Le bitcoin ou l’inutilité n’a pas de prix

 

 

Fascinant bitcoin qui ne sert à rien sauf dans des opérations de blanchiment, de rançonnage ou de terrorisme… mais, justement, ne servirait-il qu’à cela, il servirait encore ? et s’il sert, c’est qu’il est utile… or, ce qui est utile a de la valeur et ce qui a de la valeur a nécessairement un prix.

 

Utilité/inutilité du bitcoin

 

Le bitcoin ne serait donc pas si inutile ? Après tout, d’où vient la valeur de la monnaie ? Soyons terre à terre : que vaut donc un billet (de banque) ? Il coûte peu à produire, mais permet, pour autant qu’on ait pris la précaution d’y apposer un chiffre raisonnablement élevé, de l’échanger contre un bien ou un service. Pourquoi le bitcoin, qui coûte peut-être un peu plus cher, ne pourrait-il pas revendiquer lui aussi une valeur qui lui permettrait d’être échangé contre une autre ? Creusons un peu et laissons-nous aller au jeu de l’expérience de pensée : le bitcoin, comme le billet de banque, excelle dans le commerce de la “blanche”, des armes et de la rançon. Donc, le bitcoin ne peut pas avoir moins de valeur que le billet ; A ce titre il n’est pas moins inutile que le billet : ce que le billet peut faire le bitcoin sait le faire, leur degré d’inutilité ne devrait pas diverger. On devrait donc en conclure qu’il manque quelque chose au bitcoin pour être aussi inutile/utile que le billet.

 

Allons directement au fait : il manque au bitcoin la crédibilité qui est la marque de toute monnaie fiduciaire (CAD de confiance) et, s’il lui manque, c’est tout simplement que le principal et ultime distributeur de crédibilité, l’Etat, se refuse à combler ce manque. Le bitcoin est ainsi cantonné à un monde souterrain où ce qui est utile est nuisible, où les valeurs sont bafouées, ou les prix ne sortent pas des marchés comme Vénus sort de l’onde et sont hors normes, hors la loi.

 

Fascinant bitcoin qui ne sert à rien mais qui a quand même un prix. On ne fera croire à personne que ce prix est celui du crime, il y en a beaucoup (de crimes) mais pas au point d’intéresser la cote : pensez que le bitcoin qui n’est rien a un prix contre Dollar qui est à peu près tout !!! D’où vient ce paradoxe qui veut que le rien vaille quelque chose. On pourrait mobiliser Raymond Devos ou Vladimir Jankelevitch, on ne serait pas avancé pour autant ; « it’s economics stupid !».

 

Ce n’est pourtant pas un paradoxe, c’est un faux débat : le bitcoin ne vaut rien parce qu’il n’a été adoubé par aucun Etat (sérieux, cad. ni mafieux, ni grotesque). Alors que le « billet de banque » l’a été au point même que certains Etats, qui ont une haute idée du billet, l’ont mis sous la protection divine « in god we trust ». Le billet de banque, pour utiliser les termes de l’exposé économique, est une créance in-fine sur l’Etat. Le bitcoin, au mieux, est une créance sur un algorithme. Si on sait que faire payer l’Etat n’est pas toujours chose facile, que penser de la solvabilité d’un algorithme ?

 

Et pourtant, il faut y revenir, il a un prix ! il a un cours, et même une cote ! Donc le débat n’est pas si faux que cela car les marchés où s’échangent des riens inutiles pour des sommes rondelettes existent depuis la nuit des temps. D’où vient qu’une œuvre de Jeff Koons vaille des millions, sans parler de Damien Hirst (le requin plongé dans du formol) et tous les autres, les Monet, les Van Gogh, les Picasso …. sur quelle utilité fondent-ils leur valeur et celle-ci peut-elle être si grande que les prix soient si considérables ?

 

Mais voilà la réponse : le bitcoin est aussi inutile qu’une œuvre d’art mais il n’est pas aussi universellement accepté : depuis que Dieu a quitté le firmament, l’art a pris le relai.

 

Les choses inutiles ont-elles un prix ?

 

On est donc renvoyé au nœud du débat : le prix de cette chose inutile qui se nomme bitcoin. Pour qu’il ait un vrai prix, un prix que tout le monde accepte, un prix mondial, un prix pour les riches comme pour les moins riches, il lui faut obtenir ce qui donne son charme au billet de banque, l’onction étatique. Il faut qu’il se fasse reconnaître.

 

Et c’est à cette bataille que nous assistons depuis de nombreux mois. Ceux qui se passionnent pour elle voient quels assauts et quelles défenses se déploient, pour faire monter le cours contre dollar et pour le contraindre à descendre ; les achats offensifs qui mènent à 30000 ; les ventes traîtresses qui le font plonger à 20000 malgré des défenses héroïques autour de 29850. Et au loin, on entend ce cri de guerre : « Il faut sauver le soldat bitcoin ». Au fait, pourquoi s’énerver à sauver cet enfant illégitime sorti dont on ne sait quel commerce coupable ? Pourquoi ne pas le laisser vivre sa vie obscure et dépravée ? Pourquoi ne pas le laisser se perdre dans les marécages des autres cryptos en compagnie de la bande de ses potes, entre business microscopique et trafic de substances illicites ?

 

Laisser tomber le bitcoin ? Vous n’y pensez pas ! Songez aux gens qui y ont cru ? Vous voulez les ruiner alors qu’ils n’ont fait de mal à personne ? Songez qu’ils ne sont pas rien : les frères Vinckelvoss, par exemple, milliardaires en Bitcoin, pouvez-vous imaginer qu’ils vont accepter de se retrouver errant en chemise dans les avenues de New York ? Et les fonds d’investissement qui en ont pris pour diversifier leurs placements : pensez-vous que « diversifier » signifie mettre un peu de rien dans quelque chose.

 

Conclusion ? La valeur du Bitcoin aujourd’hui se mesure aux manœuvres destinées à en faire un billet respectable, c’est-à-dire une créance contre l’Etat (américain) ! Il s’agit d’obtenir de la SEC qu’elle le tolère dans certains instruments financiers. Il s’agit d’obtenir du trésor que certains instruments monétaires dits « de gros », « les stable coins » puissent s’appuyer sur un sous-jacent fait de quelques bitcoins au départ, puis de bitcoins uniquement à l’arrivée, et enfin de promesse de bitcoins car il n’y en aura pas assez et ils coûteront finalement trop cher.

 

Au terme de notre argumentation, nous voilà rendus ; la question de la valeur du Bitcoin est devenue la question de la date où il recevra l’onction étatique ! 

Jamais ! Répondrez-vous !

 

« Il suffit de tenir bon dans la vie pour que les illégitimités deviennent des légitimités ».

Châteaubriand avait compris beaucoup de choses, tirant les leçons du passé et construisant la trame de celles de l’avenir.

 

 

 

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