aurait un grand coup d’avance sur les Etats-Unis et des kilomètres en avance sur les pays européens.
Des premiers tests
Des fuites plus ou moins organisées laissent à penser que des tests ont commencé dans quelques villes (parmi elles on cite Shenzhen et Suzhou). On annonce aussi que des fonctionnaires seront en partie payés sous la forme numérique. Ils seront dotés de wallets par les banques participant à ces tests afin de réceptionner les renmibi digitaux leur revenant. Certaines grandes chaînes de consommation sont associées à l’expérience : la réussite d’une opération de ce genre suppose que les commerçants y adhèrent.
L’état d’avancement de ces tests est tel que, prétendant mettre en valeur l’absolue nécessité de soutenir le lancement de la Libra, David Marcus, son responsable, déclarait devant le Congrès Américain que cette monnaie cryptée était le meilleur moyen de faire pièce aux ambitions chinoises !!!
Pour autant, 2020 ne sera pas l’année de la mise en œuvre de la monnaie digitale souveraine chinoise ne serait-ce que parce qu’un projet de ce genre ne peut pas tolérer le moindre défaut technique, économique et financier. En matière de monnaie et de banque c’est une banalité de dire que la confiance se conquiert grâce à des années de travail et se perd en quelques jours de ratage, trucage ou incompétence !!! Cela a certainement inspiré le gouverneur de la banque centrale chinoise qui insistait il y a peu sur la nécessité d’avancer prudemment et non dans l’urgence.
Les motifs de l’ambition de la Chine
Mais au fait, pourquoi cette ambition ? Pourquoi la Chine se veut-elle la première économie dotée d’un système monétaire appuyée sur des technologies si disruptives ? Et que faut-il penser de ses avancées dans les domaines qui deviennent fameux de la « blockchain » et des « monnaies cryptées ? Le Crypto-yuan est-il là comme une version « sinisée » du bitcoin ?
Au début de cette ambition, il y a la nécessité sur le plan économique intérieur de faire se diffuser tous les facteurs et les bénéfices de la croissance chinoise dans toutes les couches de la population, dans toutes les zones territoriales chinoises. Or, qui dit participer à la croissance dit « consommation ». Les Chinois l’ont parfaitement intégré dans leur grande majorité qui ont fait exploser les paiements en ligne et les sociétés spécialisées dans ces paiements. Toutefois, il y a là deux inconvénients : les prouesses technologiques de la population n’empêchent pas que tous les chinois n’ont pas accès à ces facilités. Mais surtout, les paiements en ligne confortent la suprématie de la monnaie scripturale, celle des banques et non la monnaie fiduciaire dite banque centrale.
Enfin, il demeure qu’une part notable des paiements en Chine est réalisée sous la forme de « billets de banque » avec ce que cela comporte d’archaïsme, de risque d’activité occultes et de financement trafics en tous genres.
Une monnaie qui n’aura rien à voir avec les « bitcoins » et autres « Altmoneys »
Une monnaie souveraine digitale qui se substituerait aux billets, qui parachèverait la dématérialisation des moyens de paiement suivrait-elle l’exemple et même le mode de fonctionnement du bitcoin ? C’est très douteux pour de nombreuses raisons dont l’hostilité voire les interdictions que les autorités monétaires chinoises ont opposé au bitcoin ne sont pas les moindres.
La question « technologique » derrière cette opposition tient d’une part au fait évident qu’une monnaie digitale souveraine ne peut pas se prétendre décentralisée comme le protocole bitcoin. Celui s’instaure à l’encontre des tiers de confiance traditionnels de l’univers financier et monétaire que sont les banques qu’elles soient centrales ou non et tous les instituts financiers. Une monnaie digitale dite souveraine est centralisée par construction. Cela veut dire que tous les constituants des protocoles sur lesquels elle fonctionnera seront sous le contrôle des autorités autrefois qualifiées de tiers de confiance.
La blockchain ne s’imposera pas ?
Sur le plan technologique cela explique que l’utilisation d’une blockchain à l’instar de bitcoin et du projet la Libra ne s’impose pas, même si la Banque centrale chinoise juge que la blockchain serait très utile dans le domaine du financement du commerce international et de la gestion des valeurs mobilières. Les systèmes « blockchain » fonctionnent avec des systèmes de preuves de validité et de pertinence dont les caractéristiques sont en contradiction avec la contrainte de rapidité qui s’impose à l’exécution des milliards de transactions quotidiennes dans un pays qui compte plus d’un milliard de consommateurs. Très simplement, faisait remarquer un commentateur « Les transferts numériques peuvent même avoir lieu sans Internet, il suffit simplement que deux téléphones soient connectés. »
Le crypto-yuan est un projet stratégique
Il reste, dans cette très brève présentation du Crypto-yuan un point qui ressort de la stratégie politique et économique : par le biais de la création de cette monnaie digitale souveraine, la participation à la réalisation du grand projet chinois qu’est la Route de la Soie. La Chine supporte de moins en moins bien la domination américaine sur le système des paiements internationaux et les conséquences qui s’ensuivent : les blocus monétaires complétant la politique de blocus de l’Administration US.
Le projet de monnaie digitale souveraine chinoise est donc multifacettes, moderniser les moyens de paiement, restaurer le pouvoir monétaire de l’Etat, lancer un processus de compensation internationale pour contrer le Dollar.
Il s’insère dans les gigantesques projets qui tous ont valeur stratégique.
Les monnaies digitales de banque centrale annoncent la fin du bitcoin
Les maintenant fameuses MDBC se mettent progressivement en place. La Chine fait la course en tête avec son e-yuan, dont les ambitions ne sont pas que purement nationales. Bientôt seront émises les monnaies digitales européennes et américaines. Il ne restera plus beaucoup de place pour les monnaies digitales privées dont, évidemment, le bitcoin.
Il faut toujours revenir sur les « basiques ». le bitcoin avait un triple objectif.
Protéger le citoyen du monde contre les manipulations monétaires orchestrées à son détriment par les banques centrales. Faire disparaître les coûts inacceptables de l’intermédiation des soi-disants tiers de confiance, ceux-là qui prétendent sécuriser les échanges monétaires et qui en tirent de grasses rémunérations, et enfin, donner à l’épargnant un moyen de se protéger contre l’inflation, le bitcoin devait être ce qu’on a aimé nommer « l’or numérique ». S’y seraient ajoutés des avantages moraux et éthiques.
L’économie revenant entre les mains des citoyens,
les Etats ne pourraient plus perturber les rapports sociaux en prétendant les diriger ou les influencer. Le Bitcoin permettrait de mettre en œuvre les grands principes libertariens venus des philosophes américains dans la lignée de Thoreau et d’Emmerson.
Enfin, et on a envie de dire, surtout, cette liberté transformerait les rapports économiques entre les individus sur la surface de la planéte. Bill l’américain pourrait, en une fraction de seconde, transmettre le paiement de sa dettes à Karl, l’allemand. Pas d’intermédiaires, pas de risques, pas de frais etc. les échanges de fichiers seraient non seulement réalisés mais aussi sécurisés et « horodatés », se succédant dûment identifiables dans la fameuse blockchain.
Un peu plus tard, le bitcoin a fait réver non pas de liberté mais d’argent vite gagné, parti de zéro son cours contre dollar progressa vertigineusement puis, s’effondra, puis se reprit. On le réva à « 100 000 » et, pourquoi pas à « 1 million » de dollars. La monnaie « décentralisée » s’est ainsi retrouvée entre les mains d’un petit nombre de spéculateurs, les « grosses baleines ».
Tout ceci n’empêche pas que le bitcoin continue à faire réver. Les courbes peuvent aller presque jusqu’au ciel mais maintenant il faut savoir attendre: « le monde monétaire ne s’est pas fait en quelques mois ! ».
Il est cependant une donnée nouvelle, l’e-yuan qui pourrait transformer cet optimisme en illusion.
la mise en œuvre, progressive, à la vitesse d’un rouleau compresseur, de la monnaie digitale de banque centrale chinoise, l’e-yuan.
Evidemment, cette monnaie n’est pas indépendante des tiers de confiance, des banques et encore moins du pouvoir central et de la banque centrale qui l’incarne sur le plan monétaire. Mais elle présente tout ce qui pouvait séduire les amateurs de nouveautés digitales : rapidité des échanges, connectivité sans limite, adéquation avec les besoins nouveaux du commerce en ligne etc.
Cette nouvelle monnaie digitale se distingue des crypto-monnaies privées en ce sens qu’émise par la banque centrale chinoise, elle représente , elle est, entre les mains de ses détenteurs, une créance contre l’Etat Chinois.
« Et alors ! » protesteront les défenseurs du Bitcoin, « justement, grâce au bitcoin, nous étions à l’abri des défaillances d’Etats, des manipulations que tous les Etats font subir à la monnaie, de la même façon que nos ancêtres étaient protégés par l’or, le bitcoin nous offrait la sécurité des processus de gestion digitale et la stabilité de la valeur contre tous les trafics officiels ou officieux.
Mais, il manque au bitcoin quelque chose d’essentiel pour en faire une monnaie : il ne correspond à rien dans le domaine politique et économique. Au point que certains de ses défenseurs finirent pas soutenir que sa valeur résidait dans la consommation d’énergie nécessaire à son minage.
Cela ne suffit pas à faire du bitcoin une monnaie sérieuse. La monnaie digitale de la banque centrale chinoise sera une monnaie d’Etat, c’est-à-dire une créance contre ce dernier qui en est l’émetteur.
Dans un premier temps, l’e-yuan, ne fonctionnera qu’à l’intérieur de la Chine.
Ses détenteurs ne supporteront aucun autre risque que celui de l’Etat à en garantir la circulation et la conversion en marchandise, en service, en travail. Le détenteur de cette monnaie dite légale, c’est-à-dire qui est acceptable pour l’apurement de n’importe quelle transaction financière ou commerciale, est d’ores et déjà assuré par son statut de monnaie banque centrale, de pouvoir dépenser, économiser, payer en Chine sans contestation possible.
Mieux encore : on voit des banques étrangères participer au fonctionnement et à la circulation de cette monnaie. Récemment, par le biais de sa filiale chinoise, la banque Paribas, a été incluse par les autorités chinoises dans le cycle de l’E-Yuan. Les clients de la banque française pourront donc acquérir des e-yuan pour apurer des transactions ou constituer des liquidités en vue de transactions futures.
Puis, viendront, l’E-euro et un peu plus tard, peut-être l’E-dollar. Ainsi, progressivement, via le développement des monnaies digitales de banque centrale, l’avenir du bitcoin devient de plus en plus problématique et sa valeur discutable.
Il vous suffira de tendre la main, vers les librairies du net,
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