Contenu de cette page:
Ce sont des textes parus dans les Echos ou dans Kriticks.
Les trois premiers appartiennent à une forme d'Uchronie: on pousse les raisonnements logiques jusqu'aux points de rupture.
- sur la question du logement: écrit en 2012, un texte tiré de la série "Moi-Président" et a paru dans les Echos.
- la baisse des prix de l'immobilier: écrit en 2009 à un moment où l'évolution des prix de l'immobilier inquiétait ...
Ce texte a été écrit la veille de Noël 2012.
Moi-Président est un personnage bien connu de la scène politique française. La souris verte est une femme écologique et durable qu'on a aussi connu sous le nom de CD. (moins clair
que "souris verte" car CD renvoie indistinctement à Corps diplomatique et Certificats de dépôts, qui l'un et l'autre n'ont jamais rien eu à voir avec la personne en question).
Nous avons donc retenu "Souris verte".
En
2012, Noël était encore joyeux, les sondages dans le vert et les riches dans le rouge? C'était le bon moment pour une loi immobilière révolutionnaire! Pas une de ces lois où on paie les Riches à
coup de niches fiscales pour qu'ils veuillent bien construire des logements! Une loi où la justice produit, comme toujours, de l'égalité et de la fraternité.
Une guitare à la main, Moi-Président, domine la ville. Souriant, l’air inspiré, Moi-Président a décidé que le temps est venu, il va changer Paris et ses habitants. Mais aussi les villes et les villages de France.
Derrière Moi-Président, la Souris Verte crie sa joie de voir les Riches mis hors des logis à défaut de logis pour les Pauvres. Saisissant un burin et un bloc de marbre, elle se précipite pour transcrire les Chants de Moi-Président en Texte De Loi.
Article 1 : Résidences définitions.
Alinéa 1 :Sont dits « secondaires » les résidences, habitations, lieux, attiques, caves, silos, greniers, verrières et resserres qui ne sont pas strictement nécessaires à la vie de tous
les jours d’un particulier ou d’une entreprise, qu’elle soit commerciale ou cultuelle.
-
Alinéa 2….
Il
serait rébarbatif d’infliger au lecteur les nouveaux articles du code du droit immobilier et les modifications du code civil qui en résultent. Les explications et commentaires suivant permettront de comprendre.
Plus de résidences secondaires pour plus de taxes ?
Que
faut-il comprendre dans cet article peu clair dans sa rédaction ? Le concept de « résidence secondaire » est tout simplement bouleversé : il ne s’agit plus simplement d’un château en Bourgogne ou
d’une fermette en Normandie, ni d’un appartement à Val-Thorens ou même à Nice ou à Paris.
La loi nouvelle dit que les résidences secondaires sont les immeubles ou parties d’immeubles « qui ne
sont pas nécessaires à la vie de tous les jours…. ». Ce point est essentiel. On dira que cela tient de l’évidence : une fermette, propriété d’un citadin vivant en permanence dans sa ville, n’est
pas nécessaire à la vie de tous les jours. En fait, l’article contient ni plus, ni moins une révolution du droit de propriété. Un exemple l’illustrera : vous habitez un appartement de 150 m2 dont
vous êtes seul occupant. Ces 150 M2 sont-ils « strictement nécessaires » à votre « vie de tous les jours » ? En d’autres termes : avez-vous absolument besoin de ces 150 m2 ? Si la réponse est
négative, la partie de cette superficie qui n’est pas strictement à utile à votre vie de tous les jours, devient une résidence secondaire. Dans ce cas, suivant cette définition, l’assiette d’une
taxe sur les résidences secondaires est considérablement accrue en superficie.
Mais
aussi en valeur : considérons que vous habitez le VIIéme arrondissement : les m2 auxquels vont s’appliquer la taxe (ad valorem évidemment) pèsent autrement plus lourd que ceux de votre fermette
en Normandie.
Est-ce la révolution dénoncée par les uns et tant attendue par les autres. Nous ne le croyons pas. Il
faut aller plus loin dans les textes pour la découvrir.
C’est
dans l’alinéa 5 que les innovations juridiques sont manifestes « : Sont automatiquement requalifiés en «
Résidences Secondaires » les parties d’immeubles qui ne répondent pas aux spécifications de l’alinéa 1».
Il
faut conclure de tout ceci que le caractère « secondaire » d’une résidence, d’un immeuble, passe au premier plan et, inversement, le caractère « principal » au second. Les résidences secondaires
vont être le vecteur direct de la réforme du logement social et constituer une partie de la réponse donnée au problème du logement.
Comment définir une résidence principale ?
Article 2 : de l’utilisation et de la taille des résidences principales
Alinéa 1 : Une résidence principale a pour objet d’assurer le gîte, le couvert et l’entretien durables du résident et de ceux qui lui sont agrégés: enfantés, mariés ou pacsés.
Les
auteurs du projet ne veulent pas laisser la définition du «strictement nécessaire» à l’arbitraire des
propriétaires occupants. Il ne serait pas tolérable (c’est très clair dans les documents préparatoires de la loi) de leur laisser prétendre que 150 m2 sont indispensables à la vie d’une seule
personne ! Le législateur charge donc l’Administration de cette question.
Alinéa 2 : les Préfets dans les régions agricoles, dans les régions urbanisées les maires des villes supérieures à 250 habitants définissent en accord avec les représentants de la
protection sanitaire et social, le nombre de m2 nécessaire au respect de l’Alinéa 1 de l’article 1.
La
loi va encore plus loin pour éviter l’arbitraire en créant des références impératives pour la détermination de « la principalité d’une résidence ». Par exemple, il est précisé dans l’alinéa 4 : «
si une prison, se trouve dans le ressort municipal ou départemental… le minimum défini ne peut être inférieur au triple de la taille moyenne des cellules.»
En
d’autres termes, si un prisonnier occupant seul sa cellule dispose de 6 mètres carrés (lit compris), un résident principal ne peut exiger plus de 18 m2. L’idée est intéressante. Pour les
rédacteurs de la loi: Il s’agit d’associer les riches à la problématique de l’incarcération. Pour les adversaires de cette disposition c’est l’annonce pure et simple de leur incarcération à
venir.
Le législateur a pensé à tout : s’il n’y a pas
de prison, on se réfèrera à une valeur moyenne correspondant à « une résidence médicalisée pour vieillards».
Tous
ces calculs permettent de donner sa portée à la formule «toute surface excédentaire à l’usage selon l’Alinéa 1 est défini comme résidence secondaire.»
Moi-Président a poussé ses cantates au plus loin possible. Son chant n’est pas exempte d’inquiétude: « La France a-t-elle pu se réfugier en quelque résidence secondaire devenue
principale ? » déclame-t-il.
Des
résidences secondaires pour résoudre la crise du logement ?
Article 3: de l’utilisation et de la taille des résidences secondaire
alinéa 2 : les résidences secondaires n’étant ni principales, ni essentielles, elles sont soumises à un droit d’occupation délégué et révocable.
Voilà la Révolution !
Qu’est-ce qu’un droit d’occupation ? C’est la créance d’occupation des lieux détenue par leur
propriétaire. Elle donne au propriétaire le droit d’occuper ou de faire occuper sa propriété sous la contrainte suivante : la loi dispose que ce droit est « délégué et révocable ».
Que
faut-il comprendre par cette révocation du droit d’occupation ? Lorsqu’une propriété comporte entièrement ou partiellement des éléments de «secondarité résidentielle», la révocation porte sur le
droit «d’occuper» la partie résidence secondaire. Dans l’exemple cité plus haut : nous avons 150 m2 occupés par
une seule personne, dans un secteur où la résidence principale par tête se définit comme une surface de 18 m2. La partie «secondaire» comprend donc 132 m2. Cette surface peut, à tout instant,
être sortie du droit d’occupation du propriétaire et de l’occupant pour être affectée à un tiers.
Moi-Président, intrigué par un froissement sépulcral, abaisse son regard et surprend l’œil de la Souris Verte dont le regard est sans pitié: « Ils seront tous logés ! »
gronde-t-elle.
Et
elle se replonge aussitôt dans la Gravure du Texte de Loi.
L’objectif de la loi est de donner un toit à tous ces gens qui n’en ont pas, quitte à le prélever sur les immeubles occupés
par ceux qui en ont un….c’est pourquoi, l’Article 4 de la loi porte révocation du droit d’occupation des résidences secondaires et en tire les conséquences.
L’alinéa 1 de l’article 4 stipule que: « Le droit d’occupation de toute surface en excédent du besoin en « résidence
principale » de l’occupant et / ou du propriétaire peut être attribué à tous ceux qui sont en insuffisance de » résidence principale ». L’alinéa 3 définit les bénéficiaires en leur conférant des priorités : SDF puis, immigrés sans papiers, puis de fraîche date. Puis…
Ces
bénéficiaires du transfert du doit d’occupation s’installent dans les locaux qui ont été requalifiés en «
résidences secondaires » même si la cohabitation est déplaisante. On notera que le législateur ne
laisse pas ces occupants sans contraintes de superficie. Et même, le droit au nombre de m2 par occupant est plus
faible pour eux que pour l’occupant « résidence principale ». Le législateur a instauré un abattement d’un tiers. Dans l’exemple plus
haut, 18 m2 par occupant pour la partie « principale » donnent donc 12 m2 pour la partie « résidence secondaire » de 132 m2, ce qui permettra d’accueillir 11 personnes. Les 150 m2 seront donc
plus justement occupés.
Alternative: un dédommagement du sous-emploi des surfaces par les propriétaires?
La loi, cependant, prévoit dans un Art 5 que l’affectation des résidences principales vacantes pourra ne pas être
strictement appliquée sous réserve de dédommagement.
Alinéa 1 : les propriétaires de résidences secondaires, telles que définies dans les articles précédents peuvent opposer à l’arrivée des titulaires désignés, une compensation
pécuniaire….
La compensation s’élève à 5% de la valeur locative des 132 m2 la première année, à 7,5% la deuxième, à 10% la troisième etc. Plus le temps passe, plus il faut payer. Il est tout à fait évident que comme le dédommagement est toujours dû par le propriétaire du bien, il viendra très vite à accepter des occupants au titre du transfert du droit d’occupation.
L'article 7 de la loi ne doit pas être passé sous silence car il peut être lourd de conséquences. Cet article, très technique, sur la
durabilité stipule dans son alinéa 3 : « Plus une résidence est ancienne, moins elle peut être qualifiée de « principale ».
L’alinéa 5 porte sur les conséquences d’une durabilité insuffisante et impose que quand la propriété cesse d’être durable, le propriétaire est astreint à reconstruction immédiate à ses
frais. En cas d’incapacité à répondre à ses obligations légales, l’immeuble est versé à un fonds spécialisé dans la «reconstruction sociale » qui en disposera et pourra, le cas échéant, faire
condamner l’ancien propriétaire à des dommages et intérêts.
Moi-Président, exténué par la performance, trouve la force de sourire et, se penchant sur la gravure de la Souris Verte, met un point final à la loi, en portant sur le marbre un grand
coup de burin.
Ils ne baisseront pas !
La route de la baisse est coupée.
Tout est maintenant très différent.
Acteurs, objets, négociations, tout a changé. On ne reverra plus les errements du passé. Ils résisteront. On n’est plus en 91 ! On a changé de siècle. Les prix immobiliers sont entrés dans une ère de maturité.
Et il y a des réalités économiques. Des réalités françaises.
Incontournables.
Les besoins de la population sont si importants ! A-t-on jamais vu les prix s’effondrer lorsque le besoin est là?
Il n’y a donc aucune raison pour que les prix s’affichent en baisse.
Et s’Il y avait une crise ?
Bien sûr qu’il y a une crise aux Etats-Unis !
Mais c’est tout à fait différent. Cela n’a rien à voir avec la France. D’ailleurs, la Grande-Bretagne, non plus, n’a rien à voir avec la France !
Et si l’Espagne, l’Allemagne étaient aussi frappées par des crises immobilières ? Il n’y a pas de « si » qui vaille. Elles sont frappées durement. Mais, encore une fois, où est le rapport, avec le marché français ?
Les notaires français ne s’étaient pas laissés emportés par les fausses comparaisons et les extrapolations hasardeuses. Ils avaient énoncé avec une grande clarté que
« Pour l'année 2008, la tendance devrait rester à la hausse. Les facteurs de baisse que sont la crise des subprimes et la hausse des taux d'intérêts n'ont pas eu l'impact escompté ».
Circulez ! Il n’y a rien à voir !
Vous doutez encore ?
Tout montre, statistiques, enquêtes d’opinion et analyses des ventes, que les prix sont stables.
Mieux, il est des zones géographiques qui enregistrent encore des hausses !
« Dans les quartiers d’excellence des grandes métropoles, ou pour les biens n’ayant aucun défaut, les prix se maintiendront »
Et si on redescendait sur terre ?
On est y redescendu finalement, même les notaires. Ces baisses hautement improbables, cette insensibilité de la France à la crise des subprimes sorte de nuage néo-tchernobylien poliment arrêté à nos frontières, toutes ces statistiques sorties des laboratoires du docteur « Coué », ont cédé la place à des communiqués de guerre sans fards ni illusions. « Les notaires tablent sur un recul de 10 % à 20 % en 2009 ».
Les prix parisiens ne s’effondrent pas. C’est une érosion que le marché constate. Les mots telluriques sont plus rassurants que les mots météorologiques. Comme si la lenteur des évolutions en atténuait la violence.
Et si cela n’avait que peu d’importance ?
A qui profite la hausse ou la baisse des prix des maisons ou appartements que leurs propriétaires occupent ? Est-on plus riche vivant dans 100m2 à 500 000 euros que dans 100m2 à 400 000?
Quelle importance y a-t-il, à voir les prix baisser ? Quel impact moral peut avoir une baisse de 10% ou même de 20% quand les prix dans « l’ancien » ont progressé de 148,7 % entre 1997 et 2007 ?
C’est une question de « richesse ressentie » ? La baisse influencerait le comportement de consommation et pousserait les propriétaires immobiliers à l’épargne par réaction.
Et si le marché immobilier n’était qu’un marché de troc ?
Vendre 100 m2 pour acheter 100 m2….c’est bien une forme de troc. C’est une chose qu’on ne peut pas faire avec les autres biens d’équipement.
Vendre 100 m2 pour acheter 150 m2 ? Pour parler comme les financiers, c’est être couvert pour les deux-tiers. Ne restent que les 50 m2 supplémentaires….et là, l’acquéreur profite de la baisse à plein !!!
Bien sûr, il y a des subtilités…les prix peuvent baisser plus vite dans certains endroits et moins dans d’autres. Donc le passage d’une zone à une autre peut ne pas être aussi simple et neutre que décrit plus haut. Si Aubervilliers baisse de 10% et Paris de 5%....il y a un désavantage pour celui qui veut passer d’Aubervilliers à Paris !
Mais quand même on peut écrire sans risque d’erreur que la baisse des prix est positive pour l’acquéreur net.
On peut même écrire que son avantage est d’autant plus élevé qu’il est « à découvert ».
Par opposition, c’est le charme de la logique économique, on dira, que la baisse des prix est négative pour le vendeur net.
Et si on essayait de le caractériser cet animal économique là….
Qui est donc le vendeur net ? Cette victime qui porte sur ses épaules le poids de la baisse des prix de l’immobilier. Serait-ce un riche sur le point de se réveiller ?
C’est quelqu’un qui réduit le nombre de m2 qu’il utilisait, passant de 100m2 à 80m2, d’une maison familiale à une plus petite maison.
C’est aussi quelqu’un qui décide de vendre son bien pour croquer son capital, comme les rentiers de Balzac et compléter les ressources d’une retraite bien méritée. C’est peut-être un propriétaire qui décide d’arbitrer des biens immobiliers mis en location pour ….jouer en bourse ! Ou pour toute autre opération plus séduisante que la pure propriété locative.
Donc, le risque de la baisse des prix pèse sur les personnes qui n’ont plus besoin de la surface qu’ils occupent ou des m2 qu’ils louaient à des tiers. Il pèse sur ceux qui vendent parce qu’ils ne voient plus l’intérêt de posséder autant de surface. Ceux-là subissent de plein fouet la baisse des prix.
Et s’il y avait là un jeu à somme nulle intergénérationnel ?
Les jeunes, qu’ils soient mariés ou seuls, avec ou sans enfants, en accroissement de famille ou non…sont acheteurs nets.
Le Bénéfice de la baisse est pour eux.
Les moins jeunes, ou pour utiliser les mots de la société moderne, les seniors, qui n’ont plus le même besoin de capital immobilier sous toutes ses formes sont vendeurs nets…Les mouvements baissiers sont des pertes nettes pour eux.
La baisse des prix de l’immobilier serait alors une sorte de transfert de richesses involontaire, des plus vieux qui possèdent vers les plus jeunes qui ne possèdent pas encore….
Alors ? La baisse des prix de l’immobilier a-t-elle vraiment une très grande importance ?
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