Le Libra de Facebook n'est pas seulement un pied de nez aux banques centrales et au "système monétaire", c'est une menace à une fonction essentielle de l'État : la reconnaissance de la valeur, sa protection et sa transmission. (Par Pascal Ordonneau, ancien PDG de HSBC invoice finance )
Le Cercle
L’arrivée de Facebook dans le domaine qu’on croyait réservé aux banques et aux États, la monnaie, sa production et sa diffusion, est un vrai pavé dans la mare.
On rappellera que la pensée monétaire est toujours ancrée sur la fameuse trilogie aristotélicienne qui a résisté près de deux millénaires et demi.
La monnaie telle que le philosophe grec l’a pensée est une pure construction de la Cité, une institution sociale venue parce qu’il le fallait au sens pratique : fonction de transaction parce que c’est plus simple que le troc ; fonction de conservation de valeur ne serait-ce que le temps d’un voyage de marchand… et fonction d’unité de compte parce qu’il fallait bien que le soulier en surplus proposé par le cordonnier fût converti en quelques sacs de blé.
Le mot "monnaie" vient de la déesse romaine Juno Moneta, renvoyant à son temple à Rome, haut lieu des ateliers de frappe monétaire. Quittons les Latins pratiques et rejoignons ceux qui ont inventé ce qu’on nomme sans trop y réfléchir "la monnaie" : "monnaie se dit en grec nomisma, terme apparenté à nomos, la loi. Ce qui permet d’affirmer que l’institution monétaire, plutôt que le fruit de l’évolution du commerce grec archaïque, fut un des aspects de la régulation (de la "nomisation", pourrait-on dire) des structures internes de cette société" (in Georges le Rider, la naissance de la monnaie.
Et de fait, l’essentiel, pour ce fait social que nous nommons monnaie, réside dans la reconnaissance et la pesée de la valeur : donnée éminemment éthique dont la portée a été réduite à la notion d’unité de compte? La monnaie, lestée de la nomisma était-elle destinée à faire tenir debout un vulgaire tabouret monétaire?
En vérité, l’unité de valeur, comme l’unité de temps, l’unité de température, l’unité de mesure ou de poids sont éminemment du ressort du souverain. Ce ne sont pas des commodités sociales pour que vivent mieux les marchands et leurs clients, mais le fruit d’un dessein politique à son plus haut niveau de formulation. Elles valent parce que le projet du souverain forme et informe la société qui s’harmonise et se légalise.
Dans tous les débats autour des monnaies "modernes", "cryptées", "internet", cette fonction souveraine qui légitime, les comptes et les instruments dits monétaires est reléguée. C’est l’exécution qui compte et non la norme qui la fonde.
En "oubliant" ce sur quoi reposent les deux fonctions pratiques de la monnaie, transaction et conservation de valeur, on occulte la fonction "maîtresse" : la fonction de souveraineté et, au travers d'elle, la fonction d'organisation de la société.
L’émergence de nouveaux modes de communication et la compétition entre groupes privés et souverains pour l’exercice du pouvoir économique et social, jusque dans la fabrication des normes, trouvent une expression symbolique sous la forme de ces monnaies disruptives "sans intermédiaires ou alternatives" : cryptées ou non.
L’affaiblissement du souverain, victime de sa propre démission au profit d’institutions ou d’entreprises, défaillantes et insuffisantes, a pour conséquence que des acteurs économiques privés ou publics, particuliers ou entreprises réclament des monnaies taillées à leur mesure, réduisant la monnaie à des "pratiques" de marché.
En vérité, la fonction souveraine se trouve au cœur d’un débat où leurs intérêts purement économiques finissent par substituer l’illusion du marché à la mise en œuvre de normes et de valeurs sociales.
Le débat sur le maintenant fameux "libra" comme sur le "bitcoin" vétéran de la critique monétaire, n’est pas un débat technicien : il doit être placé au niveau des valeurs. En d’autres termes, il ne peut être question de déléguer à un Facebook une quelconque fonction monétaire sauf à lui confier finalement l’élaboration des normes de la vie sociale et économique.
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