Citations extraites de « De l’Allemagne » de Madame de Staël, la pagination est celle de l'édition Garnier Flammarion.
Tome 1
46. (Les écrivains allemands)… Leur imagination se plait dans les vieilles tours, dans les créneaux, au milieu des guerriers des sorcières et des revenants ; et les mystères d’une nature rêveuse et solitaire forment le principal charme de leurs poésies.
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46. On pourrait dire avec raison que les Français et les Allemands sont aux deux extrémités de la chaîne morale, puisque les uns considèrent les objets extérieurs comme le mobile de toutes les idées, et les autres, les idées comme le mobile de toutes les impressions.
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47. Les Allemands ont le don de mettre souvent dans la conversation ce qui ne convient qu’aux livres ; les Français ont quelquefois aussi celui de mettre dans les livres ce qui ne convient qu’à la conversation.
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52. Néanmoins, quand on a surmonté ces sensations irréfléchies, le pays et les habitants (l’Allemagne et les Allemands) offrent à l’observation quelque chose d’intéressant et de poétique.
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55. Comme il n’existe point de capitale où se rassemble la bonne compagnie de toute l’Allemagne, l’esprit de société y exerce peu de pouvoir ; l’empire du goût et l’arme du ridicule y sont sans influence. La plupart des écrivains et des penseurs travaillent dans la solitude, ou seulement entourés d’un petit cercle qu’ils dominent.
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56. Les Allemands sont Saxons, Prussiens, Bavarois, Autrichiens… Le caractère germanique, sur lequel devrait se fonder la force de tous, est morcelé comme la terre même qui a tant de différents maîtres.
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60. Il n’est point d’assemblage plus bizarre que l’aspect guerrier de l’Allemagne entière, les soldats que l’on rencontre à chaque pas, et le genre de vie casanier qu’on y mène. On y craint les fatigues et les intempéries de l’air, comme si la nation n’était composée que de négociants et d’hommes de lettres ; et toutes les institutions cependant tendent et doivent tendre à donner à la nation des habitudes militaires.
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61. Il n’y a point un grand amour pour la patrie dans un empire divisé depuis plusieurs siècles, où les Allemands combattaient contre les Allemands, presque toujours excités par une impulsion étrangère ; l’amour de la gloire n’a point de capitale, point de société.
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63. Les vieilles chartes, les anciens privilèges de chaque ville, toute cette histoire de famille qui fait le charme et la gloire des petits Etats, était singulièrement chère aux Allemands ; mais ils négligeaient la grande puissance nationale qu’il importait tant de fonder au milieu des colosses européens.
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63. La prééminence de l’état militaire et les distinctions de rang les ont accoutumés à la soumission la plus exacte dans les rapports de la vie sociale ; ce n’est pas servilité, c’est régularité chez eux que l’obéissance ; ils sont scrupuleux dans l’accomplissement des ordres qu’ils reçoivent, comme si tout ordre était un devoir.
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65. La nature et la société donnent aux femmes une grande habitude de souffrir, et l’on ne saurait nier, ce me semble, que de nos jours elles valent, en général, mieux semble que les hommes…
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67. La conversation, comme talent, n’existe qu’en France ; dans les autres pays elle ne sert qu’à la politesse, à la discussion ou à l’amitié : en France, c’est un art auquel l’imagination et l’âme sont sans doute fort nécessaires, mais qui a pourtant aussi, quand on le veut, des secrets pour suppléer à l‘absence de l’une et de l’autre.
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71. On appelait la France le paradis des femmes parce qu’elles y Jouissaient d’une grande liberté ; mais cette liberté même venait de la facilité avec laquelle on se détachait d’elles.
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84. Dans ce sage pays ( Autriche) l’on traite les plaisirs comme les devoirs, et l’on a de même l’avantage de ne s’en lasser jamais, quelque uniformes qu’ils soient. On porte dans la dissipation autant d’exactitude que dans les affaires, et l’on perd son temps aussi méthodiquement qu’on l’emploie.
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91. … ce qu’on rencontre le moins dans les salons de la capitale de I ’Allemagne, ce sont des Allemands.
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94. un entretien aimable, alors même qu’il porte sur des riens, et que la grâce seule des expressions en fait le charme, cause encore beaucoup de plaisir ; on peut l’affirmer sans impertinence, les Français sont presque seuls capables de ce genre d’entretien. C’est un exercice dangereux, mais piquant, dans lequel il faut se jouer de tous les sujets comme d’une balle lancée qui doit revenir à temps dans la main du joueur.
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97. Nous avons une cargaison de madrigaux, de calembours, de vaudevilles, que nous faisons passer à l’étranger, quand on n’en fait plus rien en France.
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99. Un Français sait encore parler, lors même qu’il n’a point d’idées ; un Allemand en a toujours dans sa tête un peu plus qu’il n’en saurait exprimer.
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102 Bacon a dit que la conversation n’était pas un chemin qui conduisait à la maison, mais un sentier où l’on se promenait au hasard.
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103 La loyauté des Allemands…. ils prennent la grâce au pied de la lettre, ils considèrent le charme de l’expression comme un engagement pour la conduite, et de là vient leur susceptibilité ; car ils n’entendent pas un mot sans en tirer une conséquence, et ne conçoivent pas qu’on puisse traiter la parole en art libéral, qui n’a ni but ni résultat que le plaisir qu’on y trouve.
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104. Une femme d’esprit a dit que Paris était le lieu du monde où I ’on pouvait le mieux se passer de bonheur.
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106. En France, il semble que l’esprit d’imitation est comme un lien social, et que tout serait en désordre si ce lien ne suppléait pas à l’instabilité des institutions.
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106. La bonne compagnie, en Allemagne, c’est la cour ; en France c’étaient tous ceux qui pouvaient se mettre sur un pied d’égalité avec elle, et tous pouvaient l’espérer, et tous aussi pouvaient craindre de n’y jamais parvenir. Il en résultait que chacun voulait avoir les manières de cette société-là. En Allemagne, un diplôme vous y faisait entrer ; en France, une faute de goût vous en faisait sortir ;
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106. un Français s’ennuierait d’être seul de son avis comme d’être seul dans sa chambre.
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107. Mettez la mode, c’est à-dire les applaudissements du côté du danger, et vous verrez les Français le braver sous toutes ses formes …
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107. Dans un pays où causer a tant d’influence, le bruit des paroles couvre souvent la voix de la conscience.
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109. La bonne foi du caractère allemand est aussi peut-être un obstacle à l’art de conter ; les Allemands ont plutôt la gaieté du caractère que celle de l’esprit ; ils sont gais comme ils sont honnêtes pour la satisfaction de leur propre conscience, et rient de ce qu’ils disent longtemps avant même d’avoir songé à en faire rire les autres.
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112. Le mérite des Allemands, c’est de bien remplir le temps ; le talent des Français, c’est de le faire oublier.
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113. Il faut se mesurer avec les idées en allemand, avec les personnes en français ; il faut creuser à l’aide de l’allemand, il faut arriver au but en parlant français ; l’un doit peindre la nature, et l’autre la société.
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117. En France, on étudie les hommes ; en Allemagne, les livres.
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120. Les hommes distingués de l’Allemagne, n’étant point rassemblés dans une même ville, ne se voient presque pas, et ne communiquent entre eux que par leurs écrits ;
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121. D’ailleurs, quoique le gouvernement de la Saxe ne fût pas libre de droit, c’est-à-dire représentatif, il l’était de fait par les habitudes du pays et la modération des princes. On y faisait quelquefois du bruit pour quelques idées, mais sans songer à leur application.
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131. Frédéric a fait un mal véritable à son pays, en professant du mépris pour le génie des Allemands. Il en est résulté que le corps germanique a souvent conçu d’injustes soupçons contre la Prusse.
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135. Les écrivains philosophes ont eu souvent d’injustes préjugés contre la Prusse ; ils ne voyaient en elle qu’une vaste caserne, et c’était sous ce rapport qu’elle valait le moins : ce qui doit intéresser à ce pays, ce sont les Lumières, l’esprit de justice et les sentiments d’indépendance.
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150. Ce qui s’opère par les individus convient singulièrement à l’Allemagne, où chaque chose, prise séparément, vaut mieux que l’ensemble.
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159 …La littérature allemande n’existe guère dans toute son originalité qu’à dater de quarante à cinquante ans ; et les Français, depuis vingt années, sont tellement préoccupés par les événements politiques, que toutes leurs études en littérature ont été suspendues.
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165. Les Allemands s’occupent de la vérité pour elle-même, sans penser au parti que les hommes peuvent en tirer : la nature de leurs gouvernements ne leur ayant point offert les occasions grandes et belles de mériter la gloire et de servir la patrie.
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185. Lessing : Mais ce qui importe à l’histoire de la littérature, c’est qu’un Allemand ait eu le courage de critiquer un grand écrivain français, et de plaisanter avec esprit le prince des moqueurs, Voltaire lui-même.
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198. J. J. Rousseau a dit que les langues du midi étaient filles de la joie, et les langues du nord, du besoin.
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199. (la langue allemande est) Peut -être la seule langue dans laquelle les vers soient plus faciles à comprendre que la prose, la phrase poétique, étant nécessairement coupée par la mesure même du vers.
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213. La poésie française étant la plus classique de toutes elle est la seule qui ne soit pas répandue parmi le peuple. Les stances du Tasse sont chantées par les gondoliers de Venise, les Espagnols et les Portugais de toutes les classes savent par cœur les vers de Calderon et de Camoëns.
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214. La poésie classique doit passer par les souvenirs du paganisme pour arriver jusqu’à nous : la poésie des Germains est l’ère chrétienne des beaux-arts : elle se sert de nos impressions personnelles pour nous émouvoir : le génie qui l’inspire s’adresse immédiatement à notre cœur, et semble évoquer notre vie elle-même comme un fantôme le plus puissant et le plus terrible de tous.
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238. Il est probable que les événements racontés dans l’Iliade et dans l’Odyssée étaient chantés par les nourrices avant qu’Homère en fît le chef-d’œuvre de l’art.
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247. Ceux qui se croient du goût en sont plus orgueilleux que ceux qui se croient du génie. Le goût est en littérature comme le bon ton en société : on le considère comme une preuve de la fortune, de la naissance, ou du moins des habitudes qui tiennent à toutes les deux ; tandis que le génie peut naître dans la tête d’un artisan qui n’aurait jamais eu de rapport avec la bonne compagnie. Dans tout pays où il y aura de la vanité, le goût parce qu’il sépare les classes, sera mis au premier rang, parce qu’il sépare les classes et qu’il est un signe de ralliement entre tous les individus de la première.
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Tome2
12. … le désespoir ne peut se soutenir cinq actes ; le spectateur doit en mourir ou se consoler …
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17. L’idéal du caractère tragique consiste, dit W. Schlegel », dans le triomphe que la « Volonté remporte sur le destin ou sur nos passions ; le comique exprime au contraire l’empire de l’instinct physique sur l’existence morale : de là vient que partout le gourmandise et la poltronnerie sont un sujet inépuisable de plaisanteries.
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33. Quand il paraît un homme de génie en France, dans quelque carrière que ce soit, il atteint presque toujours à un degré de perfection sans exemple ; car il réunit l’audace qui fait sortir de la route commune, au tact du bon goût qu’il importe tant de conserver lorsque l’originalité du talent n’en souffre pas.
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35. Oreste : « j’assassine à regret un roi que je révère »
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41. La foule des romans d’amour publiés en Allemagne a fait tourner un peu en plaisanterie les clairs de lune, les harpes qui retentissent le soir dans la vallée, enfin tous les moyens connus de bercer doucement l’âme ; mais néanmoins il y a dans nous une disposition naturelle qui se plait à ces faciles lectures, c’est au génie à s’emparer de cette disposition qu’on voudrait en vain combattre.
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49. Nous avons en français plusieurs romans comiques, et l’un des plus remarquables c’est Gil Blas. Je ne crois pas qu’on puisse citer chez les Allemands un ouvrage où l’on se joue si spirituellement des choses de la vie. Ils ont à peine un monde réel, comment pourraient-ils déjà s’en moquer ?
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51. Les écrits de J. Paul doivent être considérés sous deux points de vue, la plaisanterie et le sérieux ; car il mêle constamment l’une à l’autre. Sa manière d’observer le cœur humain est pleine de finesse et de gaieté, mais il ne connaît guère que le cœur humain tel qu’on peut le juger d’après les petites villes d’Allemagne…
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51. La gaieté des Français vient de l’esprit de société ; celle des Italiens, de l’imagination ; celle des Anglais, de l’originalité du caractère ; la gaieté des Allemands est philosophique. Ils plaisantent avec les choses et les livres plutôt qu’avec leurs semblables.
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77. Les Allemands en général conçoivent mieux l’art qu’ils ne le mettent en pratique ; à peine ont-ils une impression qu’ils en tirent une foule d’idées.
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89. L’homme a maudit le soleil, l’amour et la vie ; il a souffert, il s’est senti consumé par ces flambeaux de la nature ; mais voudrait-il pour cela les éteindre ?
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95. « L’esprit humain, dit Luther, est comme un paysan ivre à cheval, quand on le relève d’un côté, il retombe de l’autre »
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106. II y a deux manières de redresser les préjugés des hommes , le recours à l’expérience, et l’appel à Ia réflexion. Bacon prit le premier moyen, Descartes le second ; l’un rendit d’immenses services aux sciences ; l’autre à la pensée, qui est la source de toutes les sciences.
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125. Leibniz a combattu avec une force de dialectique admirable le système de Locke, qui attribue toutes nos idées : à nos sensations. On avait mis en action cet axiome si connu, qu’il n’y avait rien dans l’intelligence qui n’eût été d’abord dans les sensations, et Leibniz y ajouta cette sublime restriction, si ce n’est l’intelligence elle-même ... Nihil est in intellectu, quod non fuerit in sensu, nisi intellectus ipse
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132. Quant à Ia métaphysique, Kant nie son existence, puisqu’il prétend que le raisonnement ne peut avoir lieu que dans la sphère de l’expérience.
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139. Kant : Il s’est servi d’une terminologie très difficile à comprendre, et se persuadait qu’il fallait des mots nouveaux pour des idées nouvelles, et cependant il y a des paroles pour tout.
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140. Kant : Dans ses traités de métaphysique, il prend les mots comme des chiffres, et leur donne la valeur qu’Il veut, sans s’embarrasser de celle qu’ils tiennent de l’usage. C’est, ce me semble, une grande erreur ; car l’attention du lecteur s’épuise à comprendre le langage avant d’arriver aux idées, et le connu ne sert jamais d’échelon pour parvenir à l’inconnu.
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156. Montesquieu dit que l’esprit consiste à connaître la ressemblance des choses diverses et la différence des choses semblables.
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166. L’attrait de la société est si grand en France, qu’elle ne permet à personne de donner beaucoup de temps au travail.
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185. Si le calcul doit présider à tout, les actions des hommes seront jugées d’après le succès : l’homme dont les bons sentiments ont causé le malheur sera justement blâmé ; l’homme pervers, mais habile, sera justement applaudi. Enfin les individus ne se considérant entre eux que comme des obstacles ou des instruments, ils se haïront comme obstacles, et ne s’estimeront pas plus que comme moyens. Le crime a plus de grandeur, quand il tient au désordre des passions enflammées, que lorsqu’il a pour objet l’intérêt personnel : comment donc pourrait-on donner pour principe à la vertu ce qui déshonorerait même le crime…. L’anecdote connue d’Aristide, qui fit rejeter un projet de Thémistocle, en disant seulement aux Athéniens que ce projet était avantageux, mais injuste….
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189. Ce n’est pas le nombre des individus qui constitue leur importance en morale.
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191. Se permettre de mauvais moyens pour un but que l’on croit bon, c’est une maxime de conduite singulièrement vicieuse …
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218. On a raison d’exclure les femmes des affaires politiques et civiles ; rien n’est plus opposé à leur vocation naturelle que tout ce qui leur donnerait des rapports de rivalité avec les hommes.
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220. Il vaut encore mieux, pour maintenir quelque chose de sacré sur la terre, qu’il y ait dans le mariage une esclave que deux esprits forts.
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247. Et tandis qu’en France l’esprit philosophique plaisantait sur le christianisme, on en faisait en Allemagne un objet d’érudition.
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