Les citations ci-dessous sont extraites des Chroniques d'Art: 1902-1918
folio Essais.
La pagination suit celle de l'édition. On a pour chaque citation donné la page de l'ouvrage cité en référence et l'année de la chronique dont elle a été extraite.
31.1903. Le goût pour le faux fait partie du caractère allemand au point qu’un foulard exposé dans une boutique avec l’indication « soie» sera surtout en coton ; Ia véritable soie sera désignée ainsi : «soie pure ». Dans leurs musées les Allemands exposent une copie, avec l’orgueil qu’on a à montrer l’original. Les Allemands portent des bijoux faux avec autant de joie que s’ils étaient vrais.
37.1905. Sur Picasso : dans un jour pur des femmes se taisent, leurs corps sont angéliques et leurs regards tremblent. A propos du danger leurs sourires sont intérieurs. Elles attendent l’effroi pour confesser des péchés innocents.
39.1905. Sur Picasso : Son insistance dans la poursuite de la beauté l’a dirigé sur des chemins. Il s’est vu plus latin moralement, plus arabe rythmiquement.
41.1907. Le SALON d’AUTOMNE Mets ta jupe en cretonne / et ton bonnet, mignonne ! /Nous allons rire un brin /De l’art contemporain /Et du Salon d’Automne
54.1905. M. Vallotton, et nous le regrettons, n’a pas exposé le portrait d’une Suissesse, grande dame protestante qui voulut absolument enlever son râtelier pour poser- «Il ne serait pas honnête de représenter mes dents. En réalité, je n’en ai pas. Celles qui garnissent ma bouche sont fausses et je pense qu’un peintre ne doit représenter que ce qui est vrai ».
59.1905 Georges Braque : On a refusé la presque totalité de son envoi. …Ce peintre humaniste a ruiné sa santé en crachant sans mesure, lorsqu’il fume la pipe. Débile et fluet, il ne devrait pas négliger de prendre dès le début de novembre …. Jusqu’à quelques litres d’huile de foie de morue.
64. 1908 LE SALON DES INDÉPENDANTS. On possède à l’étranger des portraitistes, des paysagistes, etc., mais la France seule produit à cette heure des exemples de cet art probe, sain et magnifique qui s’élabore en étonnant le monde et qui sera l’honneur du XXème siècle.
65.1909. Et qu’on ne parle plus d’abstraction. La peinture est bien l’art le plus concret.
65.1909. Sur Derain : L’effort de Derain ne se disperse pas à être lumineux, linéaire ou volumineux. Sa sincérité plastique se révèle autrement : par le calme terrible avec lequel il s’exprime sans passion conformément à ses passions.
67.1909. Van Dongen nous transporte chez des géants qui résolvent la question sociale par l’impudeur. Il nous laisse toujours sous une impression pénible. Il prostitue ses plus nobles et ses plus belles couleurs à des hontes citadines qu’il remarque en étranger,
76.1909. L’avenir dira quelle part, d’influence ont eue dans cette évolution des exemples magnifiques comme celui d’un Cézanne, le labeur solitaire et acharné d’un Picasso, la rencontre inopinée d’un Matisse et d’un Derain, précédée de celle d’un Derain et d’un de Vlaminck. Le succès a déjà récompensé les Picasso, les Matisse. Les Derain, les de Vlaminck, les Friesz, les Marquet, les Van Dongen. Il faudra qu’il honore également les travaux d’une Marie Laurencin et d’un Georges Braque, qu’il laisse apparaître la pureté d’un Vallotton, qu’il mette à la place qui lui est due un maitre comme Odilon Redon. Et la tâche que j’assigne au temps, je ne doute pas qu’il l’accomplisse.
82.1909. M. Henri Matisse est un novateur, mais il rénove plutôt qu’il innove. Il faut que la vue se soit singulièrement brouillée, qu’elle ait été habituellement affectée par des objets plus artificiels pour être désagréablement éblouie par la pureté de dessin et des couleurs de M. Henri Matisse.
84.1910. Personne ne fait songer à Pascal comme Cézanne. Les dons littéraires du premier étaient du même ordre que les dons plastiques du second. Ce qu’ils ont exprimé tous deux a cette même grandeur qui dépasse parfois I’ entendement.
88. 1910. J’aime beaucoup la peinture de M. Bonnard. Elle est simple, sensuelle, spirituelle dans le meilleur sens du mot et, je ne sais pourquoi, me fait obstinément penser à une petite fille gourmande.
93.1910. Le SALON des ARTISTES INDÉPENDANTS. Si nous devions traduire le sens général de cette exposition, nous dirions volontiers – et avec quelle joie - qu’elle signifie déroute de l’impressionnisme.
116.1910. Quant à M. Levy Dhurmer, il a évidemment oublié de décorer « Les Panneaux décoratifs » qu’il expose. Ces artistes sont si souvent distraits...
118.1910. En peinture… les maîtres n’existent plus puisqu’il n’y a plus d’élèves, mais des artistes sans certitudes qui subissent des influences Incertaines,
121.1910. M. Blanche ne pense-t-il pas que certaines de ses œuvres pourraient bien ressembler au langage de ceux qui se croient obligés de parler un français farci de mots anglais ? Quel sujet de thèse pour un savant de Boston en l’an 2000 : Jacques Blanche el la littérature élégante de son temps.
121.1910. Comme faisait autrefois Francis Jammes, Mlle Jeanne Denise aime les petits veaux et les peint avec attendrissement.
126.1910. L’écrivain d’art doit ici borner son rôle presque seulement à l’explication des œuvres exposées. Exécutées d’après des principes légitimes, elles échappent à la critique, mais l’inspiration et l’invention faisant souvent défaut, il est rare qu’elles méritent l’éloge.
129.1910. La boutique de barbier hollandais qu’a peint M. Benedito présente bien des couleurs bellement réalistes. C’est un bon document sur la propreté hollandaise, or des boucles d’oreilles, cuivre du plat à barbe, parquet, sabots et visage, tout est reluisant.
139.1910. Sur Gauguin : Peinture liturgique où les couleurs ont un sens symbolique qui double leur attrait décoratif, l’œuvre du plus religieux des peintres modernes s’opposa la première à l’impressionnisme qui malheureusement règne encore non seulement dans les arts plastiques mais aussi dans les lettres contemporaines.
167.1910. Sur Gauguin : Cet artiste. Au sentiment religieux imprécis mais profond et qui sentit si vivement le besoin de vivre à l’état de nature aux antipodes, était un artisan plein d’adresse et de charme.
172.1910. J’ai visité, à l’Ecole des Beaux-arts, l’exposition des achats que l’Etat a faits cette année dans les divers salons. Avant que ces œuvres aillent dormir dans les musées de province, on permet aux Parisiens de les contempler toutes ensemble. Comme on pense, le plus grand nombre de ces acquisitions est honnête, Sans plus….Et pendant ce temps-là, les plus belles toiles modernes sont acquises par les musées étrangers.
177.1911. Je vous donnerais bien les noms des grands peintres chinois mais à quoi bon ? Ces noms sont difficiles à retenir et ils ne risquent point de devenir populaires en France. …
….Tout de même, l’Art chinois large, puissant, élevé, pourrait bien hériter de l’admiration que l’on professait jusqu’ici pour les Japonais qui, singes du grand art chinois, n’ont produit qu’un art nain.
177.1911. Sur Samain : Il est décidément le poète à la mode, ce qui est souvent une façon d’être démodé.
188.1911. Hélas ! Trois fois hélas ! Que deviennent tous les tableaux qu’on expose ? Je pense qu’ils fondent….et c’est le mieux qu’on leur puisse souhaiter.
247.1911. Deux phrases célèbres de Delacroix, « L’ennemi de toute peinture est le gris ! » et «Bannir toutes couleurs terreuses », ne seraient plus comprises par les jeunes peintres qui veulent revenir aux principes pour les formes et le dessin, comme avant eux on était revenu aux principes pour la composition, la lumière et l’intensité de la couleur.
248.1910. L’art des néo-impressionnistes n’a réuni qu’un petit nombre d’adeptes. Il demande, en effet, beaucoup d’application et de science, sans parler du taIent. Les soins qu’il exige rebutent les artistes inconstants, ou pressés.
254.1911. Ceux qui prennent le cubisme pour une fumisterie se trompent complètement. Ils font voir simplement que si la leçon d’Ingres n’a pas été perdue pour ces artistes, le public et avec lui beaucoup, d’écrivains d’art ne l’ont pas du tout comprise.
255.1911. Je sais bien que le cubisme est ce qu’Il y a de plus élevé aujourd’hui dans l’art français.
269.1912. …j’ai été plusieurs fois sur le point de vous crier ce que Michel-Ange disait de la peinture flamande : « Cette peinture n’est que chiffons, masures, verdures de champs, ombres d’arbres, et ponts, et rivières, qu’ils nomment paysages, et maintes figures par-ci, et maintes figures par-là. Et tout cela, encore que pouvant passer pour bon à certains yeux, est fait en réalité sans raison ni art, sans symétrie ni proportions, sans discernement, ni choix, ni aisance, en un mot, sans aucune substance et sans nerf. »
271.1912. Et aujourd’hui toute ombre a disparu, Le dernier cri de Gœthe mourant : « Plus de lumière » monte de l’œuvre sublime et mystérieuse d’un Picasso comme il monte encore de l’œuvre de Rembrandt.
273.1912. Depuis longtemps déjà, la peinture italienne s’est figée dans cet académisme qui parfois est le sommeil de I’ Art et souvent est sa mort.
290.1912 Encély expose un tableau touchant de provincialisme bébête et délicieux.
295.1912. Sur Matisse : l’influence de Matisse semble presque complètement écartée. Il faut le regretter. Un maître comme Matisse, qui a renouvelé la symbolique du coloris et dont les audaces de composition forcent l’étonnement, mérite qu’on l’étudie avec soin. Son enseignement serait utile à plus d’un et particulièrement à ces peintres de peu de foi qui se laissent aller à je ne sais quel goût facile pour l’imagerie.
296.1912. Sur Valloton : ….il fait école. Et il faut s’attendre à ce que toutes les vieilles filles du monde entier se mettent l’appliquer cette formule dans toute sa sécheresse.
339.1912. Le futurisme est, à mon sens, une imitation italienne des deux écoles de peinture française qui se sont succédé dans les dernières années : les fauves et les cubistes.
340.1912. La discipline rigoureuse régit l’art des cubistes, l’arbitraire est la règle de l’art futuriste en dépit des explications et des manifestes
343.1912. Henri Matisse …vivement frappé de l’aspect géométrique de ces peintures où les artistes avaient voulu rendre avec une grande pureté la réalité essentielle, prononça ce mot burlesque de cubisme qui devait si vite faire son chemin dans le monde.
354.1913. Picasso et Braque introduisent dans leurs œuvres d’art des lettres d’enseignes et d’autres inscriptions, parce que, dans une ville moderne, l’inscription, l’enseigne, la publicité jouent un rôle artistique très important et parce qu’elles s’adaptent à cette fin.
356.1913. La peinture n’est pas un art reproducteur mais créateur.
356.1913. J’aime l’art des jeunes peintres parce que j’aime avant tout la lumière. Et comme tous les hommes aiment avant tout la lumière, ils ont inventé le feu. (Traduit de l’allemand.) (Der Sturm, février)
369.1913. Sur Picasso : La grande révolution des arts qu’il a accomplie presque seul, c’est que le monde est sa nouvelle représentation. Enorme flamme.
381.1913. Picabia me parait avoir progressé. Sa toile « Procession » manque de sujet véritable, tout est surfaces mortes, mais il progresse tout de même ; ses bleus torturent l’œil, ses carrés Iie-de-vin et une certaine courbe à gauche agissent avec force. Il faut regarder cet effort incomplet d’un peintre doué, comme on regarde une machine dont nous ne connaîtrions pas l’utilité, mais dont le mouvement, dont la force nous étonnent et nous inquiètent.
386.1913. David est le maître favori de quelques jeunes peintres de l’école la plus audacieuse, et pour ma part, je suis d’avis que la « Mort de Marat » est un chef-d’œuvre qui aurait pu être peint aujourd’hui, exposé au quai d’Orsay et être moqué par le plus grand nombre de mes confrères et des connaisseurs.
389.1913. Ingres ! Je n’en parlerai pas. L’Odalisque à l’esclave est un joyau.
389.1913. Isabey, que dire, sinon qu’il peignait ressemblant.
392.1913. Salles IV et V plafond de Roll, plafond aussi laid que presque tous ceux que l’on peint depuis vingt ans ! Peinture démocratique ? Non ! Mais plutôt peinture : parlementaire.
393.1913. « La Femme », de Matisse, « les Bateaux de pêche », d’ Albert Gleizes, cela suffit à honorer un salon.
407.1913. Dans le parc au noble dessin /Où s’égarent les cydalises/ Parmi les Dyades surprises /Et les marbres du clair bassin.
424.1913. Le Douanier n’aurait pas pu naître en Allemagne, où les mieux doués, pour se livrer aux arts, doivent avoir étudié. C’est le pays des professeurs et des docteurs, et I ’hommage rendu au Douanier s’adresse aussi à la France, seul pays où il pouvait naître.
427.1913. Nous avons quitté cette exposition avec la conviction que les peintres d’avant-garde allemands ou italiens sont comme ces Juifs convertis qui gardant toutes leurs qualités ou défauts deviennent du catholicisme le plus intolérant. «Tout ce qui ressortait au goût français et même au goût slave, comme Kandinsky, choquait Berlin, mais choquait par sa distinction. »
429.1914. Le Salon des Indépendants n’est pas inférieur à sa tâche bien que l’on distingue çà et là des signes de lassitude et qu’il se soit formé au sein de ce salon antiacadémique une sorte de pompiérisme anarchique qui n’est pas moins nuisible à l’art que le pompiérisme académique.
443.1914. J’entends parfois des gens se plaindre de la trop grande production artistique de notre époque. Je trouve, au contraire, qu’on y produit fort peu. Je ne crois pas qu’en écrémant la production annuelle des quatre grands salons il se trouve douze toiles dignes de rester et qui soient destinées à rester. Il se peint, à Paris, en dehors de ce qu’exposent les salons, une vingtaine de bons tableaux ; la province en fournit une demi-douzaine et l’étranger en donne encore trois ou quatre, ce qui ne fait pas cinquante tableaux important chaque année pour le monde entier et encore …
444.1914. Salle VI. Henri Martin est, sans aucun doute, le meilleur peintre de ce salon ; il exprime des idées générales ; il est rustique et peuple à souhait. Tout cela produit des œuvres un peu coco mais dignes d’attention. C’est le grand peintre de I ’enseignement primaire.
473.1914. On a réuni à la Galerie Brunner un certain nombre de tableaux de peintres vénitiens ou non, mais ayant peint Venise. C’est une exposition agréable à visiter malgré le snobisme qui entoure aujourd’hui cette humide cité, qui est le sexe même de l’Europe.
482.1914. Parmi les nouveaux officiers (de la légion d’honneur) signalons M.Bompard qui fait des Venise, métier qui semble avoir encore du bon.
497.1914. Montparnasse d’ores et déjà remplace Montmartre. Alpinisme pour alpinisme, c’est toujours la montagne, l’art sur les sommets. Les rapins ne sont pas à leur aise dans le Montmartre moderne, difficile à gravir, plein de faux artistes, d’industriels fantaisistes et de fumeurs d’opium à la flan.
530.1914. Intelligente et ouverte, la France continue, même pendant la guerre, cette mission civilisatrice que la Grèce et Rome lui ont transmise tout naturellement : comme à la nation la plus ingénieuse, la plus sensée et la plus mesurée…. C’est une clarté qui illumine le monde, mais sans l’aveugler, car cette lumière est si douce que l’on peut à son aise en scruter la profondeur.
539.1914. Exode de peintres. Les peintres de la jeune école qui ne sont pas ou ne sont plus mobilisés semblent préférer le Midi à Paris bombardé. Mais Picasso reste impassible dans son Montrouge. « Avant la guerre, nous avions les autobus, maintenant nous avons les obus. Qui sait si les premiers ne faisaient pas ici plus de victimes que les seconds ».
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