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Le bitcoin monte, le bitcoin baisse, les Chinois ne veulent plus entendre parler du bitcoin, mais à Dubaï on vend des appartements contre bitcoin…. La liste est longue de ces informations, contre-informations, fausses informations ou informations biaisées où on lit que le bitcoin est devenu le sujet de préoccupations des banques centrales, où on murmure que le Venezuela y penserait, que la Lituanie s’y livrerait et même l’austère banque d’Angleterre…
Oublions ces news qui sont trop souvent de l’ordre du marketing viral et de l’appel pétaradant à l’épargne publique. Revenons vers ce qui devient de plus en plus en souterrain dans les crypto monnaies, qui s’apparente plus à l’infiltration qu’à l’émergence, qui laisse à penser qu’elles ont du « sous-jacent » sous elle quand pour seul sous-jacent on n’y trouve que l’épargne de geeks prêts à tout pour être dans le cout et d’un grand nombre de gogos espérant toucher le gros lot.
Il faut considérer les monnaies cryptées, mais surtout le bitcoin sous deux aspects : leur infiltration (l’écosystème des cryptomonnaies) et leurs interpolations (l’apparition de techniques de multiplication incontrôlées).
Infiltration : quand une pyramide se tient sur la pointe
Le bitcoin et les monnaies cryptées se claironnent glorieusement de nouveaux sommets, news highs, et autres surperformances. On les calculs sous forme de capitalisation et on claironne des taux de progression impressionnants. En oubliant que ces capitalisations ne sont que poussière de monnaies bizarres face aux montant colossaux de l’ensemble des actifs mondiaux. Que valent 150 milliards de dollars lorsque le total des actifs « gérés » a dépassé les 75 milliers de milliards de dollars et quand on sait que la valeur de ces actifs a progressé de 50% en pleine crise.
Bien sûr, le bitcoin (pas plus de 75 milliards de dollars de capitalisation quand ça va bien) n’en est qu’à ses débuts, comme toutes les autres monnaies cryptées, mais, on a envie de dire « tout ça pour si peu ! ». Peu importe, laissons le champ à ces exubérances et considérons l’éco-système.
Se multiplient dans l’orbite de la monnaie (acéphale disent ses disciples, décérébrée, disent ses opposants), toute une économie qui donne à penser que l’histoire des deux fripiers qui se vendent réciproquement un même pantalon pendant des mois a quelque chose de vrai. Naissent tous les jours des courtiers, qui inondent les réseaux sociaux de leurs tweets racoleurs, et des plateformes, où très sérieusement on vous annonce que l’application des règles du KYC et de la lutte contre le blanchiment est menée avec une conscience professionnelle et une éthique qui ridiculisent les banques. Les wallets sous des formes de plus en plus sophistiquées sont proposées à la clientèle avec des accents semblables aux vendeurs de coffres-forts et de portes blindées. Les teneurs de marchés, sont là qui assurent les intervenants qu’il n’y aura pas de manipulation (mais qui sont totalement incapables d’empêcher des variations de valeurs telles qu’il est de plus en plus banal qu’après avoir atteint 3000 on se retrouve à 2000, et que de 5000, il ne soit pas surprenant qu’on dégringole à 3500). Jeunesse d’un marché en voie d’achèvement ou petites affaires entre copains qui permettent de plumer quelques innocents. Plus sinistrement, quand on détient de l’argent pas net, on accepte qu’il soit soumis à de fortes variations de valeurs.
L’écosystème, ce sont tous ces gens qui ne rêvent que de faire venir d’autres gens dans le circuit. Plus ils seront nombreux, plus ils feront du bruit, plus le taux d’acceptation des monnaies cryptées s’accroitra, ce qui est le début de la sagesse pour une monnaie quelle qu’en soit la nature.
Interpolations : l’évolution sournoises des monnaies cryptées en produits financiers.
Ici encore, relativisons l’impact de ces fameuses monnaies. Elles sont bien menues quand on se souvient que dans le simple cas des produits dérivés et pour l'ensemble des banques dans le monde, on arrive au chiffre hallucinant de 552.900 milliards de dollars, après un sommet à 693.000 milliards de dollars en 2014. On pourra dire que ce n’est pas glorieux et que les produits dérivés ont été, ne serait-ce que sous la forme des subprimes, à l’origine de la crise qui éclata en 2008. Ce n’est pas glorieux mais on ne compte plus les tentatives pour faire du bitcoin le sous-jacent de quelques produits dérivés ou synthétiques. Qu’on se souvienne des subprimes, ces crédits consentis à d’heureux bénéficiaires surnommés « Ninjna » (no income, no jobs, no assets) : il y avait un sous-jacent, une créance, (quelque pourrie qu’elle était, c’était une créance !!!!) et voici qu’on en vient à proposer aux autorités boursières des Etats-Unis (le Nasdaq) et d’autres pays (souvent crypto-addicts) de monter des placements sur la base de bitcoin avec un peu d’effet de levier pour « booster » les rendements. Le sous-jacent, ce sera alors, moins encore qu’une créance pourrie, des 0 et des 1 perdus dans le tréfonds d’ordinateurs (tant qu’ils n’auront pas été hackés). Et aussi voit-on se profiler des produits à terme, vente et achats de bitcoin « futurs » ou mieux encore des ETF (exchange traded funds) en monnaies cryptées, c’est-à-dire des fonds d’investissements qui proposent à leurs investisseurs de suivre l’indice composite de l’ensemble des monnaies cryptées ou d’autres indices. Pire, voici que des CFD sont vendus sans retenue ! Ces fameux contrats pour la différence, boostés par des emprunts sur le dos des souscripteurs. La finance Mondiale a été abondamment critiquée pour avoir bâti des actifs « fictifs », « virtuels » et avoir conduit le monde dans une crise dont les conséquences sont encore très fraîches. Les leçons ne servent pas. Les thuriféraires des monnaies cryptées rêvent de produits financiers qui s’appuient sur l’objet de leurs passions : du vent numérique.
L’interpolation va plus loin encore avec un montage où on essaie de donner du poids à des images 3d et de la densité à des hologrammes. Cela se nomme des ICO (initial coin offering). Le sigle renvoie à IPO (initial public offering). Cette dernière technique financière porte sur les appels de fonds sous forme de souscription d’actions au profit de sociétés commerciales, organisées par des banques et des institutions financières et débouchant sur la cotation de ces actions sur les marchés financiers organisés. L’ICO extrapole cette technique dans le but de ne pas passer par les fourches caudines des banques et autres institutions de placements et de supervision. Foin de ces intermédiaires qui se payent royalement et ne sont que de sinistres censeurs sans imagination. La nouveauté va s’appuyer sur les monnaies cryptées. On sait que rien n’est plus facile à lancer qu’une monnaie cryptée (on en compte maintenant près d’un millier). L’entreprise qui souhaite se financer dans des conditions de souplesse et de rapidité surperformant les circuits traditionnels n’a simplement qu’à créer des jetons (tokens), monnaies cryptées à couverture de marché réduite, qui seront vendus pour une valeur dépendant de ses besoins et aussi d’une forme de marché OTC (over the counter) c’est-à-dire informel, c’est-à-dire sans régulation. Ces tokens pourront être acquis contre monnaies cryptées (ce qui ne servirait pas à grand-chose pour l’entreprise) ou contre monnaies « officielles ». Une fois acquis, ils seraient échangeables contre des actions de la société ou contre monnaies cryptées et via les monnaies cryptées contre monnaies officielles. Autrement dit pas de marché de cotation et surtout, une double barrière pour les timorés qui ne voudraient pas conserver leurs tokens.
Il est savoureux de penser que cette technique avait son ancêtre en France (et peut-être ailleurs) sous la forme des « parts de fondateurs ». Technique qui permettait à des capitalistes de participer au lancement d’une nouvelle société tout en ne prenant pas le risque du Venture Capitalist, tout en étant apparemment un créancier, parfois privilégié, ce qui pouvait être utile en cas de ratage, mais tout en conservant un droit à devenir capitaliste si les nuages et les plâtres de la création se dissipaient. Le beurre et l’argent du beurre et même la crémière. Disparus de la circulation, les voilé réincarnés !
C’est ainsi que de proche en proche, suivant un rythme pareil aux techniques financières les plus risquées, les monnaies cryptées, le bitcoin en tête, mettent en scène, sans google glass pourtant, une économie virtuelle dans laquelle viennent s’investir, sans parfois s’en rendre compte, des centaines d’épargnants très réels. Les techniques financières les plus dangereuses sont fondées sur des promesses et des engagements sans cause ni fondements. Leur empilement en douteuses poupées russes est symptomatique de risques incontrôlés. Il est de plus en plus temps que des bornes soient mises à ce marché où en vend sans pudeur des milliers de miroirs aux alouettes.
Les monnaies cryptées paraissent plus touchées par la valse que par la grâce, ces derniers temps ! Les mouvements de hausses et de baisses sont « exubérants » pour reprendre le qualificatif en vogue chez les analystes. Excessives et perturbatrices, ces progressions fulgurantes et ces dégringolades affolantes les font hésiter : le Bitcoin et ses collègues seraient des actifs financiers et non des monnaies et ce n’est pas pour rassurer.
Le bitcoin ? « Il a tout d’un actif financier »
L’or, qui tout le monde l’admet, est une « monnaie » métallique, est aussi, un actif financier. Il est coté. Il dispose d’un marché sur lequel les acteurs, épargnants professionnels ou particuliers peuvent l’échanger. L’once d’or et sa cotation font partie du paysage le plus banal des marchés financiers.
Lorsque la fixation du cours de l’or est manifestement l’objet de manipulation, des scandales éclatent, la justice s’en mêle et les autorités financières impose des règles de transparence nouvelles. Rappelons que l’or est le sous-jacent de nombreux produits financiers structurés ou non, mais aussi de l’émission monétaire : l’Allemagne a tenu à récupérer ses réserves d’or déposées dans les coffres des banques centrales française, anglaise et américaine.
L’or n’est plus à proprement parlé une monnaie ? Il n’est plus qu’une « réserve de valeur » ? Il n’a cependant pas été déclassé dans l’ordre des monnaies et s’il prenait à des acteurs économiques d’en user dans leurs transactions, il se trouve que des pièces de monnaie en or ne cessent d’être mises en circulation.
Poussons le bouchon un peu plus loin : les monnaies les plus connues, les plus utilisées et les plus représentatives de l’économie mondiale sont aussi regardées comme des actifs et peuvent constituer des « classes d’actif » dans les portefeuilles. Les réserves des banques centrales, quand elles ne sont pas constituées de métaux précieux, sont composées de stocks de monnaies ou de supports financiers libellés dans ces monnaies, variant dans leurs compositions au gré de leurs cours réciproques.
Quand on dit que le Bitcoin, ou d’autres monnaies cryptées, sont des actifs financiers, on ne dit pas autre chose que les monnaies cryptées peuvent être conservées pour leur valeur en soi (stocks) et non pas pour être simplement affectées à des transactions commerciales voire même financières (flux).
Par conséquent, rien d’étonnant à ce qu’on en vienne à dire du bitcoin qu’il est un actif financier. On voit se multiplier les propositions de produits structurés, d’ETF, de fonds communs de placement comportant bitcoin et monnaie cryptées.
Un actif qui ne repose sur rien ?
Mais le paradoxe du bitcoin tient au fait qu’il est l’objet des attentions d’un nombre toujours plus grand d’autorités de régulation financière. Les Banques centrales dont la préoccupation est monétaire par nature paraissent moins soucieuses de l’émergence de cette monnaie d’un genre nouveau.
La méfiance des autorités de régulation financière n’a pas refroidi l’enthousiasme des défenseurs du bitcoin qui ne cessent d’annoncer de nouveaux adeptes, marchands et consommateurs. Il est vrai que sans eux, bitcoin et monnaies cryptées ne seraient que des joujoux « acéphales » (« la monnaie acéphale », titre d’un livre sur le bitcoin) et, en tant que tel, fantaisistes ou fantastiques, selon les interprétations qu’on donne à ce mot
En fait, plus on suit l’évolution du Bitcoin et plus l’aspect « Actif financier » prévaut, et ceux qui insistent sur cet aspect lui prédisent des valeurs astronomiques, bien incompatibles avec ce qui fait la valeur et la force d’une monnaie.
Les utilisateurs de monnaie sont toujours ravis de voir leur pouvoir d’achat progresser. Qui n’a pas rêvé de voir la valeur de son livre A quintupler en une année ? Cependant, constater que la valeur de ce bon livret et de tous les autres comptes fait sans cesse des sauts de cabri n’est pas du goût de tout le monde. S’il est très gai de relever que les bitcoins qu’on possédait en début d’année 2017 ont quintuplé de valeur, on ne peut que s’inquiéter d’une éventuelle évolution inverse ! Le consommateur attiré par cette monnaie « anonyme », décentralisé, démocratique et algorithmique trouvera désagréable que ses réserves de bitcoin passent en trois jours de 5000 dollars l’unité à 4000. Soit une perte de pouvoir d’achat de 20% : il n’avait aucun esprit de spéculation et souhaitait seulement participer à un monde d’échange libre et « restitué au citoyen ». Les défenseurs du bitcoin argueront qu’il faut du temps pour conquérir le monde, y compris le monde économique et que la nouvelle monnaie ne pourra éviter les variations de cours entre hésitations et enthousiasmes qui sont le lot de toutes les innovations. Ils soutiendront qu’il faut « tenir » dans la durée, transformant malgré eux les consommateurs militants, libertariens et « geek » en investisseurs, en les invitant à être un peu spéculateurs. Ils mettront en avant, l’aspect « Actif financier »
Si ce n’est pas une monnaie, c’est un drôle d’actif ! Le Bitcoin est un actif financier « en soi ». Pour dire les choses plus simplement, il n’est rien d’autre que lui-même. Il a été miné. Il a fallu consommer des quantités de plus en plus astronomiques d’énergie pour l’extraire. Le bitcoin ne représente que des dépenses et non des richesses. Une monnaie est une créance sur une économie, une action est une participation à une création de valeur. Une obligation est une créance et fournit des revenus. Le Bitcoin n’est rien d’autre qu’une consommation d’électricité.
Drôle d’actif financier que cette monnaie qui serait un actif ou un actif qui prétendrait au rôle de monnaie selon que cela arrange ses défenseurs ! Curieux actif financier, franc comme l’or et produit dans des quantités presqu’aussi limitées, qui est annoncé comme un moyen de protection de valeur autonome et indépendant et qui dégringole à la moindre crise internationale. La question coréenne a eu tout l’effet inverse sur l’or, honnête et loyale valeur-refuse, qui s’envole quand le monde tremble. (Les valeurs de monnaies cryptées secondaires ont encore plus douloureusement plongé).
On comprend donc pourquoi les autorités en charge de la protection de l’épargne et de ses acteurs tant institutionnels que particuliers se montrent de plus en plus réservés et lancent « warnings » sur « warnings ».
Les défenseurs du Bitcoin jouent-ils trop sur l’ambiguïté du couple « monnaie-actif financier » ?
Qui dit actif financier dit produits financiers, montages, terme et comptant et bourse. La « technologie financière » « révolutionnaire » qui est née des crypto-monnaies en tous genres sous la forme des fameuses « ICO », « Initial Coins Offerings » soulève des questions sur toute la planète. Ces nouveaux modes de financement sans régulation drainent l’épargne vers les start-ups et plus généralement les nouvelles entreprises, utilisent des « tokens », dont on ne sait si ce sont des titres financiers ou des « bons » payables/échangeables partiellement ou totalement en monnaies cryptées. Elles soulèvent de vigoureuses réactions négatives jusqu’en Chine qui, pourtant, était devenu le pays d’élection de la monnaie cryptée !
Tout ceci survient au moment où de nombreux observateurs imaginent que le risque d’une crise bancaire et financière mondiale annoncé depuis quelque temps pourrait trouver son « amorce » dans la passion « bitcoin et monnaies cryptées », dans ses dérives « ICO » et dans une réplique d’un nouveau genre de ce qui se passa lors de la « bulle internet ».
Une gigantesque chaine de Ponzi casserait alors.
Cela a été un beau rallye. Un rallye de reconquête. Il était passé au-dessus des 3000. Puis il avait vraiment dégringolé et s’était retrouvé à deux doigts des 2000. On commençait à ne plus y croire. S’était-on trompé ? s’agissait-il encore d’une de ces hausses faites pour ruiner ceux qui se lancent au secours de la victoire et qui s’affolent au moindre repli tactique ?
Les dénigreurs en auront été pour leurs frais. C’était vraiment un repli tactique. Peut-être s’agissait-il justement de nettoyer le marché ? De faire disparaître les opportunistes en quête de profits faciles. Ceux qui se précipitent pour « la gagne » et non pas pour participer à une grande aventure. Le bitcoin, (vous n’avez pas pu ne pas comprendre qu’il s’agissait bien de la Crypto-monnaie star), le bitcoin donc, a pris à revers tous les acheteurs irresponsables. Il est brutalement repassé à 3000, puis comme s’il s’était dit qu’on ne referait pas le coup d’une hausse suivie d’un effondrement, il est allé sauter la barre des 4000, puis celle des 4400…
Dans un an, dans vingt ans, la victoire chantera
On aime, dans ces cas, à rappeler la célèbre devise du Surintendant aux finances, Fouquet, « quo non ascendet » (jusqu’où ne montera-t-il pas ». Il y a de la malice à le faire quand on connait la fin que Louis XIV réserva à son ministre !!! Nous n’en sommes pas encore là.
Car, rappelons-le, les pronostics concernant les cours du Bitcoin ne s’arrêtent en si bon chemin. Dans une chronique précédente sur le Huffington Post, on avait fait « le tour » des prévisions. Venant de connaisseurs de la valeur des choses comme Goldman Sachs, de Barclays ou de Business insider, le cours du Bitcoin se trouvait propulser entre 5000 dollars l’unité tout de suite et entre 1 et 2,5 millions de dollars bientôt (dans 10 ans ou 20 ans, c’est-à-dire le temps qu’il faudra pour que le public ait oublié ce que pouvait avoir d’insensé pareilles prévisions à long terme de la part de gens qui en sont encore à s’interroger sur les causes de la crise d’il y a dix ans !!!).
Il y avait pourtant des raisons de douter de la capacité d’envol du Bitcoin. Les nuages s’étaient accumulés. Le Bitcoin menacé par son succès avait vu s’affronter dans un combat de géants, mineurs, nœuds, codeurs, développeurs, membres de la « mailing list ». Il s’agissait de savoir si, pour faire face à l’explosion de l’utilisation du Bitcoin, on devait continuer comme à faire comme si de rien n’était, la lenteur engendrée par le nombre de transactions n’étant qu’une manifestation du succès. L’autre option, perçue par de nombreux fans, comme une sorte de révolution, consistait à modifier le mode de fonctionnement du système sous-jacent au bitcoin, la chaine de blocks, pour la rendre plus rapide et à capacité d’emport plus importante (traditionnel problème de tout moyen de transport lorsque son succès commence à créer des embouteillages).
Le monde « Geek » tremblait. « Un consensus » pourrait-il émerger ? La guerre pourrait-elle être évitée ? Evidemment cette atmosphère ne pouvait pas pousser les cours à la hausse. Maintenant c’est fini. Les tenants de la modernité ont gagné. La « fourche » s’est installée sans encombre et il semble bien que ses conséquences n’aient pas atteint les degrés de gravité attendu ! Deux bitcoins sont issus de ce débat. Le plus jeune, celui des « modernes », semble avoir largement remporté la compétition. L’horizon s’est aussitôt éclairci.
Et si les effets provenaient d’autres causes ?
Essayant de chercher de la logique dans les cours, on avait essayé de rapprocher la valeur future du bitcoin de la valeur future du PIB des grandes puissances industrielles… (même s’il s’agit d’une pure hérésie tant il est répété par les thuriféraires du Bitcoin qu’il ne peut pas y avoir de rapport entre l’un et l’autre, comme si le bitcoin était un « voile »). On avait calculé que si ce PIB faisait l’objet de transactions libellées dans la nouvelle monnaie indépendante alors, il n’y aurait plus de limites : imaginez le PIB mondial qui se chiffre en milliards de milliards traité par 21 millions d’unités monétaires !
Mais oublions ici la fulgurance des courbes qui défient l’incapacité des arbres à monter jusqu’au ciel. Oublions les raisons rationnelles à l’explosion des prix du Bitcoin et essayons de trouver des indices d’explications.
Une explication assez primaire consiste à reprendre cette formule populaire : « tout ce qui est rare est cher ». Or, le Bitcoin est fondé sur la rareté organisée. 21 millions, et c’est tout. Ils sont très largement minés. Il demeure quelques pépites à sortir du magma quantique, les investissements deviennent de plus en plus lourds, mais ils sont lancés : c’est le million d’euro par bitcoin qui est dans la ligne de mire. On ne peut pas laisser passer ça ! On s’interrogera sur le dicton ci-dessus, que d’aucuns trouveront vraiment trop simpliste. Alors, on s’appuiera sur les canons de la théorie marginaliste de la formation des prix : ce ne sont pas les quantités échangées qui font les prix, mais les dernières quantités et si le dernier bitcoin échangé vaut 5000 alors tous les bitcoins vaudront 5000 même si le cours antérieur était de 1000.
Ce n’est pas si étonnant que cela puisque globalement c’est ainsi qu’on raisonne sur les marchés financiers. Et de toute façon s’il ne vaut pas 5000, le lendemain, le marché saura faire surgir le vrai prix du faux.
Autre explication : on a vu que les investissements en matériel informatique sont de plus en plus lourds. Les investisseurs ont tout intérêt à ne pas laisser le marché à ses propres fantaisies, donc, ils pourraient être tentés de s’organiser pour que les cours soient plutôt à la hausse, quitte à « racheter le marché » quand celui-ci donne des signes de faiblesse. Un grand classique.
Un argument qui porte : de plus en plus de transactions en bitcoin sont relevées sur le marché mondial des échanges de biens et de services qu’ils soient légaux ou non. Cela ne devrait pas, en principe, affecter le prix du bitcoin. C’est oublier qu’il existe une théorie des encaisses qui veut que lorsque le commerce croit, le besoin d’encaisse monétaire croit plus vite que le commerce. Les encaisses de transaction croissent avec l’activité. S’ajoute, l’impact de la recherche d’encaisse de précaution qui vient alors amplifier les mouvements liés à l’augmentation des encaisses de spéculation. Ces dernières sont destinées par les entreprises à préfinancer leur future production. Les mauvais esprits ajouteraient une version non traditionnelle de la théorie des encaisses : celle qui a pour but de prévoir un matelas de sécurité dans le but de payer les Hackers et les Ransomwares qui les accompagnent !
Enfin, une dernière explication commence à émerger. Ce n’est pas un doute qui s’installe, c’est une réflexion sur la nature du Bitcoin qui fait son chemin. Le bitcoin ne serait pas une monnaie. Le bitcoin ne se comporterait pas comme une monnaie mais comme un actif financier. Tout n’est pas serein dans le monde du Bitcoin s’il faut en croire une nouvelle vient de tomber : la « SEC Cracks Down on OTC Bitcoin Firms » (livraison du 28/08/2017 de Cryptocoin News). On remarquera que le gendarme des marchés financiers est à la manœuvre et non la FED, en charge de la régulation monétaire.
Par nature, les actifs financiers sont faits pour être mis en portefeuille. Leur nature première est de conserver la valeur et de la faire croître, pas de servir de « monnaie d’échange ». Le Bitcoin ne serait-il pas purement et simplement un support financier dont la force et la légitimité en font un actif hautement désirable : s’ensuivraient cette hausse des prix.
Mais, si le Bitcoin est un actif financier dont le prix varie comme celui d’une action quel est le sous-jacent qui en fait un actif si désirable ? S’agit-il d’une aimable illusion ou d’une créance mondiale d’un nouveau genre ?
Que pourrait-on faire du Bitcoin si son cours dégringolait à 0? Quand vers 1947-48, le cours de la cigarette s’est effondré en Allemagne, conséquence de la mise en circulation du DeutschMark, les porteurs de cigarettes ont vu leurs encaisses partir en fumée. Plus exactement, la cigarette ne valant plus que son prix de marché et ne valant plus rien en tant que moyen de paiement, les détenteurs de cigarettes, spéculateurs autant que citoyens de base, ne perdirent pas tout : ils purent soit la fumer, soit revendre sur le marché les paquets dont ils avaient fait des réserves dans les années qui suivirent la fin de la seconde guerre mondiale. Dans les deux cas, ils perdirent beaucoup d’argent !
Curieuse entame pour un article sur la valeur du bitcoin ? N’entend-on pas de toutes parts que la monnaie-star, la monnaie-reine ne va pas cesser de monter et qu’il y a de multiples raisons pour cela.
Support des Ransomwares ou ressources d’utilité courante ?
Le bitcoin est un peu malmené ces derniers temps. D’aucuns attribuent la montée de son cours aux exigences formulées dans les Ransomwares. On notera en effet, que les bandes de malfrats qui sévissent sur le net ne demandent pas de paiements en ether, litecoin ou autres monnaies cryptées mais en bitcoin. Soyons pratique, la raison n’est-elle pas que les voleurs ont toujours préféré les valeurs sûres ? Quand on voit l’évolution des cours du bitcoin, on comprend cette préférence.
“Look! There is a finite supply,” dit Mr Blodget “There is no intrinsic value. “It has a use…. There are uses for it. The transactions are steadily increasing. That’s a good sign…if you are going to use it.”
Et la littérature autour du Bitcoin, d’en montrer les progrès. Le FMI en recommanderait l’achat à ses Etats Membres. L’Allemagne aurait reconnu le Bitcoin et même la Cour de Justice Européenne n’a pu s’opposer à pareille reconnaissance qui le met sur le même pied que toutes les monnaies européennes, euro compris. L’Inde aurait décidé de se débarrasser des billets de banque et donnerait une sorte de priorité au Bitcoin. Et la Corée viendrait d’en accepter l’usage dans les échanges extérieurs.
« Je pense qu'Internet sera l'un des vecteurs principaux dans la réduction du rôle de l'État. La seule chose qui manque, mais sera bientôt développée, c'est une e-monnaie fiable » Ainsi parlait, en 1999, Milton Friedman, cité par Madame Alfieri.
Et quand on n’en loue pas les qualités monétaires, il faut entendre le concert de louange quant à ses qualités financières : comme le faisait remarquer Mr Blodget « there is no intrinsic value ». Il n’est pas « corrélé ». « This is a finite supply » : pas de liens avec le PIB, avec la valeur du Dollar ou de n’importe quel panier de devises, ou avec un quelconque indice boursier. C’est le produit de couverture parfait, il faut en mettre dans son portefeuille.
L’argument serait savoureux si on ne faisait cependant pas remarquer qu’un capitalisme qui s’appuie sur une non-valeur pour gagner de l’argent ou éviter d’en perdre trop confine l’aberration et oblige à se poser des questions sur la vraie valeur du Bitcoin. Ce qui conduit à de drôles d’observations.
Les millions du bitcoin
Il est loin le temps quand le bitcoin valait des clopinettes, quand sa production par les mineurs était un pur acte de foi et quand, enfin, une monnaie sans banque, sans tiers de confiance « avide » et sans régulations étatiques, émergeait des tréfonds de calculs compliqués et subtiles. Le bitcoin qui ne valait que 0,001 dollar est passé en 5 ans à 1000, puis à 2000 et puis on l’a même vu tutoyer les 3000 dollars. Il s’est ressaisi, disent ses adulateurs : « trop vite, c’est trop ». Il faut souffler, prendre du recul, (et prendre aussi ses bénéfices) avant que le prochain enchainement de hausses propulse le bitcoin vers de nouveaux « plus hauts ».
Car, ils sont annoncés ces nouveaux plus hauts. Par des gens très sérieux. En général, ce sont des « chiefs strategists » américains de « grandes sociétés d’investissement ». Plus rarement des Anglais. Du côté des Français, les “chefs strategists” sont, ou bien moins nombreux, ou bien gênés par leurs habitudes de pensée retardataires. Donc les Français, se contentent en général de traduire, les propos des anglo-saxons.
Que disent les stratèges américains (dont les compétences stratégiques furent prises en défaut en 2007, mais qui n’ont pas renoncé à voir l’avenir) ? Ils annoncent des prix qui ne sont pas rien : “Based on our model, we estimate that bitcoin's value per unit could be $20,000 to $55,000 by 2022" annonce Mr Tom Lee. C’est mieux que Nicolas Hulot, ministre français de l’écologie, qui se contente de 2040 la fin des véhicules à essence et au diesel. Mais dans le monde financier, 5 ans c’est ce qu’on nomme « long terme ». Donc, Tom Lee fait une prévision à long terme sur la valeur du Bitcoin. Comme, c’est un stratégiste sérieux, il ne dit pas : « cela vaudra 20000 », il donne une fourchette, 22 000 à 55 000. Un peu large la fourchette ? Voilà une observation mesquine : on est à 2200-2400. Au pire il prévoit un décuplement en 5 ans, au mieux, un double-décuplement. Franchement il faut avoir l’esprit mal tourné pour chipoter sur l’ampleur de la fourchette. Même sa partie basse reste une bonne affaire.
Quand même diront les esprits chagrins : pareille ampleur dénote une bien faible capacité à prévoir ou bien, la pensée de Tom Lee s’apparente à la loterie : tous les gagnants ont acheté un billet. Achetez des bitcoins.
Tom Lee a joué très petit bras ! En effet, Henry Blodget, CEO de Business Insider a prédit que le Bitcoin pourrait toucher le cours de $1 million de dollars. Mr Blodget ne s’est pas laissé aller à protéger sa crédibilité en posant une fourchette du type : « entre 1 et 2,5 millions de dollars ». Il a donné un chiffre et un seul, rond et net, un million. Sa prévision paraît pêcher sur un point : il ne donne pas de dates.
Il aurait peut-être dû indiquer que le tout n’était pas une question de dates mais de « révolution institutionnelle et monétaire ». Dans un monde enfin libéré des banques et de la ploutocratie qui les supporte, le bitcoin reconnu comme la monnaie ouverte, transparente et infalsifiable, serait devenue LA monnaie « fiduciaire » ? celle en laquelle le monde entier aura raison de croire, attendue depuis des millénaires : limitée 21 millions d’unité pour que les manipulations et malversations soient impossibles, chaque bitcoin vaudrait, un vingt et un millionièmes du PIB mondial… je vous laisse faire le calcul. Le résultat est bien au-delà des chiffres cités plus haut.
Conclusion : achetez une dizaine de bitcoin et partez en vacances quelques années, à votre retour, vous pourrez vous payer des vacances encore plus belles.
Ces écarts d’évaluation, ces prévisions qui annoncent des lendemains en or, rejoignent toutes les enchanteurs qui appellent l’épargnant a regarder enfin des promesses de rendement qui feront oublier les minables 0,5 et les 1 ou 2% qu’offrent les banquiers. Ils feront aussi oublier les banquiers, personne ne les regrettera.
Revenons à notre question initiale : et si, finalement, le Bitcoin ne valait rien (no intrinsic value), ses propriétaires n’auraient donc rien entre les mains. Et si, l’or, un jour ne valait plus grand-chose ? Perdant toute valeur, aurait-il aussi perdu ses usages industriels ?
Dans un livre à venir en octobre prochain « du rêve bitcoin à la réalité blockchain » Arnaud Franel Éditions, j’ai rappelé que « si on veut gagner de l’argent, disent les défenseurs du bitcoin, cette monnaie est un support idéal. Peu après son lancement, les cours du bitcoin ont explosé et sont passés de 10 à 1000 dollars en quelques mois. Sa progression de valeur fut à l’origine de dizaines d’anecdotes plus ou moins cocasses ou imaginaires, ainsi celle qui relate la bonne fortune du jeune Kevin Koch qui découvrit que les 27 dollars en bitcoin acquis quelques mois auparavant lui permettaient d’acheter l’appartement de ses rêves, son compte affichant un solde de 886 000 $ ! »
Une monnaie bondissante
Le bitcoin, à ses débuts, ne valait rien. Fin 2013, il avait frôlé les 1000 dollars et avait marqué un temps d’arrêt à 800 dollars l’unité. Quand les autorités américaines mirent 50 000 bitcoins sur le marché, somme récupérée à la suite de la saisie des biens d’un site douteux où se trafiquaient armes et drogues, on évoquait un total saisi de 120 millions !!! Hélas ! La monnaie virtuelle avait-elle connu une valeur irréelle ? Les marchés avaient-ils décidé de la faire descendre d’un petit nuage rose et de la confronter à la dure réalité des mondes économiques et financiers : la valeur du bitcoin, descendit, dans un premier temps, à 300 euros sur des sites d’échange français, lâchant près de 70% de sa valeur pour, un peu plus tard, reperdre 20% et atterrir à 240 euros.
A l’inverse, sur la période 2012 à 2013, la crise financière à Chypre a eu une influence positive sur les cours de la crypto-monnaie : devant les menaces de fermetures de nombreuses banques, des Chypriotes se tournèrent spontanément vers le bitcoin. On dit que les Grecs ne furent pas les derniers à procéder de cette façon pour protéger leurs encaisses.
Les causes des hauts et des bas
En février 2014, après la fermeture du site MtGox, plateforme principale d'échanges de bitcoin, les cours ont chuté et sont restés stables pendant quelques mois autour de 500 dollars. Puis, alors que plus d’un commentateur anticipait un déclin, voire sa disparition, le prix du bitcoin s'est à nouveau envolé et dépassait les 1000 dollars. On a alors évoqué l'influence de la Chine. On l’a à nouveau évoqué au moment de l’introduction en bourse de la société Chinoise Alibaba. Pour acheter des actions fort désirées, les investisseurs chinois auraient fait feu de tout bois et, entre autres arbitrages d’actifs, auraient vendu leurs bitcoins, provoquant une chute de 40% de leur valeur.
Pour de nombreux analystes, ses succès sont très corrélés aux événements mondiaux : incertitudes politiques aux États-Unis, faiblesse de la croissance en Chine ou niveau élevé de la dette dans les pays de l'Union européenne. Certains analystes estiment son prix entre 1 200 et 1 400 dollars pour l'année 2017 (CoinDesk), voire de 2 000 à 3 000 dollars (Civic.com). Le bitcoin a été ainsi désigné comme l'actif le plus performant de l'année 2016 par Boursier.com.
En janvier 2017, les cours se sont retrouvées non loin du record historique (1.165,89 dollars) franchi en 2013. Pour ne pas faire mentir sa réputation de «monnaie valseuse», la monnaie cryptographique perdait 20% de sa valeur quelques temps plus tard à 950,50 dollars soit un recul de 180 dollars en une seule journée.
Ransomwares et valeur du bitcoin
Heureusement (pour les détenteurs de bitcoin) cette fin d’année 2016 et le début 2017 ont été riches en évènements positifs (toujours pour les détenteurs de bitcoin !) : la demande de Bitcoin a été vigoureusement stimulée par les ransomwares qui ont déferlé sur le monde.
Le premier ransomware à avoir eu une ampleur quasi-mondiale s’est très vite traduit par une surperformance des cours du bitcoin. Les prévisions les plus dynamiques le voyaient à 3000 dollars (voir plus haut), il l’a effectivement atteint. Entre se draper dans sa toge et payer pour qu’on libère les fichiers prisonniers, comment peut-on hésiter, surtout si les fichiers en question sont indispensables à la gestion d’une centrale nucléaire ! Ainsi, la valeur du bitcoin a-t-il rejoint les plus hauts avant de retomber lourdement.
Il valait 3000, il a vite redégringolé à 2200 dollars l’unité. Ses défenseurs serraient les coudes et faisaient le gros dos. Que peut-on faire quand on a investi dans un actif financier qui se casse la figure ? Faut-il vendre avant que tout soit perdu ? Faut-il shorter les positions comme on dit si joliment dans les salles de marché ? ou au contraire, faut-il acheter, suivre la baisse, acheter parce qu’on est convaincu que la valeur est bonne et que les cours vont bientôt le montrer ? C’est ce qu’on qualifie « prendre une position longue » pour les optimistes ou faire une moyenne à la baisse pour les pessimistes.
Heureusement pour ceux qui avaient eu le cran de rester investi, un nouveau ransomwar « Petya ou notpetya » qui ressemble beaucoup à Wannacry, son prédécesseur vient de débarquer : il a déjà planté de nombreuses entreprises et rampe vers les fichiers des autres. Et que dit ce ransomware ? : “payez une rançon de 300$ en bitcoin. Pourquoi pas en une autre monnaie cryptée. Par prudence probablement, le bictoin est une vraie monnaie anonyme et c’est plus simple que l’or. Il est intraçable dit-on. C’est un bon support de recyclage d’argent pas « net ».
Que croyez-vous qu’il se passa ? La déprime du Bitcoin soudain a disparu, les cours du bitcoin sont enfin redevenus plus sages. La demande pour le bitcoin s’est tendue et les prix ont monté. Toutes les monnaies cryptées si on veut être juste ont suivi le mouvement mais le bitcoin a pris la tête du « rallye » en gagnant 5% en une journée venant d’un triste $2400.
Ils redescendront, très logiquement, à moins que les hackers ne les conservent par devers eux comme l’épargnant français son livret A. En effet pour profiter de leur pactole, les hackers voudront les changer contre dollars, euros, yen et yuan, alors, l’offre reprendra ses droits et les cours chuteront. Peu importe, il suffira de lancer une nouvelle menace mondiale et à nouveau les cours du bitcoin se tendront.
Résumons-nous : pour soutenir la valeur du bitcoin, il faut et il suffit qu’ll y ait des évènements de type Chypre ou Grèce ou bien des ransomwares. Faire monter les cours à coups de crises internationales n’est pas très pertinent : ça ne marche pas à tous les coups et cela peut être dangereux. En revanche, si stimuler la demande de Bitcoin avec des menaces criminelles du genre « ransomwares » n’est pas simple, cela demeure de l’ordre du possible, on vient de le voir en deux attaques. Et ça ne tue personne.
Donc, on achète du bitcoin quand c’est bas, on lance un ransomware, le cours du bitcoin monte. On vend. Et le tour est joué. Un jour, ça lassera, le bitcoin s’effondrera parce qu’il ne servira même plus à payer des rançons.
Ainsi que je l’indique dans le livre que j’ai écrit : la généralisation du billet de banque fut accompagnée aux Etats-Unis par l’explosion des attaques de banques et de diligences. Et puis, la prise en main par les pouvoirs publics de la sécurité des acteurs de la monnaie et de son support a conduit à davantage de « normalité ».
C’est probablement cela qui attend le bitcoin.
Les monnaies cryptées sont-elles des supports possibles pour la mise en place de chaînes de Ponzi ? Le bitcoin et ses cours exponentiellement en progression ne sont-ils que bulles savamment gonflées par une association intelligemment mafieuse ou pur accident financier qui fera mal s’il explose entre les mains de ses détenteurs sans qu’on puisse en imputer la responsabilité à qui que ce soit ?
En d’autres termes, ne faut-il pas tant qu’il est encore temps, lancer une alerte ?
Allons directement aux faits : les monnaies cryptées qui déferlent sur le marché ne sont pas toutes de bon aloi (digital). Les mauvaises monnaies cryptées ont même un nom, les Scam Money*. En général, elles empruntent (!!!) leurs modalités de fonctionnement au Bitcoin, avec une très grosse différence, elles sont rarement minées et, quand elles le sont les problèmes à résoudre ne vaudront le prix Nobel à personne. Pourtant, régulièrement, dans tels pays, les Etats-Unis le plus souvent, les autorités sont alertées de l’émergence d’une nouvelle monnaie « pourrie » vendue à des gogos.
La création des supports monétaires et financiers nouveaux a toujours été suivie de malhonnêtetés. L’inventeur du Bitcoin n’a pas voulu créer un support efficace pour le montage d’escroqueries ; les monarques lydiens n’ont pas inventé la monnaie frappée pour stimuler les escroqueries à base d’alliages douteux ; Monsieur Palmstruch, inventeur du billet de banque, n’a pas poussé en sous-main l’industrie du faux-monnayage.
Le risque "Bitcoin"
Il n’en reste pas moins que le risque est grand de voir des émules de « Madoff » se saisir des nouveautés technologiques et qu’il ne faut pas le minimiser.
Avant même d’investiguer ce risque, il convient d’expliquer en quoi le Bitcoin est un bon « candidat ».
Le bitcoin est un produit « rare ». Sa rareté a été organisée et orchestrée, ni hasardeuse, ni accidentelle, à l’inverse de l’or, la rareté du bitcoin est toujours présentée comme le fruit d’une décision sage et prudente, mathématiquement justifiée. Or, la rareté est un ingrédient important dans le processus de mise en place d’un schéma douteux et en particulier d’une chaîne de Ponzi. La « psychologie financière » de l’investisseur victime d’escroqueries financières la survalorise. Elle est garante de la valorisation du support car « tout ce qui est rare est cher ». Elle est aussi rassurante : « le support » n’est pas partagé par tout le monde mais par une communauté, voire une élite.
Le deuxième élément réside dans l’évolution de sa valorisation : c’est un argument tautologique, ou ce qu’on nomme aussi une prophétie auto-réalisatrice. La montée des prix prouve la rareté et montre qu’il faut faire partie du cénacle. On dira que ce n’est pas la faute des porteurs de bitcoin si le prix de celui-ci s’élève. De même que ce n’était pas la faute des fumeurs allemands si, en 1945, le prix de la cigarette (à l’unité) ne cessait de monter…. Mais, on ne peut pas profiter de la rareté sans risque.
Troisième élément qui peut « interroger » sur le risque potentiel du Bitcoin : le secret. L’anonymat. Dites demain aux membres de la communauté bitcoin que les transactions seront faites au vu et au su de tout le monde, que les paiements seront personnalisés comme c’est le cas avec les bons vieux virements ou prélèvements et que les teneurs de compte devront communiquer à l’administration fiscale, les valeurs des portefeuilles détenues et les transaction opérées, sa cote d’amour en prendra un coup.
Ces trois éléments réunis aggravent le risque mais ne le crée pas. Certaines chaînes de Ponzi ne reposent pas sur les trois éléments réunis mais sur l’un ou l’autre : une chaîne récente et étonnante reposait sur les livres anciens. La rareté était là. La valorisation aussi : de plus en plus de gens pour un stock qui est en régression par nature. En revanche, les investisseurs n’étaient pas cachés…. Quant au résultat ? Les prix montaient, les investisseurs accouraient, les fonds répartissaient des gains sur les plus-values de revente (en fait, les fonds des nouveaux venus) ; jusqu’au moment où les prix se sont effondrés…
Une autre chaîne de Ponzi était à la fois plus triviale mais aussi beaucoup plus internationale : elle avait été montée par le baron mexicain de la drogue, Joaquin « Chapo » Guzman. Plus de 80.000 Français auraient été piégés. On dit « auraient » car les victimes tiennent beaucoup à l’anonymat. Un peu comme pour le bitcoin.
On peut continuer et on listerait des petites, des grandes, des chaînes de Ponzi intelligentes et d’autres un peu bébêtes !
Les éléments d'un doute
On doit tirer de tous ces exemples quelques leçons. Les victimes sont toutes animées par le lucre à l’état pur : faire de l’argent, vite, sans se fatiguer et sans l’aléa du billet de Loto. Gagner de l’argent, n’est pas nécessairement un défaut ! Quand les orpailleurs du Klondike tombaient sur un beau filon, on peut dire qu’ils l’avaient mérité : dans le cas des chaines de Ponzi, on ne tombe sur un filon, c’est le filon qui tombe sur vous. Sans que vous vous soyez fatigué. L’anonymat, est très utile sans être indispensable. Recevoir beaucoup d’argent sans avoir à en parler au fisc, c’est mieux.
Cela ne suffit pourtant pas pour confier son argent à n’importe qui : il faut y croire. La crédulité est un élément incontournable de la réussite d’une chaine de Ponzi. Elle en fait la force et la durée. Une personnalité crédule, fait plaisir à l’initiateur de l’opération et se fait plaisir en lui faisant plaisir. Elle peut être sophistiquée : la victime d’une opération « livres anciens » est au fait de la bibliographie et compétent (du moins le pense-t-il). La victime d’une opération « ne vous inquiétez pas, ce sont des placements en Afrique, c’est trop compliqué à vous expliquer mais ça rapporte 20% » fait peut-être partie des gens simples qui ont gagné leur argent à la sueur de leur front et qui ont envie de rêver un peu.
Mais il manque encore un ingrédient : « le story telling ». On n’a jamais convaincu personne en ne s’appuyant que sur des rendements ou des profits « vite faits ». Il faut une belle histoire. Parler à l’intelligence des gens, leur montrer qu’ils sont des privilégiés, qu’ils sont les seules à connaître pareille aventure. On leur explique le placement en termes généraux ou, pour les mieux dotés en neurones, en termes très compliqués. Il faut qu’ils se pensent dans le saint des saints de l’histoire économique du monde, pas loin d’une secte. En tous cas, c’est bien de communauté qu’il est question.
Pas de système Ponzi sans ce discours et sans discoureur. L’argent a des oreilles, il va à celui qui use d’un beau langage. Le discoureur discourt, il n’est pas là pour débattre. Si lanceur de débats il y a, alors on fait donner la troupe (des investisseurs). Ils sont en risques, ils ont toutes les raisons de penser qu’ils vont gagner de l’argent et voilà qu’un trublion brise le rêve. Le premier cercle du discoureur fournira « les éléments de langage ».
Dans ce débat où se trouve le bitcoin ? On l’a dit plus haut, ce n’est pas une Scam money. En revanche, dépouillé d’une partie de son story telling, ce pourrait n’être qu’une invention de plus, dans l’univers déjà bien chargé des monnaies cryptées. Peut-être s’est-il malencontreusement fait trop rare ? Mauvais choix ? Le nouveau venu, l’Ether jouerait dans une cour plus grande ? Il ne resterait plus au bitcoin que l’argent facile ?
*Point développé dans mon ouvrage à paraître en octobre prochain : du rève bitcoin à la réalité blockchain
Sale temps pour le bitcoin, on a l’impression qu’il monte (et il monte !) mais on a aussi l’impression qu’il monte chaque fois qu’un ransomware se déclare à un bout de la planète. Récemment, c’est en Corée qu’une rançon a été exigée : « an unprecedented 550 bitcoins ($1.6 million at the time)”.
On dira que ce n’est pas de chance : les voyous ne demandent pas à être payés dans une autre crypto-monnaie que le Bitcoin parce que c’est « LA » monnaie cryptée par excellence et parce qu’elle est efficacement anonymisée. C’est la rançon du succès, sans jeu de mots.
Il vaut mieux dire qu’ici le bitcoin est utilisé pour ce qu’il est : un actif financier, comme l’or ou toute autre valeur qui peut avoir un prix de marché. De fait, en dehors de cette fonction de « spéculation », le Bitcoin est de moins en moins crédible en tant monnaie de transaction et perd progressivement toute validité en tant qu’instrument de compte. Des trois fonctions « aristotéliciennes », il n’en garderait qu’une. En d’autres termes ce ne serait pas une monnaie au sens moderne du terme, ce serait tout au plus une énième version de l’or.
Le bitcoin, un actif « gold-compatible »…
Ses défenseurs voudraient voir dans le bitcoin et dans la limitation de sa production elle-même à 21 millions de bitcoins, une unité de compte fiable quand, pour l’ensemble des observateurs, il devient de plus en plus évident qu’il ne peut pas revendiquer ce statut. Aucune société ne peut fonctionner avec une unité de compte, c’est-à-dire un déterminant de la valeur des biens qui s’échangent, qui fluctue sans arrêt et dont on ne sait pas s’il vaudra un jour un million de dollars ou 50 dollars pièce.
On peut trouver une consolation en s’appuyant sur une comparaison avec l’or : du jour où le Président Nixon décidait de la déconnection du dollar par rapport à l’or, du jour où le prix de l’or ne fut plus garanti comme il l’était depuis les accords de Bretton-Wood, il se mit à flamber. Mais les retombées sur la valeur d’échange des biens furent bien faibles, bien plus faible que la seule inconvertibilité Or du dollar, bien plus faible que la disparition des taux de changes fixes.
Le Bitcoin n’est donc pas crédible en tant qu’unité de valeur et, s’il demeure possible de le comparer à l’or, ce n’est ni à l’avantage de ce dernier, ni au bénéfice de la monnaie cryptée !
En vérité, le bitcoin, comme l’or frappé, ne vaut qu’à une triple condition : L’or, pour être validé en tant que monnaie métallique, devait être « signé » par une autorité suprême. Le bitcoin est produit et signé par un double collectif de membres de la communauté, mineurs et nœuds, qui disposent de toute l’information nécessaire et qui valident toutes les informations utiles. L’or devait être produit dans des conditions chimiquement et physiquement incontestables. Le souverain s’y engageait (quitte à revenir, de temps en temps sur cet engagement). Exactement comme le bitcoin qui exige à la fois pour émerger et pour circuler d’être validé, authentifié, intégré dans une suite de blocs, c’est-à-dire d’être numériquement et cryptiquement impeccable. Troisième point, moins connu : l’or monnaie « lourde » en valeur pour chaque pièce de monnaie ne pouvait pas circuler comme la banale monnaie échangée par un banal détaillant commerçant n’importe quelle denrée : la valeur intrinsèque d’une pièce était beaucoup trop élevée (expliquant pourquoi, pendant des siècles de puissants empires, l’Egypte, la Perse, s’en sont passé). En fait, l’or, comme le Bitcoin, n’avait de « monnaie » que la force des déclarations et valait davantage comme actif financier que comme moyen de paiement. Comme c’est le cas pour tout actif financier, la rareté fait la valeur et c’est bien d’une rareté délibérément organisée et proclamée que le bitcoin tire sa valeur.
Le Bitcoin « pur actif financier » ?
C’est l’inverse de ce qu’on a voulu faire croire. Les exemples avancés par les défenseurs du Bitcoin s’opposent complètement à l’idée d’un « Pur Actif Financier » : le bitcoin, disent-ils, s’est débarrassé des « caractères de la monnaie métallique » en se posant comme la révolution des modes de paiement, en étant ultra-rapide et en cassant les codes et les frontières.
Mais dans les faits, il se révèle à l’usage plus cher à manipuler qu’un banal virement de banque, de plus en plus lent en face de systèmes bancaires qui ont compris la leçon et qui ont multiplié les initiatives pour « gommer » quelques anomalies et lenteurs ! Pourrait-on dire aujourd’hui que le mode de fonctionnement du bitcoin l’apparente à la bonne vieille Ford T, dure à cuire, rustique et ouvreuse de routes et de chemins ? Pas encore…
Et la décentralisation ? Et l’anonymat ? Et la démocratie « peer to peer » ? Et la merveille d’une monnaie rendue au peuple ?
Les hérauts du Bitcoin continuent à croire que son anonymat, aussi vertueux que celui des billets de banque et des paiements en or au poids ou en monnaie, lui est une force incontournable. Ils dispensent ce message comme les conseillers financiers « vieux jeu » qui continuent à rêver des paradis fiscaux et de comptes à numéros. Il lui reste, proclament-ils, qu’il serait « acéphale » pour reprendre une expression qui frise le ridicule. A l’écart des gouvernements, des banques centrales et des systèmes bancaires, le bitcoin sortirait de la soupe des 0 et des 1 de l’informatique connectée, comme Vénus sortait pure et belle de l’onde. Il aurait quitté le monde des tiers « à la confiance perdue », et serait devenu le fruit de la science la plus inoxydable, celle des math.et, au sein de celle-ci, fruit de la science mathématique la plus confidentielle, la crypto ….
Comme si, la fraude, les détournements, les rançons, où le bitcoin trouve sa mauvaise publicité n’étaient pas en train de faire prendre conscience aux Etats et autres dépositaires de la puissance monétaire, aux régulateurs et tous organismes de défense de l’épargne et des épargnants, qu’il serait utile de placer ici et là, sous des formes variées, des éléments de contrôle, d’identification et de désanonymisation.
Un jour même, peut-être verra-t-on un juge demander que les plus-values sur bitcoin soient reversées à un fond destiné à dédommager les victimes de ransomwares.
Sales temps pour le bitcoin.
« Unlike Bitcoin, Ether was not designed to function as a store of value » ce commentaire de la SEC américaine devrait par lui seul, mettre fin à toutes les spéculations sur la nature du bitcoin. Mais voilà, le bitcoin, comme l’or du Klondike est porteur de fièvres. Faut-il un indice de ce grain de folie qui saisit les « bitcoin maniacs » ? Une récente réunion organisée par un sympathique gourou de la monnaie divine, monnaie qui ne doit rien aux banques, ni aux rois, ni aux marchands, a montré jusqu’à quel point d’inconscience ses Héraults peuvent aller. « Nec pluribus impar », la devise de Louis XIV était mobilisée au service du bitcoin. Les symboles du Roi-soleil étaient rassemblés pour épater le goL4go geek. Le Bitcoin solaire était né. « La monnaie c’est moi » a-t-on pu entendre.0
Evidemment, les fans du bitcoin ne se souviennent pas que le Grand-Roi se moquait éperdument de la finance et des financiers et que pour l’avoir oublié, son surintendant des finances, Fouquet termina ses jours dans un cul de basse fosse. Un peu plus tard Madoff… mais n’allons pas plus vite que la musique.
Il faut, si on veut s’en assurer, passer ladite crypto-monnaie au crible d’Aristote. Celui-ci, un des plus grands philosophes de tous les temps, avait émis des idées sur la monnaie, parmi les premières qui aient été un peu structurées. Elles ont eu la vie dure. La preuve : pas un ouvrage d’économie monétaire, voire d’économie politique qui ne cite pas les « trois fonctions de la monnaie » d’Aristote. La monnaie disait-il est à la fois, instrument de paiement, unité de compte et moyen de conserver la valeur. Les théoriciens ultérieurs n’avaient eu de cesse de le répéter. De nos jours, c’est un article de foi, il est vrai que toute monnaie est fiduciaire (de fides, le foi) ou n’est pas.
Le bitcoin respecterait ces trois critères : il permet de régler ses dettes, ses achats et ses dons. Combien de fois n’a-t-on pas entendu la belle histoire de l’américain Jim qui reçoit à une vitesse proche de celle de la lumière, le paiement des 20 dollars qu’il avait prêté à son copain français Jean. Je ne commenterai pas davantage sur les thèmes de la rapidité, de l’irrévocabilité, de l’anonymat et par-dessus tout du bras d’honneur fait aux banques. C’est tellement répété que cela en devient lassant. Et en plus, ce n’est pas vrai. (Mais c’est un autre sujet). Instrument de compte ? Eh oui ! Puisque, si je veux vendre un petit rien pour 0.01 bitcoin, je pourrais acheter, une fois ma transaction validée par les noeuds et les mineurs, deux autres petits riens, tout à fait différents du premier, qui vaudront chacun 0.005 bitcoin, soit à eux deux, 0.01 bitcoin (miracle de la comparaison de la valeur d’objets incomparables physiquement). Conservation de valeur ? Et de trois! Plus fort qu’Aristote: non seulement le bitcoin conserve la valeur mais en plus il l’a fait progresser. 1500, 1800, va-t-il dépasser 2000 ! Oui ! En pleine attaque massive « wannacry », il pulvérise les limites et s’en va tutoyer de nouveaux sommets. Quelques méchantes langues ont dit qu’il y avait un rapport entre les deux : les attaquants à base de ransomwares demandaient des paiements en bitcoin. Ils avaient raison, n’est-ce pas une monnaie irrévocable, anonyme et qui fait la nique à tous les systèmes de paiements un peu officiels. Un peu trop fliqués ?
Laissons Aristote de côté et revenons vers des réalités moins souriantes.
Le bitcoin a été lancé comme un beau produit marketing de haut de gamme : inventez un machin dont la plupart des gens ne comprennent pas le fonctionnement
(une sorte de Rubick cub) , faites participer des « mineurs », des gens qui mettent leurs ordinateurs à la disposition de la « communauté », qui sont très fiers d’en faire partie et reçoivent des
bitcoins en morceaux ou en entier pour rémunération ; annoncez que le produit ne va pas être produit à grande échelle, mais au contraire dans des quantités prédéfinies. Mentionnez l’or :
indétrônable support de valeur, unité de compte absolue avec quoi on frappait la monnaie. Et surtout, surtout, clamez les vertus de l’anonymat et dénoncez les puissants qui s’octroient indûment
des droits de seigneuriage scandaleux.
Et voilà ! Les ingrédients de la soupe monétaire sont réunis.
Progressivement, les bitcoins produits en très petits nombres par des mineurs de moins en moins nombreux, de plus en plus Chinois (plus de 50%), voient leur valeur progresser ; elle ne cesse de monter. Et voilà que le fameux mécanisme monétaire se met en branle : « la mauvaise monnaie chasse la bonne », le bitcoin ne circule plus, il est stocké comme on conserve les bouteilles de bon vin. Le bitcoin ne peut plus servir à payer, à évaluer : il est devenu aussi lourd à manipuler qu’une barre d’or après n’avoir eu que la consistance d’un sou mérovingien.
Quand une monnaie devient un actif financier
Franchement, pourquoi s’ennuyer à utiliser le bitcoin comme moyen de paiement ? D’abord, il est lent, de plus en plus lent : à ce point qu’on recommande de préférer une carte visa pour faire un paiement international plutôt que de se lancer dans le paiement en bitcoin.
Le cours d’une monnaie ne peut pas varier sans cesse à la hausse ou à la baisse. Les parties aux transactions commerciales demandent à la monnaie un certain calme, une forme de stabilité. En revanche, c’est la caractéristique d’un actif financier. C’est même son charme. En plus, si c’est un actif financier, dont la rareté est garantie, la logique est pour lui : il va demeurer actif financier, non pas monétaire, et va être intégré dans des actifs financiers structurés, dérivés et autres. La première condition : les acteurs vont « stocker » du bitcoin.
C’est ainsi que des discussions s’engagent entre « investisseurs audacieux » et institutions de marchés (Nasdaq et SEC) pour lancer des ETF « bitcoin », comme il existe des ETF « or » ou « argent », ou « cobalt » ou n’importe quoi et même appuyés sur des biens immatériels. Il suffit qu’il y ait un marché. Des demandeurs et des offreurs.
Des offreurs ! C’est indispensable. Il faut quelques institutions spéculatives qui ont accumulé des bitcoins (biens immatériels, vous l’avez bien compris), et qui peuvent ainsi produire des titres représentatifs de l’actif financier Bitcoin. Qu’y a-t-il de mal là-dedans : un bon ETF « or » permet de posséder de l’or sans s’ennuyer avec sa conservation. Et en plus, on n’a pas à s’inquiéter de la teneur du métal et, si on ne veut pas acheter ni barre, ni lingot mais seulement des parts, l’ETF est là pour faire le boulot. Quant à la valeur ? Evident : elle suit la valeur de l’or. L’ETF « bitcoin » fera la même chose.
Alors, le bitcoin va monter. Des gens l’achèteront à des gens qui le vendront. Ceux qui viendront plus tard sur le marché paieront un peu plus cher. Les premiers feront des bénéfices, puis ce sera le tour des autres acheteurs qui, après un moment de détention, s’en iront aussi sur le marché prendre leurs bénéfices. Pendant ce temps-là, on fabriquera chaque année un petit peu de bitcoin : il n’y en aura pas plus de 21 millions. Et comme il n’y en aura pas assez pour permettre aux ETF de bien fonctionner, pour permettre aux gentils spéculateurs de se faire un petit peu de monnaie et aux méchants hackers d’être payés en monnaie discrète et anonyme, alors les prix continueront de monter.
Certaines institutions perdront un peu leurs boussoles : comment satisfaire la demande d’ETF si on n’arrive pas à se faire livrer suffisamment de bitcoin ? Comme le monde est plein de débrouillards, certains encaisseront l’argent des souscripteurs de parts d’ETF et les livreront bien que non couverts. Les gens dynamiques décideront d’anticiper les livraisons d’ETF sur l’accumulation de bitcoins. Le problème est que les cours continueront à monter. Pour couvrir les ETF vendus, ils devront acheter plus cher. Et ils continueront. Ceux qui vendront leurs ETF, repasseront des actifs pourris à d’autres tard venus ; trop tard !
C’est bien pourquoi, si personne n’intervient, si on accepte des montages financiers tels qu’on vient de les décrire, si aucune régulation n’est mise en place sur la fameuse monnaie qui défie les systèmes, on pense que le bitcoin vaudra 1 million d’euros dans moins de 10 ans. Il en vaut 2500 ? Voulez-vous faire « fois 400 » en 10 ans ? ça vaut le risque n’est-ce pas ? A une condition «sortir» (revendre les parts) avant que la baudruche n’éclate ! C’est tout le principe des schémas dits de Ponzi.
Les cours du bitcoin ne cessent de monter pour le plus grand plaisir des "early adopters". La
monnaie "libre" est en passe de devenir un actif financier. L'appât du gain facile l'emporte sur les enthousiasmes libertaires et fascine dangereusement les nouveaux
venus.
A quel moment, un économiste, un observateur de la vie économique ou tout simplement un citoyen de base doit-il s’inquiéter pour ses contemporains et lancer une alerte ? Lorsqu’une vie est menacée, c’est clair. Lorsque leur épargne est en risque ? ça l’est moins. Après tout ne pense-t-on pas que toute personne est libre de placer son argent où bon lui semble. On est en démocratie n’est-ce pas ?
Bien sûr ! Nous sommes en démocratie et les bonnes démocraties s’attachent à protéger leurs citoyens contre les propositions d’investissement et de placements qui présentent trop de risques ou des risques anormaux. La loi française s’est progressivement renforcée et a responsabilisé les acteurs économiques et financiers inventeurs ou gestionnaires de produits de placements de l’épargne.
Le Dieu « bitcoin » peut-il être impunément offensé ?
Dans cet univers glacé et sans pitié de la finance, le lanceur d’alerte est celui qui pointe du doigt les techniques les moins respectueuses de la loi ou celles qui, venant d’émerger, n’ont pas encore éveillé l’attention du législateur. Dans le domaine financier de type « geek » ou « fintech », les autorités de régulation françaises se sont préoccupées des risques liés aux monnaies cryptées. La Banque de France ainsi que l’AMF ont lancé des appels à la prudence. Elles n’ont pas encore pris leurs marques sur l’aspect le moins proclamé et le moins tonitruant des monnaies cryptées : le placement spéculatif.
A partir de quand doit-on s’inquiéter et penser à lancer des alertes dans ce dernier domaine? Un premier indice est la manifestation d’un mental sectaire. Une deuxième repose sur l’existence de gains substantiels qu’un certain nombre de spéculateurs s’efforcent de protéger par tout moyen, voire d’amplifier par des moyens discutables.
Lorsque l’auteur d’une étude tendant à montrer que le Bitcoin peut être source d’interrogation reçoit des injures, voire des menaces, il y a lieu de s’inquiéter : « banquier entre ignorant et escroc », s’exclame Sajtos Baconos @sajmathieu sur Tweeter » et il continue « un banquier qui trashtalk #bitcoin, le ridicule ne vous tue pas » ? Il y a la version savante : vous avez offensé Dieu, vous serez damné ! Dans cette veine, David Francois @Bitcoin_Central s’exclame (sur le même réseau social) : « votre article aurait pu être moins mauvais s'il n'avait pas fait de procès d'intention au créateur de Bitcoin»! Il y a les représentants de la pensée historique Alexis Roussel @alexis_roussel : « Heureusement l'Histoire s'écrit sans cette vieille France » (la vieille France, c’est l’auteur de la chronique). Il y en a d’autres. On peut s’étonner. Comment, l’auteur d’une chronique évoquant une question d’ordre économique peut-il s’attirer des propos haineux et agressifs ?
Il faut en venir à ce commentaire de monsieur David François (ou François David) : « l’article aurait été moins mauvais s'il n'avait pas fait de procès d'intention au créateur de Bitcoin ». C’est bien là un indice de caractère sectaire car, justement, on ne connait pas le créateur du bitcoin ! En dehors de quelques élus perdus dans le saint des saints, on ne sait pas ce que recouvre le terme de « Satochi machin » : une équipe, un héros ou une bouteille de whisky japonais. Interdire qu’on puisse s’en prendre à quelqu’un qui n’existe peut-être pas ou qui se cache on ne sait où, ou qu’on ne veut pas révéler est un comportement typiquement religieux. Même la « main invisible » des libéraux anglo-saxons »
n’exigeait pas pareils renoncements !
Le Bitcoin n’est plus une monnaie, c’est un instrument financier
Cette idée que le Bitcoin appartient à un univers sectaire n’est-elle que française, parisienne et bourgeoise ? « … Some bitcoin developers have long moved from facts to theology » constatait Andrew Quentson dans un article pour cryptocoins news, dont le titre était très explicite « Are Bitcoiners Losing Faith ? ». Dans cet article, Andrew Quenston interrogeait le monde « bitcoin » et son incapacité à accepter l’idée qu’il fallait absolument qu’il évolue pour rester crédible vis-à-vis des utilisateurs. Perdre la foi ! Cela en dit long sur le mental des « bitcoinmaniacs » ! Le même auteur, ainsi que de nombreux autres, font remarquer qu’ils manifestent un goût de plus en plus prédominant pour les « fees » (le fric !). Cette évolution des membres de la communauté, les mineurs et les nœuds, dépasserait même le pur goût révolutionnaire pour les idées libertaires. La passion pour la liberté monétaire et la démocratie financière laisserait la place à la « greed », prosaïque passion pour l’argent.
“The atmosphere is depressing in all of bitcoin’s spaces and, for those of us who cheered with many of them in 2013, it is sad”. Cette dernière notation montre à quel point le conflit est violent.
Lester Coleman donne une clef: “If you bought $100 worth of bitcoin in 2010, it would be worth $88 million today. Bitcoin was worth 0.003 cents in 2010. But the future can’t be predicted, and the path to successful investing is not simple”.
Si on réfléchit posément à cette situation, voilà bien le fonds du problème : la capacité du Bitcoin à être une monnaie au sens plein du terme n’a plus aucun intérêt pour une certaine partie de la communauté bitcoin. De fait, le Bitcoin a perdu tout le charme relatif qu’il avait « gagné » sur les banques. S’il faut réellement payer très vite, nombre de commentateurs recommandent d’utiliser sinon une banque au moins une carte bancaire : cela coûtera moins cher, cela ira plus vite et dans des conditions de sécurité au moins équivalentes. Donc, il ne reste plus à la monnaie cryptée « reine » qu’une seule vertu : la conservation de valeur. Plus exactement, la conservation de valeur doublée d’une « garantie » de progression. Un vrai produit « dérivé ».
Miner pour l’argent plutôt que pour la liberté
C’est là que le risque « Ponzi » apparait ! Résumons : le bitcoin était censé être la monnaie que le bon Satochi avait donné au monde. La monnaie, une véritable « commodité », ne serait plus le jouet des banques et la source de leurs profits monstrueux. Les échanges seraient sécurisés par les mineurs et les « fees » seraient à taille humaine. Tout ceci a disparu et les luttes internes à la communauté bitcoin tournent autour de l’inadaptation grandissante de la monnaie « reine ».
Mais aussi, aujourd’hui, un certain nombre de propriétaires de bitcoin, les « early adopters », ont de l’or entre les touches de leurs ordinateurs. (Voir plus haut, les gains considérables qu’ils ont pu, par hasard, accumuler). Les « new adopters » voudraient faire partie des gagnants. Ceci déclenche une augmentation de la demande de bitcoin (denrée organisée pour qu’elle soit rare) qui profite aux actifs « bitcoin » des premiers. On aurait pu l’imaginer tout aussi bien d’une monnaie de réserve banale, un peu trop demandée. La différence est que la monnaie de réserve conserve sa fonction de monnaie malgré la spéculation Elle a donc un sous-jacent fonctionnel et social qui lui donne une « réalité sociale et économique ». C’est ce que le bitcoin est en train de perdre dans le silence assourdissant des détenteurs de bitcoin qui n’ont jamais eu l’intention de l’utiliser comme monnaie : il leur importe au plus haut point que le plus grand nombre possible de gens croient qu’il s’agisse d’une vraie réserve de valeur, franche comme l’or en quelque sorte… sauf que ce n’est pas de l’or.
A partir de là, les ingrédients d’une chaîne de Ponzi sont réunis : des fondateurs qui ont investi des clopinettes pour l’amorçage, une bonne communication, des suiveurs qui veulent bien essayer et qui font monter les prix et ainsi de suite. Sachant que, dans toute chaîne de Ponzi, le support de la spéculation n’est que du vent.
L’évolution du bitcoin va-t-elle dans ce sens ? La question devrait plutôt être : peut-on trouver des agents économiques qui y ont intérêt ? Sont-ils en action ? Y-a-t-il des épargnants suffisamment inconscients pour se faire embarquer dans des affaires de ce genre ? Des deux côtés la réponse est positive, la meilleure image est celle de l’ampoule électrique et des moucherons qui s’y précipitent et s’y brûlent : le risque avéré du Bitcoin est de devenir le jouet d’une spéculation peu scrupuleuse abusant d’épargnants béats devant des performances incroyables.
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