Dans l’ensemble de son œuvre, Adam Smith a mentionné par trois fois, l’existence d’une « main invisible » qui serait déterminante dans les différents mouvements affectant l’univers économique. Cette « main invisible », à qui son auteur n’a pas consacré de longues démonstrations, a donné lieu à des pages et des pages de commentaires. Les plus simplistes y voient la main de Dieu sous ses différentes formes. Pour les plus absconses « la main invisible est la figure même de la transcendance à partir de l'immanence ». A cet instant, il faut lever la plume, cesser d’écrire et méditer. Et puis, il faut la reprendre et essayer d’avancer vers quelque chose de praticable et d’utile.
Il est d’autant plus nécessaire de le faire que, immanence ou pas, l’expression est devenue aussi populaire, aussi lancinante et répétitive que « deus ex machina ». Une différence cependant : la main invisible est souvent citée dans un contexte de « laissez-faire » où ce dernier terme reflète plus de la résignation que de la conviction. « La main invisible » appartiendrait alors à cette catégorie, mélange de pessimisme actif et d’optimisme passif, où l’on retrouve « plus ça change, plus c’est la même chose », « rien de nouveau sous le soleil », « vous avez beau faire, on en revient toujours…. » etc. qui induisent à la fois que « nous sommes bien peu de choses » et que « à quelque chose malheur est bon ».
Il faut revenir aux sources. Adam Smith, dans la Richesse des Nations, dit «…..il (le chef d’entreprise) est conduit par une main invisible à remplir une fin qui n'entre nullement dans ses intentions …Tout en ne cherchant que son intérêt personnel, il travaille souvent d'une manière bien plus efficace pour l'intérêt de la société, que s'il avait réellement pour but d'y travailler. Je n'ai jamais vu que ceux qui aspiraient, dans leurs entreprises de commerce, à travailler pour le bien général, aient fait beaucoup de bonnes choses. »
Curieusement, les commentateurs s’attachent plus souvent au premier terme de la proposition quand Adam Smith dit que le chef d’entreprise atteint le bien commun en s’occupant de ses propres affaires et beaucoup moins au second par lequel il affirme solidement et fermement qu’il n’a jamais vu un marchand faire « de bonnes choses » en menant ses affaires avec l’idée de « travailler pour le bien général ». Cette simple remarque rend non-pertinente tous les débordements anglo-saxons vers la bonté et ramène à une juste dimension l’altruisme des Bill Gates et autres initiateurs de fondations destinées au bien général et au genre humain. Donc, pour se résumer, un chef d’entreprise ne peut pas s’imaginer travailler, et pour son bien personnel, et dans l’esprit d’améliorer le sort des autres.
Si on revient au premier terme qui est que le chef d’entreprise faisant son métier dans son coin, pour lui et pour personne d’autre que lui, contribue au bien commun, il est finalement dit deux choses, la première est que le chef d’entreprise n’est pas investi d’une mission sacrée, nationale, internationale, genre humain, sociale etc., la seconde est que les manifestations, les actions, les projets du chef d’entreprise, ont un impact positif sur ce qui est national, international, genre humain..etc. !!!
La première proposition n’est pas souvent commentée. Elle induit pourtant que le chef d’entreprise n’est qu’un élément « technique » de la société. A ce titre, ce qu’il lui apporte n’est pas le résultat d’une intention. Dit d’une autre façon, s’il réussit, le seul commentaire devrait être « so far so good ». Le chef d’entreprise n’est pas même un outil au sens où, sans le vouloir, il serait un des moyens utilisés par un groupe social pour atteindre un objectif supérieur. Il n’est d’ailleurs pas tout seul et, dans la masse, il est n’est qu’un égoïsme parmi les égoïsmes, sachant que sa réussite n’a pas plus, mais pas moins, de sens pour la société que sa faillite. Ainsi, Adam Smith, ne demande à cet acteur économique que de faire son travail d’entrepreneur, de combiner les facteurs, travail, capital, savoir, machines dans la simple considération de son intérêt, de se tenir à sa place et ne pas se mêler d’autre chose. De la même façon que le travail a été dépouillé de sa dimension morale, des valeurs dont il était investi avant la révolution industrielle, le chef d’entreprise est intimé de rester un « assembleur de facteur de production » et ne pas se prendre pour ce qu’il n’est pas : un instrument de la providence inspiré par la main de Dieu.
Une des conséquences, peu travaillée de « la main invisible » est que tout entrepreneur, dont la réussite est écrasante, dont l’entreprise devient globale et dominante au point qu’il prétendrait, œuvrant dans son intérêt propre, œuvrer sciemment au nom de l’intérêt général, devient dangereux pour la réalisation même de cet intérêt général ! Le slogan « ce qui est bon pour General Motors est bon pour l’Amérique » serait non seulement à bannir mais traduirait clairement que le fonctionnement de la « main invisible » est contrarié, voire bloqué.
La deuxième proposition énonce que les chefs d’entreprise, dans leur entreprise, action et organisation sont un ferment, une source, un terreau, comme on voudra les appeler, du bien général. Cette proposition légitime l’interprétation optimiste du fonctionnement de la « main invisible ». C’est un acte de foi au sens où rien ne vient expliquer qu’il en soit ainsi. Cet acte de foi posé et « parce qu’il en ainsi », il faut « laisser faire » les chefs d’entreprise. Les contraindre, leur imposer des restrictions, exiger d’eux qu’ils respectent d’autres objectifs que celui que leur dicte leur pur intérêt matériel, prétendre donc orienter leur action vers des buts moraux, esthétiques, religieux, politiques ou même sociaux, va très exactement à l’encontre de la première proposition.
« La main invisible » n’est pas un « pari », un risque qu’il faut courir parce que les calculs sur l’équilibre des chances et des risques débouchent sur un résultat positif. C’est une condition générale, une pierre angulaire qui donne leur fondement à toutes les propositions sur le thème des libertés économiques : la libre circulation des biens, leur libre échange, la liberté d’entreprendre, d’investir, la libre circulation des capitaux.
La « main invisible » est ainsi devenue le principe premier sur lequel repose le libéralisme économique, et sur lequel s’est forgée la théorie des marchés et sa version classique la « théorie de la concurrence pure et parfaite » depuis son auteur jusqu’à Pareto et Walras. D’autres théories existent. Voir « Altruisme » et « Jeux à somme nulle ».
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