L’annonce faite par Facebook a-t-elle secoué le Landerneau des économistes ? Une nouvelle monnaie est-elle née ? Les vieilles monnaies cryptées sont-elles sur le point d’être ringardisées. Tout est vite vieux dans notre monde pourtant pas si jeune et les modes technologiques changent plus vite que les enthousiasmes des ados pour des séries cultes aujourd’hui et cuites demain.
On a compris que ce dont il est question ici est la monnaie-reine, la monnaie cryptée star, celle qui en décembre 2017 déclenchait des émeutes à Paris. Tout le monde en voulait, tout de suite, pas demain, parce que ça montait, ça montait et qu’il y avait du blé à se faire….
Le bitcoin, cette passion contrariée
Cette passion était quand même bizarre. La monnaie devait déboulonner les banques et les sortir du jeu des paiements. Il s’agissait de rendre au bon peuple, le plaisir de payer, d’en faire un acte social, au sein d’une communauté de gens nimbés du bonheur de manier une monnaie enfin libre. Au lieu de cela, les bitcoiners ne rêvaient que d’une chose : le « fois plus » ! « Mon portefeuille, il a fait 10 fois plus. Il va faire encore « 10 fois plus ». Ça fera 100 fois (prouvant une vraie maîtrise arithmétique) ». Et de rêver au pavillon sam’suffit gagné grâce au jeu des 0 et des 1 ».
Mais, les temps sont devenus mauvais, les prix qui sky-rockettaient se sont vautrés à 3000 après avoir atteint 20000. On cherchait partout l’erreur. Surement, la faute en était à tous les abrutis qui commentaient en dénigrant, des gars qui n’avaient pas eu le courage d’acheter du bitcoin et qui se permettaient de donner des leçons à tout le monde.
Allons, « every clouds has a silver lining » : le bitcoin a repris des forces, il est revenu à 11 000 et qui sait, les 20 000 reviendront (pas de chance pour les gars qui se sont délestés… ils n’avaient pas le sens du risque).
Le bitcoin se reprendrait ? Qu’y aurait-il de si nouveau dans le monde des crypto ? Quel espoir serait-il venu chatouiller les neurones des bitcoiners ? Quelle « grosse baleine » a-t-elle décidé de racheter ses positions vendeuses ?
Ou bien tout simplement Marc Zuckerberg ayant parlé de « nouvelle monnaie » sans trop insister sur des mots trop chargés, comme « crypté », « algorithme », « arbre de merkel », « généraux byzantins », et ne les lâchant ici et là que quand il fallait le faire mais avec une certaine discrétion, l’avenir aurait pris les couleurs de « l’aube aux doigts roses ».
Pourtant on ne peut qu’être saisi de la différence entre le bitcoin (qu’on prendra pour ce qu’il se veut être : la monnaie cryptée « an-sich ») et le «Libra»(qu’on persistera à nommer « la nouvelle monnaie »).
Le bitcoin est la monnaie de la liberté : il a été lancé par un obscur nippon, anonyme à ce point qu’on se demande s’il ne s’agit pas finalement d’un Australien. Tout est dans la discrétion. Ce n’est pas un ramenard l’inventeur du bitcoin, il ressemble un peu à l’inventeur du nombre « pi » qui est resté dans l’ombre depuis la nuit des temps.
Le libra, ou la charge de la cavalerie lourde
Voyez la différence avec la « nouvelle monnaie » : celle-ci ne vient pas « out of the blue », ni des tréfonds quantiques des 0 et des 1, elle est le fruit de la réflexion et de la volonté d’un seigneur de guerre économique et technologique. Un Billardaire qui a un nom, un pedigree et des résultats impressionnants à la clef.
L’inventeur du bitcoin a offert sa pensée et sa trouvaille au monde comme Jésus fit don de son corps, celui du « Libra » s’est fait champion de la libre rencontre de ses contemporains et a ramassé le pognon en vendant leurs données.
En le disant de façon moins polémique et plus moderne on dira de l’un qu’il avait une stratégie «bottom-up » quand l’autre défendait l’opposé, « top-down ».
Concrètement : le bitcoin fonctionne selon le principe du registre distribué en open source absolu ; vous faites partie de la « communauté », donc vous avez le logiciel sur votre ordinateur lequel mouline les problèmes destinés à la POW (proof of work) ; vous participez au minage des unités monétaires et à la validation de l’inscription dans la blockchain. C’est à prendre ou à laisser mais vous n’êtes pas obligé d’être un nœud. Le produit est prêt à l’emploi moyennant quelques adaptations pour dimensionner la technique au succès : c’est ce qu’on nomme du « scaling ». Pour aboutir, il faut qu’on décide d’une « fourche » et ça, c’est toute la communauté qui en décide, car décidemment, le bitcoin est une technologie reposant sur la démocratie des pairs et sur l’implication de la « communauté ».
Il y aussi quelque chose de religieux là-dedans. Les gens cultivés vous ressortent du Turing à tout bout de champs et rêvent d’un Walden monétaire. Les gens négatifs, diront qu’en fait, les décisions sont prises par ceux qui ont beaucoup de bitcoin : les grosses baleines qui sont franchement plus billiardiaires que les gars de base. Mais Winston Churchill a eu des paroles défintives sur la démocratie et on n’y reviendra pas.
Tout ce qui est démocratique dans la confrérie bitcoin est autocratique chez le promoteur de la « nouvelle monnaie ». D’abord, le nom « Libra » qu’il a choisi. C’est malin parce que «Libra» renvoie à la liberté mais aussi aux anciennes monnaies : « Libra » a donné livre. C’est aussi le moment de se souvenir que Dostoïevski a dit un jour que « l’or c’est de la liberté frappée ».
Autocratique est peut-être excessif : il s’est entouré de soutiens de haute volée qui, pour faire partie du team de lancement, ont versé chacun 10 millions de dollars. Donc, si autocratique est trop, oligarchique serait mieux.
Pour ses débuts la communauté « Libra » n’est pas laissée aux passions libertariennes, elle est structurée autour d’institutions et d’organisations extériorisant le pouvoir d’un chef et de ses équipes.
Pas démocratique « la nouvelle monnaie » ? C’est une affirmation des mauvaises langues : l’idée est de la lancer « oligarchiquement » puis d’en faire évoluer la gestion, les blockchains, les preuves vers un consensus élargi, vers une communauté « open » décidant du futur, une fois que l’avenir aura été assuré.
Ainsi, de différences en différences, est-on conduit à des différences de nature et non pas de détails.
C’est maintenant la pire différence qu’il faut évoquer : elle se trouve dans la conception même de la monnaie créée : le bitcoin repose sur l’idée que la monnaie est un consensus. Si les membres d’une collectivité croient que la monnaie est le reflet de leur désir d’être, de travailler, et de commercer ensemble, alors elle a une valeur et cette valeur sera juste. Les « contre » diront que c’est une monnaie décryptée du néant qui ne représente qu’elle-même et qu’hormis les rêves de ses fans, elle ne vaut rien.
La « nouvelle monnaie » de Facebook est très exactement à l’opposé : la monnaie n’y est pas le fruit de passions convergentes, mais, le reflet de valeurs créées ou à créer. Pour son lancement, sachant que tant qu’elle n’a pas circulé significativement elle ne doit s’attendre à aucune confiance ni croyance, elle se veut aussi solide que les monnaies les plus solides : elle s’appuie sur un portefeuille de monnaies traditionnelles et souveraines. Le « Libra » part dans la vie avec un portefeuille bien rempli et la confiance des institutions qui le lui ont apporté. La « nouvelle monnaie » n’est pas conçue pour faire rendre gorge aux tiers de confiance, elle est une œuvre collaborative, même s’il appert que le challenge qu’elle leur lance est redoutable.
Faut-il donner le coup de grâce : le bitcoin aura bien réussi parmi les monnaies cryptées, partant de quelques « fondus d’informatique et de crypto » il a réussi à réunir quelques millions de passionnés qui ne s’échangent pas grand chose si ce n’est l’espoir qu’enfin, les cours seront dans le bon sens.
Le « Libra », la nouvelle monnaie, part avec pleins de fées autour de son berceau : outre les soutiens, ses parrains à 10 millions de dollars, elle sait qu’elle sera accueillie dans un réseau de prés de 2 milliards d’utilisateurs.
Terminons cette histoire en lui conférant un peu de hauteur : la nouvelle monnaie étant lancée, le bitcoin ayant été renvoyé dans son petit cercle d’addicts, pouvons-nous risquer cette prédiction : Marc Zuckerberg comme Cincinnatus retournera sur ses terres pour enfin les faire fructifier.
Cher ami,
Je vous vois resurgir, vaillant comme un bitcoin neuf, après deux mois de silence.
Je sais que vous vous êtes morfondus : il est douloureux de vivre avec un portefeuille qui ne peut plus bouger et qui s'enfonce progressivement dans un marigot financier.
Je suis, pour ce qui me concerne, ravi de savoir que vous avez pu déscotcher vos actifs cryptés.
Ne vous méprenez pas. Je n'imagine pas un seul instant que vous avez soldé vos positions en poussant un "ouf ! " de soulagement : quand on est entré en bitcoinerie, on n'y est pas pour la gaudriole (j’entends : le fric) mais pour l'avènement d'un monde nouveau débarrassé des horribles tiers de confiance à l'ancienne qui se payaient sur la bête ( ie. Le peuple épargnant, innocente victime des affreuses magouilles bancaires). Les frontières effacées, le temps aboli, la confidentialité inviolable auraient permis que demain fût le genre humain une fois que du passé on eût fait table rase.
Evidemment, je suis pour. D'ailleurs, j'ai toujours été pour que les gens s’enrichissent, que les travailleurs aient moins de travail et plus de revenus et que la société soit plus juste en faveur du faible et plus exigeante à l'égard du riche... vous connaissez la ritournelle, vous la pratiquez avec conviction.
Donc le bitcoin est remonté : par suite non pas de la reconnaissance de ses qualités intrinsèques. Il n'en a pas. Il est poussif dans les paiements. Il ouvre la porte à l'arnaque, aux scams et aux ransomwares. Il a spolié des dizaines de pauvres types qui croyaient qu'enfin, avec 1000 balles ils pourraient s'offrir le sam'suffit de leurs rêves. Et il a peiné à rassembler quelques millions de joueurs de casinos, surtout en Asie, qui en compte un nombre impressionnant (de joueurs de casinos). Quant aux volumes échangés, ils sont chétifs et la capitalisation demeure, même avec les cours nouveaux, une paille vis à vis de l'ensemble des valorisations financières et monétaires.
Le bitcoin n'est pas non plus remonté en raison de prouesses technologiques récentes, une nouvelle fourche (ou fourchette), un nouveau "scaling", un allégement de POW etc ... il ne fait plus la "une" des magazines spécialisés dans les ICO, ITO, ETO etc ...
Non, le Bitcoin est remonté parce que le « Libra » est apparu !
Vous rêviez d’une monnaie mondiale au sens où on ne s’intéresserait pas seulement aux geeks et à quelques millions de « gentils membres », mais à des milliards de gens. Vous rêviez qu’au cours d’un débat sympathique avec des membres de votre tribu vous fussiez en mesure, là, ici, et maintenant d’acquérir n’importe quoi, un timbre, une photo, une zique ou un voyage en Ouzbékistan. Vous ne compreniez franchement pas pourquoi, utilisant des messageries incroyablement puissantes et rapides, vous ne pouviez pas les utiliser pour acheter, vendre, louer, adhérer, booker selon vos désirs.
Eh, bien, dans pas longtemps, ce sera possible.
Vous n’étiez pas à l’aise vis à vis à de ces monnaies cryptées qui cachaient trop bien des modes de fonctionnement vaseux avec des tokens pas très nets et des valorisations genre « montagnes russes » ? Ce sera bientôt fini : le « Libra » sera aussi franc que les monnaies souveraines puisqu’il s’appuiera dessus.
Ajoutons que la blockchain ne sera pas, au début du moins, laissé entre les mains de la « communauté ». La démocratie est une belle chose mais « point trop n’en faut ».
Mais au fait, pourquoi diable, l’arrivée du « Libra » a-t-il fait remonter le bitcoin (et les autres). A priori, il n’y a aucune raison.
Sauf que… Parmi les « grosses baleines » on compte deux personnages qui vont devenir de légende, les frères Winkelvoss, les jumeaux de la finance. Ceux-là ne sont pas étrangers au « Facebook coin ». Ils comptent, rappelons-le, parmi les fondateurs de Facebook.
En tout cas, le « Libra » un stable coin, renvoie à une technique financière, l’ETF, dont l’application au bitcoin est défendue par les « Jumeaux ».
On les dit « ennemis » de Marc Zuckerberg, mais comme le disait fort bien Forbes début juin: “For years, it seemed unlikely that they would ever work together again. However, to the surprise of many in the space the three of them met recently to discuss GlobalCoin.
Why would this happen? Well, it turns out that there is much that each of them can gain from working together. From Facebook’s point of view, users of GlobalCoin will need to have the ability to trade in and out of their positions, and the company needs a custody solution for coins not in circulation.”
Et le bitcoin ? Qu’est-ce qu’il fait là-dedans ? eh bien ! faisons un peu de crypto-fiction : les frères sont utiles au « libra » ne sont-ils pas ? Prendre une part du gâteau, ne serait pas absurde. Obtenir une part contre Bitcoin ne serait pas sot. Faire en sorte que cette part s’exprime en Bitcoin dont les cours se sont envolés serait un bon calcul.
Donc, cher ami, ne ratez pas le coche. On ne vous proposera pas tout le temps de vous délester de vos bitcoins pour monter dans l’opération « Libra ».
Et, le jour où les opérations seront bouclées, le sort du bitcoin sera scellé (et celui des autres monnaies cryptées). Cela ne se fera pas en un jour. Cela durera quelques mois. Mais, franchement, à quoi pourra bien servir une monnaie à quelques millions d’utilisateurs épisodiques qui n’aura aucune chance de surperformer, une monnaie stable à 1 ou 2 milliards d’utilisateurs….
En conclusion : vos mails sont attendrissants. Vous m’écrivez quand vous surfez sur le haut de la vague et vous disparaissez dans les creux. Craignez qu’un jour la mer ne veuille plus danser. Craignez le tsunami, la grande vague cathartique, qui détruit tout sur son passage.
La finance connait ce genre événements et personne n’a su les maîtriser.
Il vous suffira de tendre la main, vers les librairies du net,
Babelio, Amazon, Fnac, books.google, BOD librairie et l'éditeur: Arnaud Franel Editions
Panthéon au Carré est disponible aux éditions de la Route de la Soie.
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