Crise 2008

 

 

On trouvera ici plusieurs chroniques sur la crise écrite depuis 2009.

 

- La crise est finie (Les Echos)

- Critique de la Crise (Les Echos)

- Economie réelle contre économie monétaire (Les Echos)

- Sortir de l'Austérité (Atlantico)

Les banques sont-elles responsables de la crise? (Atlantico)

 

 

La crise est finie

Paru dans les Echos. Juillet 2009.

Fin de la crise ? ou prémisses ?

 

Les bonnes nouvelles se succèdent ! Le PNB américain du deuxième trimestre n’a baissé que de 1%. C’est beaucoup mieux que ce qu’on attendait. En France la consommation continue vaillamment son petit bonhomme de chemin et en Allemagne les prises de commande à l’exportation sont revenues d’un plus bas et semblent prendre le bon chemin.

 

Allons ! On a eu peur ! Aussi, on s’était fait vraiment peur! Tout allait dans le mauvais sens, et depuis octobre 2008 dans le monde entier rien que des nouvelles à désespérer Billancourt !

 

Il est vrai que l’avis de tempête n’avait pas été donné à temps et que les vents avaient eu une violence centennale. Tous ne mourraient pas…certes, mais les banques ont toutes été frappées et, à des degrés divers, ont failli passer collectivement de vie à trépas.

 

Mais, bon ! Comme on dit maintenant pour montrer à la fois qu’on est philosophe mais aussi capable de faire la part des choses. Mais bon ! Tout çà c’est passé. Il y a des signes qui disent que le pire est derrière nous. On en revient à la philosophie du bon sens « que c’est bon quand on arrête de se donner des coups de marteaux sur les doigts ». Et les anglo-saxons qui savent demeurer positifs en toutes circonstances vont ici et là, de G20 en G8 ou G17….clamant qu’ « every cloud has a silver lining », qui, en français, fait « à quelque chose malheur est bon ».


Dans quelques temps, les économistes, étant revenus d’une grande peur, écriront que ce passage en crise était une nécessité, qu’il aurait fallu peut-être déclencher tout çà deux ans avant. L’ampleur de la crise aurait été moindre, moindre les maux que nous supportons…. Basta ! Cessons de geindre ! Il est passé le fond de la crise ! Stop ! Regardons devant nous les grandes tâches qui nous attendent.


Est-ce fini ? Comme ils disent : la tempête est passée…

 

Tous ces signes annonciateurs annoncent-ils vraiment que c’est fini ? Il y aurait un fantastique paradoxe dans cette  situation. Ainsi, voilà des observateurs, des économistes, des manieurs de chiffres et de prévisions, voilà des hommes politiques naturellement incompétents en prévisions économiques, voilà des experts naturellement aveugles quand les faits leur pètent à la figure, voilà de grands chefs d’entreprise, nouveaux conquistadores des temps modernes, condotierre amassant les fortunes des bonus et des primes, accumulant des collections d’art exceptionnel, Médicis nouveaux, ignorant les frontières, les mains pleines de confitures au moment où ils reçoivent le dernier appel de Madoff, l’appel par lequel il leur dit que « voilà il est si désolé, il leur a fait perdre une petite dizaine de milliards de dollars par là et puis une autre par ici », voilà donc tout ce beau monde qui scrute comme jamais scruteur il y eut et qui disent avoir trouvé ! Tous ces types qui s’étaient trompé, aurait retrouvé le chemin de la grâce et ne diraient plus que la vérité, rien que la vérité, toute la vérité. Ils diraient donc que tout remarche et que c’est tout bon, et mieux qu’attendu.

 

Il faudrait être animé d’une solide inconscience pour les croire après qu’ils se soient montrés totalement incapables de prévoir quelque chose de censé, il y a trois ans, quand tout paraissait paisible, il y a deux ans quand les subprimes et la crise de la dette hypothécaire américaine prenait la mauvaise tournure qu’on sait, il y a un an, quand, en juillet 2008, de beaux esprits annonçaient que le vent de la crise s’était éloigné, quand, en France, on déployait quelques spécialistes en nuages  tchernobyliens, les notaires en particulier, pour expliquer que notre sol serait épargné par les nuées nauséabondes émanant des pays anglo-saxons !

 

Ne sommes nous pas tout simplement dans l’œil du cyclone ? Un petit bout de tumulte et de désordre nous auraient passé sur le corps et  le reste serait sur le point d’arriver avec la puissance de quelques bombes thermo-nucléaires ?

 

Comment penser l’avenir, quand on se dit que bon nombre des instruments de mesure ont volé en éclat, quand les gourous s’efforcent d’encaustiquer les idées pour leur donner une allure plus proprette et leur restaurer un brin de crédibilité, quand les bourses s’emballent à nouveau et que quelques investisseurs se disent que s’ils ne montent pas dans le train, là maintenant, après, il sera trop tard. Tout ceci fait terriblement bricolé.

 

Le voile déchiré est-il en cours de réparation ?

 

Car, revenons aux faits : il y a bien eu une crise ! On ne s’est pas amusé  à se faire peur ! Le principe de précaution n’est pas encore en usage en économie. Il n’est pas encore admis qu’on crie : «  la crise ! La crise ! » Comme en matière sanitaire, depuis quelques temps, on crie  « la grippe ! La grippe ! ».

 

Peut-être s’agissant, dans ses aspects premiers et, il est vrai, dans ses aspects les plus dramatiques, les plus voyants, d’une crise monétaire et financière, le retour au calme indiquerait que les choses vont mieux, pour ne pas dire bien mieux, et donc que la crise, est, au moins passée. Cela satisferait une vision encore vivace au sein de la doctrine économique : la monnaie est un voile et les malheurs de la monnaie ne sauraient avoir d’effets sur la sphère non monétaire. Les puristes ne distinguent-ils pas l’économie monétaire et financière de l’économie réelle. Il y aurait une illusion d’économie qui coexisterait avec une vraie économie, celle qui, à la fin des fins, et sur le long terme, compte vraiment.

 

Ainsi, la crise serait-elle non pas le fait du monde de l’économie réelle mais celui de l’autre économie, qui ne fait que recouvrir le monde du voile de la monnaie, transparent, sans densité, sans conséquence. Les banquiers ne créent rien, quoiqu’ils prétendent, et aucune valeur, dans ces doctrines, ne peut émaner d’une soi-disant économie financière. On n’est pas loin des principes aristotéliciens selon lesquels « l’argent ne fait pas de petits », et si Saint Thomas est bien loin de la pensée économique, la finance islamique est bien proche, qui a emboîté les pas d’Aristote et du divin docteur.

 

Si donc la crise est financière et, par extension, bancaire, alors, la remise à plat du système bancaire et financier, les régulations qui doivent maintenant l’encadrer, la nationalisation des banques défaillantes ou les fusions concertées d’institutions en dérive, ont été un des piliers de la sortie de crise. Et comme tout ceci se met, s’est mis réellement en place, on peut prétendre à une fin de crise. Le deuxième pilier de cette sortie de crise, c’est l’intervention massive, presque monstrueuse des banques centrales et surtout de l’Européenne et de l’Américaine. Cette intervention, en plusieurs temps à prouvé à elle seule que la monnaie est un voile et que gicler des centaines de milliards de dollars dans les « pipes » financiers, pour réamorcer toutes les pompes tombées les unes après les autres en panne faute de liquide à aspirer et refouler était simplement une décision courageuse à prendre et non pas une nouvelle nuit du 4 août à mettre en scène. L’effet, n’a-t-il pas été immédiat ? La liquidité des marchés restaurée, les banques ont pu retrouver le chemin des échanges, les capitaux qui avaient fuit sont revenus, et certaines banques américaines pensent à rembourser les fonds reçus bien avant le terme prévu. Elles se sont renflouées plus vite qu’on ne pensait. Parmi les autres piliers, l’écrasement des taux d’intérêts, a été mené rondement, les Madoff ont été envoyé en prison, les maisons achetées au moyen d’une expansion monétaire sans raison ont été recyclées sur le marché de l’occasion.

 

L’Amérique, comme le Monde comme l’Islande…

 

Donc, tout va bien et les cours de bourse de quelques banques ont repris de belles couleurs. Tout va bien, même en Islande, selon les dernières informations ! Tiens, au fait, pendant qu’on en parle, voilà un pays sympathique, tout petit et qui a eu tout faux de A à Z….il faut croire que les Islandais n’avaient rien compris à la monnaie et à son voile : ils en avaient fait une des pierres angulaires de leur renouveau économique. Ils avaient soigneusement protégé leur monnaie contre les pollutions mutualistes du genre Euro. Ils avaient lancé des programmes d’expansion de leurs banques, partant à l’assaut de tous les mondes, scandinaves, anglais….avec un peu de chance ils auraient peut-être pu avoir l’idée de conquérir le Luxembourg, pourtant deux fois plus peuplé !!!! Et patatras ! Voilà que l’économie réelle s’est invitée dans cette fête monétariste et bancaire. Elle s’est effondrée suivant les banques et les assurances dans leur débâcle.

 

Aujourd’hui, le comble vient d’être atteint : une demande d’adhésion à l’euro, en quatre exemplaires, comme le veut la bureaucratie bruxelloise est arrivée sur le bureau de M.Barroso. Il s’agirait, pour protéger l’économie contre les malheurs de la monnaie, d’arrimer celle-ci à solidement à un bon ponton. Comme çà on pourra retourner à la pèche à la baleine sereinement, en laissant le gouvernement de sa majesté britannique un peu amer, le dogme qu’il professait en matière « le laissez faire-laissez passer l’argent et la banque » se heurte aux déposants écossais et anglais qui ont perdu beaucoup d’argent dans cette affaire.

Donc, il y aurait un lien, entre le monde de la monnaie au sens large, c'est-à-dire le monde de la banque, de la finance et de l’assurance et le monde réel ? Puisque la crise financière et monétaire a éclaté aux Etats unis, ce lien se situe-t-il, dans l’univers américain ?

 

Les américains ont vécu sur une illusion monétaire et le fameux voile a servi pendant des années à cacher les  misères de l’économie réelle ? Emprunter, c’est bien sûr le signe du dynamisme et les américains qui sont dynamiques comme chacun sait, ont doublé leur taux d’endettement de 65% à 140% de leur revenu. Pendant que les ménages américains, (puis les ménages anglais qui ne pouvaient pas rater l’effet d’imitation), s’endettaient et voyaient flamber en bourse leurs fonds de retraites, l’économie réelle faisait des siennes : emplois industriels effondrés, de grandes entreprises américaines à la chasse du moindre coût et délocalisant vers la Chine, vers l’Inde et l’Amérique Latine tout ce qui était possible de délocaliser. En échange, des produits importés à des prix défiant toute concurrence, donnant à l’américain moyen l’illusion d’une richesse encore accrue, pendant que l’emploi décroissait. Dans le même temps, cet américain vibrait aux super-primes, que les autres, les chevaliers des temps modernes, les nouveaux Médicis encaissaient. Ils applaudissaient à leur retraite chapeau et leurs « hello bonusses ». Un anglo-saxon, c’est bien connu, n’est pas jaloux ou critique de la réussite des autres, leurs réussites aujourd’hui nourrit son espoir de réussite pour demain.

 

L’économie américaine, c’était aussi le droit de battre monnaie pour l’ensemble du monde, un droit de se servir du dollar pour financer tous les excès de politiques internationales unilatérales, tous les déficits budgétaires, les déficits du commerce extérieur et des paiements.  Allons donc ! et, on voudrait nous donner à croire que la monnaie ne serait qu’un voile…dans le cas du dollar on a envie de dire qu’il s’agissait d’une voile, permettant à l’économie américaine de voguer impérieusement et de mobiliser les économies des nations au service de leur grande illusion.

Aujourd’hui le/la voile est déchiré/e. Le bateau est en panne. L’économie américaine, et c’est ça, qui, à l’heure actuelle est le plus grave, est passée d’un état de surévaluation surréaliste à la réalité, celle d’une économie dévastée, pillarde, destructrice de tous ceux qui l’entourent, développant graduellement les syndromes d’une société en voie de sous-développement.

 

La crise ne fait-elle que commencer ?

 

Elle a touché les Etats-Unis en premier, parce que l’économie américaine était la plus malade. Elle a déferlé avec une violence inouïe car l’économie malade est la première économie du monde et le restera encore longtemps. La propagation a été rapide et la vague a parcouru le monde en un temps record, parce que les Etats-Unis sont le premier importateur et exportateur du monde. L’ensemble des bourses, des banques et des monnaies, ont été ravagées en un clin d’œil car les premières banques, les premières compagnies d’assurance étaient américaines.

 

Même surévaluée l’économie américaine restera la première. Et l’effet de la surévaluation de l’économie américaine, demeurera énorme longtemps.  Pour revenir à la réalité d’une économie dégraissée, en faisant des calculs raisonnables, il s’agit d’effacer d’un trait de plume le PNB de la France et de l’Allemagne. …après s’être redimensionnée, comme l’Islande, la première puissance économique du monde doit se reconstruire. C’est le vœu, et la volonté du nouveau Président. Elle doit retrouver des services publics dignes de ce nom. Un système de solidarité sociale doit être lancé pour que vivre aux USA ne signifient pas indignité et sous-développement. Le refinancement des grands Etats des Etats Unis est une obligation absolue, la Californie n’est-elle pas en état de cessation de paiement avérée ?

 

Les conséquences ? Les Etats Unis se reconstruisant ne pourront plus être les consommateurs-importateurs qui faisaient vibrer le monde de leurs appétits sans limites. Rebâtissant une économie équilibrée, sur fonds de rétablissement des équilibres budgétaires et du commerce extérieur, les Etats-Unis vont s’efforcer de redonner une crédibilité à un dollar un peu secoué. Moins d’importation, moins de délocalisation, davantage d’américanisation…

 

Qui pourra compenser, à très brève échéance, ce retrait du consommateur américain, de l’investisseur, du fournisseur mondial de liquidité ? La Chine ? Sa participation au commerce mondial est bien faible, même si elle est devenue l’usine du monde. La richesse du consommateur chinois n’atteint qu’une fraction ridicule de celle du consommateur Américain. La Chine au surplus, rêve d’auto suffisance, d’industrialisation pour le marché interne, elle rêve de donner des leçons de gestion monétaire au monde occidental. L’Inde ? C’est la même question en pire. L’Europe ? Elle est empêtrée dans les déficits et ce qu’elle pourrait faire d’européen est l’objet de contestation internes.

 

 

La crise, ne s’aggravera peut-être pas. Les banques et le système financier sont probablement sortis d’affaires, les bourses caracoleront surement pendant quelques temps : les taux d’intérêts sont si bas, que les détenteurs de liquidité seront nécessairement tentés. La crise cependant n’est pas que financière, elle reflète, le décalage entre la valeur espérée, et la valeur réelle de la principale économie du monde. Il faut maintenant que ce décalage soit digéré, il faut que les économies dont la valeur croit, prennent de l’ampleur.

 

 Tout çà prendra du temps. Non la crise n’est pas derrière nous. Devant, nous ce n’est peut-être pas un ouragan qui se profile. C’est tout simplement une tâche immense. Ceux qui s’imaginent que tout va vite revenir comme avant sont aveugles, simplement.

 

Atlantico: interview sur les politiques d'austérité

Paru dans Atlantico en avril 2013.


La théorie selon laquelle un endettement supérieur à 90% entraînerait un ralentissement de la croissance, défendue en 2008 par Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff, vient d'être remise en cause par des chercheurs de l'université du Massachusetts. Dans le même temps, après les appels à plus de souplesse de la part du FMI et des Etats-Unis, le président de la Commission européenne, José-Manuel Barroso, a déclaré "l'austérité a atteint ses limites".

 

Pour l’opinion allemande, pour les responsables politiques, il n’y a encore que de faibles et peu significatifs signaux. Quelques indices ne vont pas dans le bon sens? Depuis que les croyances antiques ont passé de mode, ce n’est pas un vol de corbeaux venant de la gauche qui annoncera l’hiver. L’économie fonctionne en plein emploi ou quasiment selon les critères allemands (et probablement aussi avec des critères français). Les polonais, tchèques, roumains et autres bulgares viennent travailler pour pas cher dans des secteurs qui ne connaissent pas de salaire minimum garanti. Les coûts allemands sont toujours aussi compétitifs. La demande de produits adressée par l’Europe est vacillante ? La demande adressée par la Chine tendrait à prendre le relai. Les Chinois ont besoin de machines-outils en tous genres. Ils aiment les voitures allemandes. C’est l’essentiel.

 

Pourquoi donc, imaginer qu’il y a des problèmes en Allemagne. Plus exactement, pourquoi extrapoler de quelques indices l’existence de problèmes. Ils nous le disent « l’économie allemande est en train de reprendre son souffle ». Si on était méchant on dirait que c’est bien une économie de vieux : elle vient de faire une course à 5 à l’heure et voilà qu’il faut qu’elle s’accorde un petit moment de repos!

 

Fait-on remarquer à quelques allemands que la demande chinoise pourrait bien profiter à un Japon qui cherche à dévaloriser sa monnaie. La vraie réponse d’aujourd’hui est un sourire ironique : la qualité allemande n’existe que dans les produits allemands ! Quand on souligne l’inquiétude des Chinois devant les signes de ralentissement de leur économie, on renvoie cette remarque au même rang que les lois de respiration des économies qui courent trop vite. Une fois qu’elles se sont reprises : elles se remettent à courir !

 

Les économistes américains ne savent pas se servir d’excel et se trompent dans leurs conclusions sur le surendettement des pays ? En veut-on une preuve ? L’économie Allemande est surendettée et fonctionne très bien. C’est surtout la preuve que les pays européens n’ont qu’à faire comme l’Allemagne : suivre le chemin qu’elle n’a eu de cesse de suivre depuis 15 ans : la rigueur !

 

Malgré les premiers signaux préoccupants venant d'Allemagne, Berlin semble rester inflexible sur la question. A quelles conditions le « dogme » l’austérité pourrait-il exploser ? Quels verrous faudrait-il faire sauter ? Quelles institutions convaincre et comment (Commission européenne, BCE, Parlement etc.) ?

 

L’austérité, il faut se faire une raison, n’est pas un dogme pour les Allemands. C’est l’application d’un principe et d’une méthode. «  Le principe : c’est celui de la ménagère qui ne dépense pas plus qu’elle n’a en poche... La méthode: pratiquer une dévaluation … qui n’a été ni plus ni moins qu’une ‘sagesse salariale’ consentie»,

 

L’austérité est une vision de sudiste. Il n’y a pas d’austérité en Allemagne. Il y a simplement un consensus pour que la machine allemande fonctionne dans les meilleures conditions de compétitivité possible. Quitte à sacrifier l’avenir. Car, ce qui permet à la ménagère allemande de ne pas trop se préoccuper des charges, c’est qu’elle n’en a pas : pas d’enfants, pas de besoins en école, pas de besoins en hôpitaux, pas de besoins en logements, pas de charges d’étudiants, pas de nouveaux entrants sur le marché du travail, flexibilité grâce au lumpenproletariat importé des pays voisins etc.

 

Donc l’Allemagne n’a aucune raison de bouger. Au surplus, les élections pour le Bundestag qui se tiennent en Septembre ne peuvent pas donner de chances à des initiatives de relance, c’est-à-dire à une prodigalité condamnable. Ajoutons que la Bundesbank et son sémillant Président bétonnent férocement le terrain. Les attaques contre les tentations de « quantitative easing » à l’anglaise ou à l’américaine sont menées avec une certaine efficacité. Si Mario Draghi a réussi à contourner certains des obstacles mis par ses collègues de la Bundesbank à toute idée de relance, il n’en est pas moins sous leur regard attentif et courroucé.

 

Faire sauter des verrous ? Il n’y a pas de verrous. Il y a simplement une querelle dont la dimension est absolument politique. « Cessez vos politiques d’assistanat dispendieuses, cessez de prendre vos contribuables pour les vaches à lait d’une fonction publique aussi inefficace que pléthorique, cessez de protéger tous vos salariés sous-qualifiés en vous efforçant de maintenir en survie des industries du passé, cessez de considérer qu’un homme qui travaille est une victime du grand capital et non un contributeur de richesse et vous retrouverez le bon chemin » . Tout le reste n’est que tentation dirigiste et soviétisme à peine dissimulé : ce n’est pas à un pays dont le Chef de l’Etat et la Chancelière ont été élevés à l’Est qu’on le fera gober.

 

S’appuyer sur le Parlement européen ? Pourquoi pas… il n’est pas loin le moment où ce même Parlement accueillait un Berlusconi outrancier prenant les Allemands à parti et leur rappelant les bons souvenirs des années quarante. Belle assemblée, en effet ! La Commission ? Ça alors ! Quelle drôle d’idée ! Voilà une administration qui s’est vite mise d’elle-même sous le boisseau au beau moment où la crise éclatait. Personne n’imagine le Président de la commission s’exclamant auprès d’Angela Merkel : « chef ! J’ai une idée ! Chef ! Vous m’écoutez, je crois que j’ai une idée. »

 

Et surtout comment convaincre l'Allemagne ? Quelles circonstances pourraient la pousser à reconsidérer la question (législatives etc. ? Quels gages lui donner, quelles contre-parties ? Si la voie diplomatique devait mener à l'impasse, quel serait la nature du rapport de force qui devrait s'engager ? Pourrait-on imaginer une recomposition des équilibres politiques ? Autour de quels pays ?

 

Pour que l’Allemagne bouge, il faudrait un cataclysme. Les législatives allemandes à venir ne font pas partie des cataclysmes mais de l’ordre des choses démocratiques. Les élections municipales françaises ? Même chose. La Belgique qui éclate sous les coups de boutoir de la crise et des Flamands ? Péripétie. L’Ecosse qui prendrait finalement son indépendance et convaincrait la Catalogne de faire de même ? De futurs marchés pour les machines-outils et les voitures allemandes. La Grèce associée à Chypre qui décident de s’en aller de la Zone euro et de créer une grande zone franche internationale dans le genre Virgin Islands mais avec la culture et de grands moments historiques en plus ?

 

Cessons ce petit jeu ! Tout ceci importe peu  à l’opinion allemande. A raison. Ces morceaux de pays ou ces pays en leur entier ne pèsent pas lourds en termes économiques. Donc ils ne risquent pas de gêner la politique suivie par l’Allemagne.

Quant à donner des gages aux Allemands ?… ne revenons pas sur les douloureux exemples du passé quand la France allait prendre des gages sur la Rive gauche du Rhin ou quand, dans l’autre sens, elle dût verser l’équivalent d’un tiers de son PNB à l’Empereur allemand pour qu’il veuille bien interrompre sa promenade militaire.

 

Il n’est même pas sûr que Poutine lançant ses chars « comme au bon vieux temps » ferait bouger la ménagère allemande.

 

 

4. Selon quels scénarios cette transition pourrait-elle s'opérer ? (mise en œuvre et conséquences)

Différentes pistes possibles :

1)Politique de croissance à l’échelle européenne (gouvernement économique, relance par l’investissement à la fois par la consommation et l’investissement, rôle plus politique de la banque centrale)

2)Politique médiane : poursuite de la politique de réduction des déficits, mais dépense d’investissement

3)Sortie de l’Euro pour sauver l’Europe. Création d’une monnaie commune pour remplacer la monnaie unique avec plusieurs zones monétaires

 

Imaginons cependant que l’Allemagne descende de son Aventin… imaginons qu’elle s’en vienne devant ses associés et leur dise « allez, finalement, c’est trop bête. Relançons un grand coup. Et que la machine reparte. C’en est assez de se reposer. Bossons ! »

 

Alors, pour faire repartir la machine, il ne faudrait surtout pas s’en remettre aux Etats. Aux dépenses publiques. Aux investissements du même nom. Ce serait trop lent. Trop inefficace. Et puis, des dépenses publiques cela ne se décide pas comme ça, d’un claquement de doigts. Il suffit de voir ce qu’il en a été des investissements à financer par le grand emprunt « Sarkozy ». Trois ans après, les enveloppes prévues n’avaient toujours été que partiellement consommées.

 

Si on veut que la machine reparte, il faut s’en remettre à la myriade de décideurs économiques que sont les ménages et les entreprises. Ils savent bien ce qui leur manque, ce qu’ils aimeraient pouvoir financer et seraient capables de se décider très vite. Presqu’instantanément.

 

Comment fait-on dépenser des ménages qui se sont arrêtés de le faire ? En diminuant les prix. Donc la TVA. (en s’organisant pour que la stimulation de la consommation n’aille pas enrichir quelques asiatiques). Comment faire redémarrer les entreprises : en abaissant violemment leurs charges sociales. La demande resolvabilisée et l’offre rassérénée font en général de bonnes affaires ensemble.

 

Donc des déficits des finances publiques ! Comment les financer ? En étant Européen : en lançant des emprunts européens destinés à compenser les pertes de recettes fiscales. Comment les rembourser ? Par l’augmentation des recettes fiscales liées à l’augmentation des dépenses et par la réduction des dépenses publiques liées à la reprise du marché de l’emploi.

 

Certains pays sont violemment touchés ? Un second système d’emprunts groupés européens serait mis en place pour les soutenir et leur permettre d’affronter les fameuses réformes de structures sans trop souffrir.

 

Quels gages donner  à l’Allemagne, mais surtout à l’avenir ? Continuer les réformes du marché de l’emploi, des retraites et des systèmes de redistribution sociale. Avancer plus loin encore dans la construction d’une Fédération Européenne et dans la mise en place de politiques extérieures solides et pro-actives.

 

Tout ceci revient à parier qu’un vent de confiance balaiera les miasmes de la crise : Après tout, l’Allemagne, comme la France, détruites toutes deux par la dernière guerre mondiale s’en sont remises !

 

Utopie, simplisme, enfantillages ! Relancer une économie, c’est beaucoup plus compliqué que cela ! Il faut réfléchir. Ne pas se lancer à l’aveuglette. Demander aux spécialistes.

 

Alors, il y a une solution, une dernière. Celle-là marche d’un coup et, si elle est bien menée, très fort. La dévaluation ou la réévaluation. On a le choix. Ou les Français s’en vont (dévaluation) ou les Allemands le font (réévaluation). Si nos grands argentiers, nos grands fonctionnaires sur-compétents et si nos banques ne sont pas qu’une collection d’enfants de cœur, ces deux plans B (B’ et B’’) dorment quelques parts dans des cartons, eux-mêmes dans des coffres-forts… il paraitrait même que les billets sont déjà prêts. Le reste n’est qu’une question d’informatique.

 

Et puis, on ne rendrait pas leur Or aux Allemands. Voilà le Gage que les Français pourraient mettre en place.

 

Au fait pourquoi ne pas parler de la dévaluation de l’Italie, de l’Espagne etc. La réponse est simple : quand on arrive à ce stade de pensée économique, on a atteint la zone de l’égoîsme national maximum. Alors, penser aux autres ….

 

En cas de sortie de la zone euro, quelles pourraient être les conséquences

 

Qui sortirait donc ? Y aurait-il comme au bon vieux temps de Guillaume 1er de Prusse (celui qui ne voulut pas être empereur), une Confédération du Nord, qui battrait monnaie commune ? Y aurait-il comme au bon temps de la France de la fin de XIXème Siècle, une Union Latine, où l’or serait roi ?

 

La France déciderait-elle de faire « monnaie à part » laissant aux autres membres de l’Euro les charmes et les affres de l’Euro. Elle les regarderait s’étouffer dans une monnaie trop forte comme la France du Général riait sous cap de voir la livre sterling se transformer en monnaie pour nécessiteux.

Dans tous les cas de figure, il est préférable de ne pas chercher à imaginer les conséquences autrement que sous la forme que prit la course à la dévaluation durant les années trente de l’autre siècle. Rien que cette vision apocalyptique devrait faire réfléchir.


Critique de la crise

paru dans les Echos. Septembre 2009.

 

La crise serait-elle derrière nous ? Les indices le crient-ils vraiment à tue-tête ! Ou à l’inverse, la tempête pourrait-elle être suivie d’un ouragan ? Le calme apparent du moment n’annoncerait pas le retour au bon vieux temps ? Le plus dur serait à venir ?

Personne ne tient à ce que la crise demeure en l’état, personne ne peut désirer se morfondre dans une déréliction morose et personne ne souhaite des lendemains qui feront hurler. Mais il parait que les pays occidentaux feraient bien de tendre l’oreille et d’affuter leur regard.

 

Réinvention de la crise

 

Il n’y a pas si longtemps avant que la crise ne ravage le monde, « Crise Economique» n’était qu’un concept de pure théorie venu du fin fonds des âges ou du souvenir d’une histoire ancienne. Les vraies crises, les crises qui portaient sens, pour l’homme, la société, le monde, étaient des crises politiques et des crises sociales. Il n’était de crises que de Berlin, de Baie des Cochons, du Vietnam et du monde soviétique, que de 1968 ou de l’Afrique qui n’en peut plus de mal partir. Penser la crise, ce n’était pas penser aux histoires de gros sous, aux banquiers ruinés qui se jettent par les fenêtres et aux traders déboussolés.

 

Et voilà que, sans prévenir, la crise a pris la couleur de l’économie, revêtant les oripeaux  un peu défraîchis événements vieux de 80 ans. Pendant plus de quatre mois, ce ne furent qu’économies qui tombent de la falaise, paniques dans les chaumières et queues devant les guichets de banque. Le calme serait aujourd’hui de retour, « we can see the green shoots », s’est même laissé aller M.Bernanke, emporté par un vent d’optimisme.  Le moment critique, « le climax » de la crise serait derrière nous. Grâce à l’attitude des hommes politiques et financiers durant ces moments intenses ? Grâce au retour d’une sagesse du monde vrai, du monde réel sur le Moloch de la finance et des bonus. La crise serait donc circonscrite, réduite, et, enfin, sur le point d’être anéantie.

 

La crise, suprême pensée !

 

Ecoutez les radios et le ton soulagé des commentateurs, le pire est passé. Tendez l’oreille pour entendre les mots qui se déploient comme les oriflammes d’une jeune armée, fringante et redevenue confiante. Le pire de la crise est passé ! On se prendrait à chantonner  que « Mathilde est revenue »….

 

On parlait il y a encore quelques temps de signes, de frémissements….Ecoutez ! la bourse est passé de la résistance….  « Le CAC s’est bien défendu, la ligne de 2500 a été sauvegardée », à l’attaque : «  et maintenant, nous sommes à l’assaut des 3600… ». Regardez les chiffres de l’emploi : on détruit moins de postes, le chômage a moins progressé. Et même l’inflation fait une timide apparition ! Chère inflation ! Délicieuse inflation ! Douce annonciatrice des tensions entre offre et demande ! Talisman contre la  déflation odieuse. Et signe parmi les signes, le pétrole qui avait cessé de flamber, qui était déraisonnablement devenu raisonnable, a pris lui aussi la mesure de l’événement et entamé un retour vers les hauts. Un petit doublement pour commencer, un coup pour voir ! Pour voir quoi ? Mais la fin de la crise, stupide !

 

Retour aux valeurs vraies et aux valeurs justes

 

Cette crise a apporté avec elle beaucoup de malheurs, mais elle a aussi apporté beaucoup de sagesse. La dernière réunion du G20 donne chaud au cœur. Les bonus ? Oui, on va les moraliser ! Les banques ? bien sûr, on va les contrôler ! Et puis, il faudra les doter de capital à la hauteur….à la hauteur des pertes abyssales qu’elles peuvent encourir et diffuser dans le monde entier ! Les marchés débridés, dérégulés, déréglementés à l’anglo-saxonne, les marchés qui ont toujours raison et qui montrent le chemin juste, les démiurges des produits financiers, les traders qui copinent et qui prennent leur dîme sur les flots de monnaie qu’ils détournent…c’est du passé. Tout va dans le bon sens, les vieux pays d’Europe (continentale) font pencher la balance en faveur du respect de l’intérêt public.

 

Toutes les crises ont tendance à fabriquer de l’humilité et de la modestie en grande quantité. Depuis quelques semaines, on évite de tirer des plans sur la comète, on relativise les frémissements et on dit qu’il faut « savoir raison garder ». On est prêt à penser que maintenant, les indicateurs se tiendraient dans une bonne tendance. Tous les responsables, tous ceux qui ont à dire quelque chose sur l’économie se prononcent avec lenteur et prudence. Ils donnent l’impression qu’ils ne veulent pas s’approcher trop prés et trop bruyamment de ces indices qui frémissent, au risque que la reprise prenne peur et s’envole à tire d’aile.

 

On a pris conscience que lire dans les chiffres, c’est quand même plus sérieux que lire dans le marc de café. D’ailleurs c’est une mauvaise expression que cette « lecture des chiffres ». Çà fait aruspices penchés sur des viscères de volailles. On ne devrait jamais lire les chiffres, ni les traduire non plus. A pratiquer ainsi on prend le risque de sauter des pages, de changer des mots, des sens. Au contraire, l’humilité retrouvée nous dit d’écouter les chiffres et les faits. Elle nous intime de nous laisser guider par la réalité vraie et non par les souhaits obscurs ou les désirs inaccomplis dont nous prétendions, il y a peu, badigeonner le futur. La crise, même Bernanke, même Trichet et Brown le disent haut et fort, nous aura poussés à retrouver l’authenticité, la mesure et l’universel.

 

Sortir de la crise est-ce rester au fond du puits ?


Puisqu’il faut laisser parler les chiffres, laissons-les s’exprimer ! La croissance française est redevenue positive, les chiffres le disent, le sentiment des industriels anglais sur les mois à venir s’est amélioré, les données sont là, aux Etats Unis les achats de biens immobiliers ont cessé de se dégrader…..tout va bien donc ? Ajoutons, enfin, pour la bonne bouche, l’inévitable progression des prix de l’immobilier parisien….les nuages mauvais s’arrêtent toujours aux frontières de la Douce France !

 

Au fait, pour revenir sur quelques éléments simples, laissons parler les pourcentages : combien de croissance faut-il pour effacer 50% de décroissance ? Simple ! Il faut 100%. Patience, sage épargnant qui n’a pas succombé à la tentation de vendre ! Combien de temps a-t-il fallu pour que le taux de chômage en France décroisse de 50%. Simple, comme bonjour ! Il suffit de laisser parler les chiffres : il aura fallu dix ans, pour que venant de quasiment 13% à son maximum, il tangente le 7% dans son plus bas 2008. Et combien de temps aura-t-il fallu pour que la crise le repropulse vers un taux « double digit ». À peine six mois ! À ce point de l’écoute des chiffres, qui osera esquisser l’idée qu’un retour à 7% est dans la poche ?

 

Oui, les économies du monde ont stoppé leur dégringolade. On dira que dans toute chute, il y a un moment où, ayant atteint le fonds, on ne peut pas aller plus loin. En économie, dégringoler ce n’est pas revenir à zéro ; toute décroissance rencontre naturellement son point limite. Même pendant la deuxième guerre mondiale qui n’a pas été une époque fabuleuse pour l’économie française, il se passait quand même quelque chose, des gens consommaient, d’autres produisaient…il est vrai qu’en 1945, le niveau du PNB français devait être approximativement aussi élevé qu’en 1900 ! Il est vrai aussi que cela ne veut pas dire « rien ».

 

Oui, la chute des économies s’est arrêtée…mais cela veut-il dire que la Crise est finie ? Pas du tout ! Ou alors on confond les notions. La crise économique, peut être vue sous deux angles : C’est l’expression d’un moment critique ou bien c’est cette situation qui fait que les économies qui en ont été touchés se retrouvent 5 ou 10 ans en arrière.


Ce n’était qu’un accident météorologique ?

 

Optons donc pour la première interprétation. Nous étions tout au fond du puits, il y a à peine trois ou quatre mois. Nous ne pouvions pas descendre plus bas. Depuis, des signaux nous montrent que la remontée est imaginable dans des délais assez brefs. C’est clair, nous sommes sortis de crise puisque la chute est finie et que l’ascension semble se préparer. Les indices boursiers devraient nous montrer très vite le cheminement de la prospérité.

Bien sûr, le Président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet, a estimé qu'il était "prématuré" de proclamer la fin de la crise après les signes d'amélioration récents des perspectives économiques en zone euro. Le Président a raison. La crise a été évidemment un événement critique, catastrophique, phénomène d’une rare violence, tsunami, décrochage de plaque tectonique, dévissage de cordée. Considérer les événements de cette façon ne peut que conduire à une attitude du type « tsunami ». Une fois que la crise est passée, elle est passée. Plus rien n’est plus à redouter, on nettoie les décombres, on reconstruit aussi vite qu’il est possible, on se dit que c’est fini et qu’une fois nettoyé, tout redeviendra comme avant ! Les commentaires à base d’indice qui vibrent dans le bons sens et de sondages d’opinion porteurs d’espoir présentent ce risque d’illusion collective.

 

Le président de la BCE avait estimé que « la relance s'annonçait laborieuse et "irrégulière" » parce que c’est une réaction naturelle que de souhaiter que l’ « après » de la crise ressemble à l’ « avant » !

 

La vraie crise, ne pas voir venir les changements du monde?

 

Si nous optons pour la seconde interprétation, nous devons reconnaître que nous sommes retournés, 5, 10 ans en arrière selon les pays. L’étiage que nous avons atteint, au fond du puits est si bas, que la remontée va être très difficile, « laborieuse et "irrégulière" ». Au surplus, pendant tout le temps de cette remontée, le monde changera. Et puis, est-on certain que tout le monde va remonter ? Disons-le de façon moins négative : est-on certain que chacun remontera au même rythme que les autres, selon le même timing ? Est-on sûr que ce sont les florissants, les riches d’hier qui seront les ré-escaladeurs les plus efficaces?

Jorgen Elmeskov, économiste de le l’OCDE, évoquait lui aussi une reprise « relativement lente ». En V, en U ou encore en W, et M, ou en racine carré ! pourquoi pas ? Son sentiment est qu’il est difficile de « …croire qu'il existe une lettre de l'alphabet pour le scénario qui se profile ».

Résumons tout ceci : comme il est déraisonnable de penser que tout va redevenir comme avant, comme nous ne savons pas où se trouve précisément le nouvel équilibre, ni de quoi il est fait, comme nous ne savons pas quelles vont être les leaders de la cordée du retour à la richesse. Alors, il est vraiment prématuré de penser que nous ne sommes sortis de la crise !

 

Quelqu’un a dit qu’on ne voit jamais que ce que l’on vous donne à voir. Selon qu’on donnera à voir de la crise « moment », « événement météo » ou de la crise  « situation », « rupture », le jugement sur l’avenir et donc les décisions sur la crise seront diamétralement opposés.

 

Au tout début de la Crise, M. Bernanke disait « le monde est tombé de la falaise ». Il ne disait pas « les Etats-Unis sont tombés de la falaise et ont entraîné tous les autres ! ». Çà n’aurait pas été la même chose…..et quand M. Fillon dit que le monde n’a pas à payer par l’accumulation des dettes publiques l’incapacité des ménages américains à rembourser les leurs, il propose une vision très forte, et très différente.

 

Certains pensent que la crise n’est que çà : tomber du haut de la falaise. Allons disent-ils, il faut se relever et recommencer à grimper pour revenir au point de départ. Pour ceux-là la crise est en train de finir. Ils accomplissent la sortie de crise.

 

Ayant roulé en bas de la falaise, d’autres ont constaté que la vie ne serait plus comme avant, la falaise effondrée le paysage est changé. La crise, c’est ce changement, et tant que ce changement n’aura pas été totalement, compris, esquissé, assumé, tant qu’une nouvelle voie au travers des débris de la falaise n’aura pas été définie, tant que la carte d’un cheminement vers une autre falaise ou une autre plage n’aura pas été dessinée, nous ne pourrons pas dire que nous sommes sortis de la crise.

 

 

Economie réelle contre économie monétaire

Paru dans les Echos en novembre 2012.

Maintenant que tout le monde est bien convaincu que les dettes sont trop lourdes et qu'à défaut de rembourser il faut ne plus s'endetter, il est temps de passer à autre chose... à penser la croissance et à cesser d'imaginer que la flagellation par l'austérité est la seule voie que les économistes vertueux autorisent aux pécheurs qui se repentent. Il serait temps de penser à l'économie réelle...


Relancer l’économie réelle, puis penser aux dettes souveraines?

 « Dettes souveraines-Le retour 3 » (ou 4 ou 5, on ne sait plus trop bien) ! Un objet de littérature économique pour temps morts. Parler des dettes souveraines, quand il n’y a pas grand-chose de neuf à dire, sur l’économie, sur les banques, sur la monnaie, est devenu un « must ». Pourtant,  n’a-ton pas  déjà tout dit ? On sait que la dette des Etats-Unis et son taux d’endettement ressemblent à celui d’un pays sous-développé d’autrefois ! La France n’en est pas loin et, au rythme où ils vont tous deux, le Japon et la Grèce n’ont qu’à bien se tenir.  On sait que les pays européens sont plombés par la dette. Tous : le nouvel homme malade, la France, mais évidemment l’Italie, l’Espagne, le Portugal…. Et la Grèce ! La Grèce éternelle qui semble avoir gravé dans le marbre que, puisque la pensée grecque est parmi nous depuis prés de trois millénaires, cela fait petite tête et petit bras que de s’inquiéter de ses capacités de remboursement. Enfin l’Allemagne prudente et austère a elle aussi été touchée par la « mal-dette ».

Donc, cela ne va pas fort dans les économies occidentales.

Comme on dit dans les journaux : elles sont percluses de dettes comme les vieillards le sont de rhumatismes et, comme ces derniers, elles ne peuvent plus bouger. Or le problème des économies occidentales …c’est le problème du  Monde (avec le Grand M) entier : Les pays Occidentaux ne peuvent plus bouger ? Conséquence : le Monde est coincé. La raison est connue aussi bien que le niveau de l’endettement des pays développés : les pays occidentaux sont encore, pour quelques décennies, la principale zone économique mondiale. L’Europe (zone la plus riche) et les Etats-Unis, contribuent pour plus de 60% au PNB mondial. Si on y ajoute le Japon,  c’est davantage encore. Pas de chance pour le Monde, cela ne va pas fort chez les Riches et tout est fait pour que cela empire : les agences de notation vont décoter à tour de bras, la Grèce sera plus mal encore, l’Espagne ne pourra plus emprunter, l’Italie aussi, les Etats-Unis ont découvert un fiscal cliff. Et les commentateurs, encore dans la quiétude de leurs cabinets s’évertueront à avoir raison a posteriori.  Ils commenteront la folie des Etats : « Ils ont follement emprunté donc, ils sont fous ». Eh bien puisqu’ils sont fous, d’autres commentateurs essaieront un « enfermez-les ! » !

 « Enfermez-les ! » : n’est-il pas évident que la solution est de réduire les déficits et que les pays cigales doivent crier merci et se transformer sur l’heure, sur l’instant, dans la seconde en fourmis… Pourtant, n’est-ce pas un peu facile ? Le raisonnement de la ménagère qui tient son budget vaut-il dans l’ordre économique mondial ? Évidemment non, car la ménagère ne peut réussir qu’à une seule condition : les autres, autour d’elles, ne modifient pas leurs comportements. Si toutes les ménagères deviennent lucides en même temps, alors, elles s’enfoncent ensembles dans une folle dépression. La multiplication des plans d’austérité a un effet multiplicateur… à l’envers. Les risques d’effondrement des PNB s’accroissent de façon plus que proportionnelle au  nombre des pays qui pratiquent l’austérité. Tout le monde sait cela. Tout le monde sait aussi qu’avec des PNB qui plongent les déficits ne pourront pas être comblés, les dettes ne pourront donc pas être remboursées. Quand on connait les effets désastreux des causes prudentes et légitimes, ne devrait-on pas être porté vers la recherche de causes inverses qui produiraient des effets du même genre. Ces causes-là seraient-elles nécessairement « illégitimes et imprudentes » ? Ne serait-il pas avisé de pratiquer des politiques inverses ? Car, de toutes les façons, les créditeurs « souverains » vont être précipités dans les poubelles de l’histoire avec du « papier » qui vaudra ce que valent les emprunts russes dans les portefeuilles de la bourgeoisie française !  Ne faut-il pas préférer séduire ces mêmes créditeurs et créer par la croissance, les chances de les rembourser un peu ?

Relance keynésienne et irrégularités des espaces économiques

A ce stade du raisonnement. Il faut considérer la théorie et la pratique économique. La théorie Keynésienne est simple, les méchantes langues diront simpliste. La relance par la dette publique est d’autant plus efficace que la crise n’a pas vraiment détruit (comme une guerre l’aurait fait) l’appareil productif de base. Il est sous-employé. Une relance trouve donc son support pratique. Les capacités productives ressources humaines, matérielles, compétences et réseaux se réactivent, le multiplicateur d’investissement fait le reste. Les failles de cette méthode sont connues, en particulier le risque qui, par les importations (fuite dans le système) conduit à exporter la relance, c'est-à-dire à lui faire perdre son efficacité. Or, ce qui est vrai pour le cas d’un seul pays, ne le devient plus pour plusieurs, surtout quand ils forment institutionnellement un ensemble. La théorie redevient alors « praticable » s’il y a simultanéité d’actions entre les pays membres de cet ensemble. Pour autant, si la théorie parait simple la pratique, mérite réflexion.

Telle qu’évoquée plus haut, la décision de relance, impliquerait simultanéité d’action (et de pensée) entre les pays concernés… est-ce imaginable ? Et même, est-ce pertinent ? À ce stade, un raisonnement par l’absurde vaut d’être mené. Si le Luxembourg décidait tout seul d’une relance….il ne se passerait rien, ni pour lui, ni pour ses associés de l’ensemble ! Donc, dans la vraie vie, tous ne pèsent pas le même poids. Evidence, banalité, trivialité du raisonnement, tout le monde sait cela. Puisque tout ceci est évident, l’inverse l’est tout autant. Si l’Allemagne déclenche un plan de relance, alors, il se passera quelque chose. C’est un premier acquit. Cependant au nom de l’efficacité, est-il nécessaire que tous les pays associés partent en même temps comme des coureurs sur la même ligne s’élancent au coup de pistolet tiré pour le départ ? S’agit-il d’une course en ligne ou d’une course de relai ? Le fait que le Luxembourg parte en même temps que tout le monde est-il si important ? Le raisonnement énoncé plus haut dit que non. En revanche, si tous les « petits » décident de rester l’arme au pied, les fuites évoquées plus haut risquent de se cumuler pour nuire à l’efficacité du dispositif. On en vient alors à l’idée que ce qui vaut, c’est un processus de relance échelonné, le plus apte et le plus puissant démarrant le premier, puis le suivant puis, d’autres un peu moins forts, jusqu’aux plus petits ou aux plus fragiles. Evidemment, le risque est que celui qui est parti en premier découvre, en se retournant, que personne ne le suit…la question à ce niveau est politique.

Choisir l’économie réelle contre l’illusion de l’efficience des marchés financiers.

Avant d’évoquer la politique, évoquons l’intérêt de l’idée soulevée plus haut : elle repose sur le principe de transmission des mouvements économiques réels en milieu ouvert et sur le fait que les espaces économiques présentent des irrégularités, sources aussi bien de blocages que d’accélérations. Ce qu’on évoque est à l’opposé de la théorie monétariste des espaces économiques et de l’hyper-libéralisme sur lequel elle est fondée. Les forces des marchés sont parfaitement incapables dans les manifestations extrêmes de crise économique de constituer les ferments d’un rééquilibrage. La preuve est fournie non pas par l’expérience (l’économie n’est pas une science au sens des sciences de la nature, les hypothèses qu’elle fait ne trouvent de vérification ni de preuve dans aucune expérience) mais par l’histoire : aucun pays n’a eu la bêtise politique et sociale d’aller jusqu’au bout de l’idée de l’autorégulation des crises par « le laisser-aller, laisser-faire » de la vulgate ultralibérale. En revanche, l’observation montre que les mouvements économiques se transmettent, finances libérées ou pas. L’observation montre aussi que l’ensemble des mouvements économiques se propagent dans des espaces plus ou moins fermés, plus ou moins interconnectés, plus ou moins homogènes tant dans leur constitutions internes que dans leurs rapports avec les autres. Toute l’idée tournant autour de la constitution de l’Europe a tourné, à ses débuts, sur celle de l’homogénéisation des espaces économiques jusqu’au moment où le triomphe de l’ultralibéralisme a fait confondre espace économique et espace de marché pour conduire à l’idée illusionniste de l’efficience des marchés financiers dans la structuration des espaces réels.

Les illusions du monétarisme sont fortes, en témoignent les tentatives de relance par les flots de monnaies déversées par la FED, par la Banque d’Angleterre et maintenant par la BCE. Elles s’inscrivent très exactement dans l’univers illusionniste de la finance omnipotente et une confiance religieuse dans l’efficience des marchés. Une politique d’actions collectives structurées au niveau européen puis étendue au niveau mondial s’oppose au principe d’une relance monétariste.  Elle s’appuie on l’a indiqué sur les forces que recèlent les inégalités entre les espaces, les macro-agents qui les charpentent et les macrostructures qui sont les éléments constitutifs d’une architecture économique. Par principe, le fameux couple franco-allemand est déterminant : sans lui, sans les relais que ses agents étatiques et entrepreneuriaux constituent, rien ne se passera en Europe. Les flots de monnaie déversés sans considération pour l’économie réelle seront détournés pour être stockés dans les lieux sûrs et au moyen des produits « efficients » désignés et dessinés par les marchés financiers. Ce sont donc bien des politiques, dites réelles, qui s’imposent et dont le lancement planifié et séquencé conduira aux effets d’entraînement et d’annonce recherchés. Economie réelle, « qu’est-ce que c’est ? » objectera la foule des croyants dans les vertus de l’ultralibéralisme : l’économie réelle c’est ce que vise tout projet économique, l’amélioration du bien-être et du standard de vie. C’est en Allemagne, la redécouverte que le niveau de vie individuel qui décline depuis dix ans mérite qu’on s’y intéresse un peu, c’est en France, l’idée que la dépense publique peut être accrue pour autant qu’on s’attache à son efficacité, c’est en Espagne, la constatation que la production industrielle mérite une considération bancaire et financière plus intense et plus forte que la production immobilière ou les grands projets publics etc…

On n’évoque pas la fin des austérités ici, on évoque l’idée que pour s’enrichir, il faut mieux s’appuyer sur les riches, utiliser les meilleures ressources de l’ensemble, le faire ouvertement dans une séquence et un déroulement dans le temps qui donne une idée précise du chemin qui sera suivi, des acteurs qui seront sollicités et des objectifs structurants qui assureront la bonne transmission des effets multiplicateurs.

On évoque de la politique, en effet, européenne dans un premier temps, parce qu’avant de faire compliqué (c'est-à-dire mondial) il faut faire un peu moins compliqué (c'est-à-dire européen) même si ce n’est pas simple !

interview Atlantico: Les banques sont-elles responsables de la crise?

Interview parue dans Atlantico en Juin 2013


1- Auditionné par une Commission du Sénat en tant qu'expert, Dominique Strauss-Kahn a déclaré "incriminer la finance dans le désastre économique que nous vivons en Europe en général et en particulier dans notre pays, a pour moi à peu près la même pertinence qu'incriminer l'industrie automobile quand on parle des morts sur la route". DSK est-il réaliste ou se trompe-t-il ?

- DSK a t-il raison

- mais les banques sont-elles, elles aussi, responsables ? Quelles ont été leurs erreurs ?

 

Evidemment, il a raison ! Les systèmes bancaires fonctionnent selon des règles que les Etats leur imposent ou qu’ils se refusent à imposer.  Si les Etats  ne pratiquent pas directement les contrôles qu’impliquent le respect des règles, s’ils délèguent ce contrôle, c’est toujours dans un cadre juridique déterminé et via des institutions dont ils ont la supervision finale. Donc, initialement et ultimement, les Etats sont responsables de la façon dont les banques opèrent, de l’esprit dans lequel elles prennent leurs engagements et de la gouvernance qui régit les rapports de pouvoirs à l’intérieur et à l’extérieur de ces établissements.

Pendant près de 15 ans, les Etats Occidentaux ont progressivement relâché l’ensemble des contraintes réglementaires qui pesaient sur les banques et les institutions financières. Ces contraintes étaient l’héritage d’un passé lourdement chargé en crises, errements et dévoiements. Le monde ayant changé, les Etats ont suivi l’idée que les agents de l’économie monétaire et financière devaient fonctionner selon les règles, par nature saines, du marché et que ces agents guidés par une « main invisible » ne pouvaient pas se laisser aller à des comportements atypiques ou contraires à la prudence. Tout au plus suffisait-il de leur demander d’appliquer des normes comptables, fixées par des organismes non gouvernementaux, donc des normes pures, respectueuses de la pureté des mécanismes de fonctionnement des marchés.  Ainsi régie par les marchés et la justice immanente rendue par les prix, leur attitude se maintiendrait dans des limites « conformes » à la prudence et cohérente avec la meilleure allocation des ressources monétaires possible. 

Cet optimiste « libéral » ne s’est pas répandu par toute la planète. Il a frappé essentiellement les pays qui avaient adopté le crédo anglo-saxon, c’est-à-dire les pays dits « occidentaux », c’est-à-dire aussi les plus puissants, donnant son ampleur à la débâcle. Alan Greenspa a donné le « la » dans cette affaire douteuse, en reconnaissant qu’il avait été trompé par l’attitude « greedy » de la finance américaine et qu’il s’était finalement trompé en pensant que la liberté élargie laissée aux banques ne conduirait qu’à de la bonne banque au service d’une bonne économie.

L’absence des Etats ou, plus précisément,  leur retrait a laissé le champ libre à tous les trucages au nom d’une recherche effrénée des profits financiers.

 

2- Au-delà des banques et des milieux financiers, quelle est la part de responsabilité des Etats et des politiques dans le déclenchement de la crise et son aggravation ? (mauvaises lois ? planche à billet trop forte ? politique de taux bas par Alan Greenspann...)

Si la responsabilité des Etats est écrasante, tous ne sont pourtant pas égaux devant les causes primaires du drame. Il est clair que la finance anglo-saxonne est en première ligne dans l’enchaînement de la catastrophe bancaire et financière. Il est facile de soutenir que les Etats-Unis ont été le facteur déclenchant de la crise : c’est vrai et en plus c’est commode !  Mais il ne faut pas oublier que la réplication aveugle du modèle américain par différents systèmes bancaires européens moins puissants, moins solides, moins qualifiés aussi, a magnifié les conséquences des faillites américaines et relayé en Europe les errements d’outre-atlantique.

Nommément, trois pays ont concouru à ouvrir le champ qui a permis à la crise américaine de se répandre : l’Irlande, l’Angleterre, et, caricaturalement, parce que micro-pays,  l’Islande. Le développement d’une « finance pour la finance », moteur économique à part entière, sur la base d’un suivisme moutonnier tant en ce qui concerne les supports d’investissements que les modes de prise de risque, (et surtout l’indifférence à la réalité des risques) a permis à la « crise américaine » de se répliquer mais à lui donner aussi une violence européenne dont le vieux continent n’a pas encore réussi à sortir.

Le pire étant que dans la plupart des pays où les banques ont dû faire appel aux Etats ou aux organismes européens pour s’en sortir ou pour ne pas entraîner des populations entières dans la catastrophe, le trucage, le mensonge et le cynisme ont été étalés sans vergogne. L’effondrement de l’image de la vertueuse « City » n’en finit pas de faire des ravages dans l’esprit des citoyens anglais. Les récentes révélations sur le comportement irresponsable  voire cynique des banquiers irlandais en disent long sur les vertus du libéralisme quand on le confond avec la licence la plus débridée.

 

3- Est-il possible de de porter un jugement sur les niveaux de responsabilités des différents acteurs lorsqu'une crise n'est pas encore terminée ? Que nous apprend l'histoire économique à ce sujet ? ne faut-il pas du recul pour trouver les véritables causes d'une crise ? savons-nous vraiment tout sur la crise que nous traversons depuis fin 2007 ?)

On dira toujours que, s’il est toujours facile de trouver les coupables après coup, prévoir les catastrophes, les crises, les dépressions, appartient au domaine de l’économie-fiction. Cela n’empêchera pas quelques vieux sages de répéter sentencieusement que les crises d’aujourd’hui auraient été prévisibles si on avait eu la prudence d’écouter les leçons du passé !!!  

J’ai dit que prendre la crise de 1929 comme leçon du passé pour notre crise, revenait  à prendre la crise de 1848 comme référence et source de leçons pour la crise de 1929 !  La crise de 2007-2008 est tout aussi étonnante, surprenante et effrayante que le furent les autres crises du passé… qui survinrent dans des contextes humains, sociaux, technologiques totalement différents.

Que les banquiers ne se gargarisent pas de grandeurs même dans la catastrophe : les grandes crises de société ne sont ni financières ni bancaires ! Les grands mouvements de l’histoire n’ont jamais eu pour origine un mouvement de monnaie ou un cours de bourse. A l’inverse, les monnaies, les banques, les bourses, sont un reflet plus ou moins conforme des transformations sociales, technologiques et spirituelles. Il y a une « tectonique » humaine où les plaques sont les grands ensembles humains. Leurs mouvements relatifs sont plus importants encore que leurs évolutions intrinsèques.  En éclatant, une crise bancaire et financière révèle les lignes de fractures qui se déchirent.

A ne pas voir le monde changer, à prétendre libérer les forces et, en fait, à laisser une soi-disant Nature faire pour les peuples ce que les Etats devraient faire, les crises éclatent encore plus violentes et plus dangereuses.  Voici ce que nous savons de tous temps. Et voici ce que les Etats ne savent pas (ne veulent pas ) voir.



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En collaboration: Institut de l'Iconomie

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