DANIEL ARASSE
L’expérience du regard au siècle des lumières
Editions Du Regard
12.« Il est temps de faire apparaître ce personnage décisif : le spectateur en sa jouissance. De même en effet qu’il n’est pas d’artiste isolé, il n’est pas de spectateur naïf, ni de regard vierge. Tableau, panneau ou fresque sont regardés selon des pratiques qui constituent aussi l’histoire de la peinture car, ces images étant peintes pour être regardées, les conventions du regard déterminent l’émergence que le peintre en intériorise la contrainte, ouvertement…
37. Le meilleur tableau, le plus harmonieux, n’est-il qu’un tissu de faussetés qui se couvrent les unes les autres ? » DIDEROT
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37.Ô Chardin ! ce n’est pas du blanc, du rouge, du noir que tu broies sur ta palette : c’est la substance même des objets, c’est l’air et la lumière que tu prends à la pointe de ton pinceau et que tu attaches sur la toile » DIDEROT
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37. Il a volé à la nature son secret ; tout ce qu’elle produit, il peut le répéter ( « Vernet ») . C’est en cela, précisément, que consiste la magie » des plus grands peintres : créer la vérité à l’aide du mensonge.
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38. Le mot Fameux de Chardin que transcrit Diderot en 1769 : « Ce Chardin avait bien raison de dire à un de ses confrères, peintre de routine : Est-ce qu’on peint avec des couleurs ? Avec quoi donc ? Avec quoi ? Avec le sentiment ! »
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41. Le premier rôle du critique est, donc, de déchiffrer ce langage en en analysant les éléments « hiéroglyphiques ». Sa tâche ne s’arrête pas là : de déchiffrement, la critique doit devenir « dévoilement ».
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49. Le circuit commercial qui organise la distribution des produits artistiques. A cause de celui-ci, l’artiste devient un salarié, il est dépossédé de son œuvre au profit du commanditaire. Et, en opposant l’agriculture à la finance’, Diderot suggère que cette transformation de l’œuvre d’Art en produit artistique n’est pas accidentelle : elle est liée aux fondements économiques de la société française de son temps.
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49. En passant du déchiffrement de l’œuvre au dévoilement de l’activité artistique, la critique d’art devient créatrice, car elle seule peut dévoiler les concepts qui orientent et expliquent la création artistique.
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50. Diderot esquisse la même définition que celle proposée par Lessing dans son Laocoon (1766) : la peinture exprime l’instantanéité, la littérature par la successivité.
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53. «La discipline militaire naît, quand il n’y a plus de généraux. La méthode, quand il n’y a plus de génie »
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57. Les « contradictions » de Diderot, qu’on lui reproche parfois et qu’il indique lui-même, sont en fait le reflet de la complexité d’un goût qui hésite, le goût de son époque. Diderot « l’inclassable » ne peut être enrôlé sous la bannière d’aucune école du XVIIIème siècle, ni « rococo », ni moralisant » ; Ni « classique », ni « sublime » seulement, mais tout à la fois. Par là même, il est le creuset ou viennent se fondre tous les courants artistiques de son temps.
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65. Diderot trouve une forme d’écriture qui lui permet d’exprimer littérairement ce qui lui semble l’essence même de la peinture de paysage : c’est une vue romanesque dont on suppose la réalité quelque part.
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68. Le beau n’appartient pas à l’objet lui-même, mais constitue une catégorie subjective « dans l’âme » du spectateur.
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70. Etablissant que l’art n’est pas une copie du réel objectif mais qu’il est une réalité imaginaire, « une vue romanesque dont on suppose la réalité », établissant que l’imagination du poète, l’esprit de la création artistique sont essentiellement de l’esprit philosophique, du jugement du critique, Diderot ne peut pas, en toute logique, recourir à un emploi critique du langage qui ne revient « à l’état de l’enfance » que par le soupçon et le doute.
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71. L’idée même d’un tel succès n’est possible que par l’intermédiaire d’une double convention. Par l’artifice conventionnel de son propre paysage réel que l’artifice conventionnel de la peinture est censé susciter au XVIIIème siècle. En substituant à l’œuvre de Vernet un paysage supposé réel, Diderot supprime cette œuvre en tant que telle. Pour susciter la présence de l’œuvre, il annule celle-ci, le paradoxe n’est qu’apparent, car ce processus a sa place dans un système précis de perception artistique, il en est même l’indice irréfutable : la toile doit s’abolir dans sa matérialité picturale au profit de l’illusion qu’elle a pour fonction de susciter.
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81…Diderot, pour lequel la toile doit être transparente, s’abolir dans sa matérialité au profit de la « vue romanesque dont on suppose la réalité quelque part »
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84. « Quand vous aurez reçu votre tableau, je vous supplie, si vous le trouvez bon, de l’orner d’un peu de corniche. Car il en a besoin, afin que, en le considérant en toutes ses parties, les rayons de l’œil soient retenus et non point épars au-dehors en recevant les espèces des autres objets voisins qui venant pêle-mêle avec les choses dépeintes confondent le jour ».
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95. L’Encyclopédie résume cette conception en déclarant, à l’article « Intéressant», que l’artiste doit être « philosophe et honnête homme» et que l’intérêt d’une œuvre d’art réside dans son contenu moral et social.
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95. Diderot veut que l’on peigne « comme on parlait à Sparte » et ·Winckelmann, historien-théoricien du retour à l’antique, affirme que seule la Liberté peut élever l’art à sa perfection, comme le démontre suffisamment, selon lui, la beauté incomparable de l’art grec classique.
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97. Selon Schiller, le « contour pur » donne une « image plus fidèle » de l’objet. Pour Reynolds, elle donne à voir « la forme exacte que devrait avoir chaque partie de la nature, pour William Blake, la simplicité linéaire n’est pas seulement le « plus noble ornement de la Vérité », elle en est un attribut essentiel.
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99. Après que Winckelmann a invité les peintres à « tremper leur pinceau dans l’intellect », les artistes éclairés pensent. Si Greuze déclare hautement tremper son pinceau « dans son cœur », Diderot complète « chez cet artiste accompli, sensibilité et raison vont de pair ».
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102. Mane-Joseph Chénier adoptera ces formules au goût du jour : « C’est le bon sens, la raison qui fait tout. Et le génie est la raison sublime. »
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102. Winckelmann conseillait déjà : « Esquissez avec feu, exécutez avec flegme »
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104. Ce sublime s’associe très naturellement au sentiment, aux exaltations de la sensibilité : une des marques les plus sûres de l’effet sublime est le « torrent de larmes ». La Raison abdique alors….
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106. La rhétorique révolutionnaire de Saint-lust, typiquement sublime, Lumières de la raison et ténèbres sublimes sont désormais corollaires, dans la ligne de Milton (cité par Burke), chez qui « l’excès de splendeur obscurcie » rejoignait « l’obscurité d’une excessive lumière »
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107. Fondée ainsi en nature et en raison, l’architecture des Lumières opère le même rejet du rococo que la peinture et la sculpture…. Quatremère de Quincy en 1798, il faut bannir de l’architecture la « bizarrerie » qui « enfante un système destructeur de l’Ordre et des formes dictées par la Nature ». Le goût pour la bizarrerie en architecture est dû à cette « lassitude de l’art perfide ».
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114. « Le Marat assassiné propose ainsi la première, « pietà philosophique » de l’histoire, une Pietà sans autre immortalité que celle que confère la mémoire des hommes.
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115. La Révolution est vécue comme l’aurore de la Raison advenant dans l’Histoire, cet avènement est l’histoire d’une double et obscure violence. Descendant dans l’opacité du réel, la Lumière en marche produit le terrible retour de l’Ombre.
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116. Les activités de Gavin Hamilton et de Thomas Jenkins indiquent aussi que le néoclassicisme est le premier mouvement artistique de l’histoire à être systématiquement promu comme un investissement financier rentable.
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116. La fortune d’Angelica Kauffmann montre certainement sa capacité, dans le portrait ou la peinture d’histoire, à satisfaire la demande d’une élite aristocratique. Mais elle est aussi indissociable d’une pratique artistique nouvelle, typique de la forme que prend l’art des Lumières en Angleterre : la reproductibilité mécanique des œuvres et la liaison entre production artistique et révolution industrielle.
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157.Saint-Just « l’exercice de la Terreur a blasé le crime, comme les liqueurs fortes blasent le palais ».
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