Renmibi digital, ou Yuan numérique ? Libra globale ou libras nationales ? E-euro et crypto-dollar ? Quelle place pour la «monnaie cryptée reine» ? Ce bon vieux bitcoin, l’authentique Bitcoin et non une des sous-marques : « bitcoin gold », « bitcoin cash » et autres bitcoins nés à l’occasion de ces opérations de scissiparités qu’on nomme halvings ? Justement ! une nouvelle opération de ce genre est en cours, le bitcoin est obligé de changer de squelette comme les homards de carapace (mais dans le cas des homards, il n’y a plus rien dans la carapace, alors qu’avec le bitcoin, il y a multiplication !). Profitons de cette opération pour faire le point.
Les acteurs du bitcoin : titulaires et spéculateurs
Avant d’évoquer la sempiternelle question des cours, on s’intéressera aux acteurs. Une belle analyse menée par Chappuis Halder and co, citée par « le café de la Bourse », permet d’aller à la rencontre du «peuple du bitcoin».
Avant toutes choses, le «Bitcoiner» est un passionné de la chose crypto et suit généralement une idéologie libertaire, au moins dans ses aspects les plus classiques : hostilité aux institutions officielles, refus des « anciens tiers de confiance » (banques et toutes institutions qui s’y apparentent) et protection des données personnelles (en termes simples, on parlera d’anonymat).
Une monnaie libre ! Mais, pas convaincante! Elle est dure la comparaison la plus souvent utilisée, celle qui met les paiements sur Visa face aux paiements par bitcoin : le principal acteur des paiements en bitcoin, Bitpay annonçait avoir traité pour 1 milliard de transactions en 2018. Visa, pendant ce temps traitait (2018) 11 000 milliards de dollars.
Le libertarien, faute d’acceptation de sa monnaie, a adopté un profil de spéculateur ! Une étude (Chainalysis ) a montré que seulement 1,3% des volumes réalisés en bitcoin concerneraient des transactions sur des plateformes marchandes ! Piètre monnaie de transaction, le bitcoin a muté en un actif financier spéculatif.
Le bitcoin, combien de soldats ? Les chiffres varient beaucoup selon les critères utilisés pour identifier un « crypto-trader » parmi les détenteurs de crypto-comptes. Certains estiment que sur 139 millions de comptes, 25% font partie des détenteurs de compte qui agissent sur les marchés. D’autres études tablent sur un nombre de 69 millions. Pour Chappuis Halder and co : 50 millions, en majeure partie américains (35%).
On s’étonnera en apprenant que si les crypto-traders en BTC sont passionnés comme tous les détenteurs de BTC, ils ne sont pas riches à millions, témoin leur « fortune » moyenne : 0,04 BTC, soit 284 dollars (sur la base d’un BTC à 7100 dollars). En Suisse, c’est deux fois plus (0,08). Les États-Unis surperforment la moyenne mondiale avec 0,06 BTC.
S’intéressant de moins en moins aux opérations commerciales et de plus en plus aux opérations financières, les « spielers » rêvent de cours qui explosent.
Le bitcoin : un actif financier ?
Le marché du bitcoin se pose comme un marché sans frontières et conquérant.
On oubliera la période « des plus hauts de tous les temps » comme la presse a aimé qualifier la fin de l’année 2017 ! En 2019, la capitalisation du Bitcoin a évolué entre un minimum de 50 milliards de dollars, (avril 2019) un maximum de 200 milliards (en juin 2019) pour revenir à 100 milliards en décembre 2019.
A comparer avec la capitalisation boursière mondiale en fin d’année 2018 : 78 mille milliards de dollars. Ce qui ramène le problème du bitcoin en tant qu’actif financier à sa juste mesure. Ajoutons à cette information que les « baleines » (1000 premiers acteurs du marché) détiennent 40% de la capitalisation boursière du Bitcoin !
Sur un marché boursier pareille concentration est problématique : les risques de manipulation ne sont pas loin et ont été régulièrement dénoncés et mis sous enquête aux Etats-Unis en particulier. Vis à vis des crypto-monnaies, cela fait frémir en pensant aux risques des fameuses attaques à 51%. A cela s’ajoute la concentration des capacités de minage localisées en Chine pour plus de 50% et réparties entre trois opérateurs.
Le bitcoin n’est pas le support financier vertueux et protecteur que veut faire prospérer l’abondante littérature qui lui est consacré. On n’en évoquera pas les aspects douteux de la crypto-monnaie reine, escroqueries, blanchiments, ransomware : elle n’en a pas le privilège. On ne lui objectera pas non plus qu’elle ne rapporte rien : les taux d’intérêts pratiqués dans le monde sont incroyablement bas !
Pour autant, faut-il s’y référer pour se protéger du futur Krach financier et bancaire annoncé depuis deux ou trois ans quand on constate qu’en 2019 le cours à pratiquement quadruplé de 3500 à 13000 dollars par BTC durant le deuxième trimestre, pour redescendre à 7100 dans le courant du quatrième? Faut-il vraiment croire ceux qui annoncent 20 000 fin décembre 2019, des cours fantastiques en 2020 et le jackpot final en 2030.
Ou bien faut-il « garder la lèvre supérieure rigide » et passer un coup de téléphone à son banquier pour lui expliquer que le crédit pour acheter les bitcoins sera remboursé un peu plus tard que prévu ?
Ou enfin, faut-il se réjouir de quelques micro-évènements financiers qui montrent que les lignes bougent et que le bitcoin, en dépit de performances peu convaincantes et d’une utilité discutable, profite d’une reconnaissance institutionnelle? Une reconnaissance à l’ancienneté ?
Ne voit-on pas qu’on peut acheter des supports financiers dont le sous-jacent renvoie au bitcoin : Napoléon Asset Management, société de gestion française agréée par l'Autorité des marchés financiers (AMF) a lancé ces derniers jours le premier fonds crypto régulé « Napoleon Bitcoin Fund » réservé aux professionnels avec un ticket minimum de 100.000 euros. Une curiosité : les parts du fonds n’auront pas de bitcoins en sous-jacent direct mais répliqueront ses performances boursières via des contrats à terme listés à la Bourse de Chicago.
Et aussi, la SEC (Security and Exchange Commission) régulateur financier américain a donné le feu vert à New York Digital Investment Group (NYDIG) pour commercialiser des parts d’un fonds dont le sous-jacent repose sur des contrats à terme Bitcoin.
Une curiosité : NYDIG, comme Napoléon AM, n’investira pas directement dans le Bitcoin (BTC) mais à travers des « futures Bitcoin » réglés en espèces.
Dans le domaine financier, la multiplication par 7, 10 ou plus en deux ou trois ans est peu pratiquée. Google, qui n’est pas rien sur le plan de la production de valeur a mis 13 années pour « faire 20 fois »et Amazon 18 ans. Microsoft, 20 ans pour seulement "17 fois".
Peut-être est-ce dû qu’à la différence du bitcoin, les actions de ces sociétés reposent sur de la production de valeur ?
On a donc raison de se demander si les nouvelles monnaies cryptées surgissant en rafales, éclipseront la « monnaie bitcoin ». En pareil cas, il est difficile de penser que cela sera compensé par « l’actif bitcoin ».
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