Cet article est un peu long j’en conviens. Le ton y est tout à la fois enjoué (mais, il ne se veut pas joueur avec le malheur des uns), critique, (mais quand une valeur douteuse vient de perdre les deux-tiers de sa valeur, on ne peut pas être compatissant vis-à-vis de ceux qui l’ont poussée en avant), et réaliste (quand les passionnés de la démocratie monétaire en appellent aux capitalistes les plus prédateurs pour défendre leurs économies, il faut appeler un chat, un chat, un demeuré du FOMO*, un demeuré du FOMO).
L’effondrement du Bitcoin ne signifie pas la disparition de quelques innovations en matière de technologie financière. C’est la conclusion d’une illusion. La monnaie disaient les classiques est un voile. Aujourd’hui dans l’affaire du Bitcoin, on aurait aimé qu’il fut pudique.
*FOMO (fear of missing out ou peur d’avoir raté le train)
Le bitcoin : quand la monnaie s’inspire du joueur de pipeau
Bitcoin. Comment faire quand l’outil suprême vous casse entre les mains ? Comment faire quand on a chanté sur tous les toits les merveilles qu’il fallait en attendre ? Comment faire quand il s’effondre et entraîne avec lui une myriade de crypto-monnaies ?
Faut-il vraiment commenter l’évènement ? Ne devrait-on pas se taire et regarder le Titanic sombrer. Hélas, en dehors des spectateurs du film exceptionnel montrant la titanesque tragédie, personne n’a trouvé drôle d’assister à la fin réelle du paquebot. Et surement pas les centaines de corps congelés flottant à la dérive, ni même ceux qui avaient trouvé une place de choix dans les canots de sauvetage.
Alors, le bitcoin comme le Titanic ?
Il n’y a pas beaucoup de rapport ne serait-ce que parce que les malheureux ici sont les épargnants qui se sont engagés malheureusement. Keynes n’avait-il réclamé l’euthanasie des rentiers ? La voilà mise en œuvre, au moins pour ceux qui ne rêvaient que de vivre des profits du capital, de ses plus-values et des espoirs de bitcoin à 1000 000 le bout.
Donc on pleurera d’autant moins qu’ils étaient prévenus.
Le bitcoin et les rêves qu’il a nourris étaient depuis longtemps décrits comme une illusion et un système de Ponzi. Tous les gouvernements s’y étaient mis qui ont la responsabilité des systèmes de rémunération de l’épargne. Mais aussi de grands financiers. Or, il est malheureusement très difficile d’écarter les foules des hochets financiers et de l’espoir que nourrit l’argent facile. C’est d’autant plus difficile qu’ils se parent parfois de créativité, de technologie et de vision lumineuse du monde futur. S’il est une constante dans la vie monétaire et financière du monde, elle réside vraiment dans la fabrication de ces faux espoirs. Les Français en savent quelque chose : Monsieur Law les avait bien enseignés sauf que les agents économiques entretiennent avec l’argent des rapports qui ne sont jamais dénués de fantasmes.
Pour être clair sur ce point, la monnaie, n’est pas une technologie et les technologies ne feront jamais ce qui fait la force des échanges monétaires. La monnaie est un pur produit sociétal. Elle repose sur des ressorts psychologiques qui ont pour noms, confiance et croyance.
Doit-on penser que ce qui avait fait la valeur du bitcoin a été pendant quelques années le fait qu’il avait réussi à détrôner les monnaies traditionnelles dans l’esprit des agents économiques de toutes natures. Il avait capté la confiance et la croyance, substrats de toutes valeurs à vocation monétaire. Il se proposait de les évincer radicalement, leur opposant le royaume des 0 et des 1, des calculs qui « ne mentent pas », des chiffres qui ne peuvent être soumis aux pressions, « humaines, trop humaines » qui ont abâtardis les « monnaies Fiat ».
Que s’est-il donc passé. Les chiffres auraient trahi ? Les calculs se seraient mis à raconter des histoires, on aurait détourné le minage et les clés ? La blockchain serait devenue un léviathan incontrôlable, livré au féroce appétit des Baleines. Ah ! ces baleines, le recours du faible et l’ami des plus-values. Il faut peut-être en raconter les exploits ? Mais avant d’évoquer les acteurs, il faut débusquer les contre-vérités. On citera, au hasard, des commentateurs qui, tout en commentant, ne se sont pas aperçus des monstruosités qu’ils écrivaient.
Cultiver l’erreur ne conduit pas à la vérité
« Depuis que les investisseurs institutionnels sont massivement entrés sur le marché des crypto-actifs, le Bitcoin s’est corrélé avec le Nasdaq américain. En clair, le cours évolue en fonction des mouvements enregistrés par le marché d’actions, dont les valeurs technologiques échangées à Wall Street »
Vous rappelez-vous ces déclarations à l’aube de l’apparition du bitcoin ? Celui-ci devait permettre à l’agent économique affolé par la duplicité des « soi-disant » tiers de confiance, d’échapper à leurs manœuvres. Manipulations de cours, effondrements injustifiés des valeurs, détournement de la fonction monétaire au seul profit des banques et des institutions financières…. Le bitcoin, né au sein des algorithmes, allait changer tout cela et surtout, comme l’or autrefois, mais bien mieux que l’or, il serait le protecteur ultime. Pour preuve : il ne serait jamais produit qu’en nombre limité. Pour preuve encore : il serait difficile et coûteux à produire. Pour preuve enfin, il ne serait pas bloqué par des contraintes physiques et pourrait circuler à la vitesse de l’éclair.
Enfin, Jim l’Américain devant de l’argent à Michel le Français pourrait régler ses dettes sans délai, sans risque de change, sans interrogation sur la solidité des intermédiaires, sans commissions insensées telles qu’en prennent les fameux « tiers de confiance ».
Vous vous souvenez sûrement de l’aspect démocratique de la monnaie-cryptée devenue reine. Les mineurs, minent et sont payés pour cela. Ils n’influencent en rien la circulation de la monnaie puisqu’ils ne sont là que pour valider des transactions. Et, sûrement encore, vous vous souvenez de la fameuse histoire où le contrôle à 50% n’était pas possible (sauf que le minage était massivement localisé en Chine). Tout est anonyme (enfin pas tout à fait, tout est pseudonyme…). Tout est sécurisé (enfin pas tout à fait, tout dépend de la blockchain). La vitesse ne dépend que de celle avec lesquels les algorithmes moulinent les 0 et les 1… (oui, certes, mais il vaut mieux oublier la vitesse de la lumière, le bitcoin et l’escargot ont de nombreux points communs).
Mais voyez-vous, tout ceci est bien secondaire par « le fait que le bitcoin et les cryptos dépassent la notion de monnaie et s’apparente davantage à un nouveau mode d’organisation des échanges, c’est ce qui fait la puissance du système ».
Le système qui restera
Et ça, c’est vraiment important. Il faut dans les observations faites sur le fonctionnement du bitcoin se souvenir que quoi qu’il arrive, il restera le système ! De la même façon, dans la crise de la tulipe, au Pays-Bas, il est resté quelque chose : les champs de tulipe qui font toute la couleur et la richesse des Pays Bas. On ne peut donc pas déduire de la débâcle du bitcoin que tout disparaitra avec lui et surtout que toutes les monnaies cryptées à commencer par son frère ennemi, l’éther, s’effondreront dans le silence assourdissant des mémoires informatiques.
Mais peut-être tout ceci n’est-il qu’un commentaire sur un épiphénomène ? Ne voit-on pas souvent que les grandes innovations doivent faire leur chemin et affronter l’adversité avant que d’éclore et de rayonner ?
Heureusement, le bitcoin s’il est à la peine en tant que système, ne manque pas de soutiens. La démocratie du Bitcoin est-elle menacée ? Les tiers de confiance honnis sont-ils en train de reprendre une partie du terrain perdu ? Les mineurs et les détenteurs de wallets sont-ils désarçonnés ? En bref, les petits reculeraient manquant de ressources matérielles et financières ? Heureusement, les grosses baleines sont là. Ils vont comme le canon Caesar français, remettre d’aplomb le champ de bataille et faire un sort à la déroute, cette « géante à la face effarée »…
Dans un monde d’agents libres et libertariens, démocratique comme jamais on n’en vit dans l’histoire de la monnaie, où tous sont égaux, voilà qu’on découvre que le salut vient des « gros ». (On ne peut résister à l’envie de citer : dans une démocratie, tous sont égaux, sauf que certains le sont plus que d’autres). Ceux qui ont pleins de capitaux, qui empruntent aux meilleurs taux, ceux qui savent acheter, au plus riches idéalement, et malheureusement, bien souvent aux « petits » que les taux d’intérêts laminent. Ils soulagent le mineur pris entre les deux feux des intérêts et du prix de l’électricité qui explosent.
Reprenons un commentaire, au hasard : « Dans ce contexte, (l’effondrement des cours du bitcoin et des autres monnaies cryptées), les investisseurs s’éloignent progressivement des actifs les plus risqués, comme les actions et les cryptomonnaies, pour se tourner vers des valeurs refuges. Souvent présenté comme une protection contre l’inflation, le Bitcoin s’est comporté comme un actif risqué comme les autres ces derniers mois. Les investisseurs se sont donc tournés vers des valeurs sûres, comme les métaux précieux, pour protéger leurs actifs ».
« Requiem pour une monnaie qui ne parvint pas à naître » ?
En tout cas requiem pour le parangon des vertus financières. Le bitcoin, une banale valeur à risques.
Les baleines pourront-elles faire quelque chose ?
En décembre 2021, le portefeuille en bitcoin de la troisième plus grande baleine s’élevait à 6 milliards de dollars après un achat de 2 700 BTC. C’était un bel achat d’opportunité. « Le retour du bitcoin (BTC) à 50 000 USD pendant la nuit a inspiré l’un des plus grands portefeuilles à acheter l’équivalent de 137 millions USD supplémentaires ».
Le mardi 4 janvier, la troisième plus grande adresse Bitcoin a ajouté 456 BTC à un prix moyen de 46 363 dollars, ce qui équivaut à environ 21 millions de dollars, selon les données de BitInfoCharts.
Au moment de la rédaction de cet article, le commentateur insistait sur la fine manœuvre de ce « troisième » : « la baleine détient 120 845,57 bitcoins d’une valeur de plus de 5,6 milliards de dollars. L’identité du détenteur reste un mystère, mais il semble profiter pleinement de la volatilité actuelle des prix. (pourtant, apparemment, son portefeuille avait perdu plus de 400 millions de dollars).
La conclusion était belle comme un matin ensoleillé : « Plus l’industrie de la blockchain se développe, plus elle devient importante et transparente, moins il y aura de place pour la manipulation et les diverses théories du complot. En treize ans seulement, le secteur a fait d’énormes progrès en matière de développement, et l’avenir n’a jamais été aussi proche ».
On se croirait à un meeting du parti communiste :
« C'est la lutte finale ;
Groupons-nous et demain
L'Internationale
Sera le genre humain ».
En avril 2022, les grosses baleines continuaient un vrai travail de soutien au marché. Ils étaient vraiment au secours du marché et du petit investisseur et même disait-on, soulignant une forme d’abnégation : « un investisseur aurait suivi la stratégie du Dollar-Cost Averaging (DCA) : acheter régulièrement un actif, quel que soit son cours, avec une somme d’argent fiduciaire fixe. Dans le cas présent, les prix du BTC ont beau avoir varié entre 35 000 et 47 000 dollars sur cette période, notre baleine a continué d’acheter et de HODL tous ses bitcoins ». Incroyable n’est-il pas ?
« Malgré cette vague de prévision baissière, les baleines ne se découragent pas et continuent d’accumuler des jetons BTC en ce bear market ».
On commentera ainsi les commentaires au sujet des grosses baleines.
En premier lieu, il y a longtemps que les admirateurs du Bitcoin auraient dû s’inquiéter de la prédominance financière de ce qu’ils nomment avec une sorte de tendresse, « les grosses baleines ». On rappellera que parmi les soucis des régulateurs financiers, il y a celui de la domination d’un marché par quelques intervenants qui accaparent.
En vérité, dans un marché qui ne tient que par le fameux FOMO, le bitcoin, le flux monétaire se retirant, apparait pour ce qu’il était, un beau discours ou une musique de pipeau qui s’égrène et qui conduit les petits enfants vers le bord de la falaise.
Mais, « s’il remonte » entend-on ? On dira alors que tous les enfants n’y sont pas encore tombés.
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