Passé présent.
Sarah moon au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris.
C’est une exposition à ne pas rater ! Très belle, des œuvres très bien choisies qui couvrent une large partie de l’œuvre de la Photographe. Peu importe les dates dans l’accrochage, les œuvres sont là et parlent entre elles comme c’est le cas lorsqu’une collection est intelligemment accrochée.
Et qu’est-ce qu’elles se racontent? Elles parlent de l’art, car aucun artiste ne peut s’inventer créateur sans avoir rencontré directement ou par l’intermédiaire des musées et des livres les créateurs d’aujourd’hui et ceux du passé. Il n’est pas si loin le temps où les jeunes peintres allaient copier les anciens, pour comprendre de quoi le génie est fait, s’il est possible de saisir le génie et d’en faire des leçons. Aussi parfois, quand on reconnait dans une œuvre de Sarah Moon, des traces de Degas, d’autres de van-Dongen, ce n’est que chose naturelle et elle sait transformer, magnifier leur enseignement et les formes et couleurs qu’ils ont découverts.
Dialogues avec les modernes, je pense aux chiens qui courent sur la neige et aussitôt me revient une photo sublime de Koudelka. On peut aussi trouver des compagnonnages et des références. On peut trouver dans l’œuvre de Sarah Moon des rencontres qui n’ont jamais eu lieu mais qui nous disent que dans le même moment une même obsession appelle l’artiste à lever le voile et à donner à voir une tragédie . La photo où une trace de petite fille se détache sur la neige fondue est parente de celle par laquelle Stanley greene laisse à penser qu’on a abattu une fille et qu’on a traîné son cadavre.
Certaines photos ont leur parenté avec Bogren ou Witkins, montages durs qui racontent des histoires terribles, monstres qu’on montre et, qui, dans l’ombre, suscitent des terreurs indicibles.
Et bien sûr, il faut voir ces photos dites de mode qui font de la femme le sujet et le prétexte d’une œuvre. Photos intemporelles au nom d’une création parfaitement temporelle, la mode. Couleurs qui se déploient sans mesure où qui s’effacent. Ne demeurent plus que l’ombre colorée d’un manteau ou d’une robe. Aux femmes magnifiées par des couleurs bleues pastel répondent des fleurs qui ne vibrent que de couleurs sombres comme si, elles aussi, allaient s’évanouir un peu plus loin, dans les coulisses, pour changer de parure.
Mais les fleurs ne sont qu’une des apparitions de la nature, d’autres surgissent des noirs et des gris, et griffent, et se déguisent. Des plans magnifiques accompagnent des grèves. Des mouettes trop vives se déforment dans l’espace et prennent les formes et les couleurs de la vitesse. Des arbres buissonnent en fines résilles ou s'imposent.
Sarah Moon fait surgir au regard des mondes qui n’existaient pas, des femmes improbables et des paysages trop lointains pour être vrais grâce à un art splendide, puissant, et profond.
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