1 Pourquoi, il faut aller à Beaubourg voir l’exposition « Panorama ».
Là, je suis bien embêté.
C’est à un monument que je vais m’en prendre: à deux, en fait. Le TGM (le très grand musée) et le TG2A (Gerhard Richter).
Un artiste exposé à Beaubourg, chez Pompidou. C’est la consécration non ? C’est le signe par excellence de la reconnaissance du monde entier. On n’est pas exposé dans ce musée, emblème des emblèmes muséaux, comme ça, par hasard, parce que ça titillait le patron de la boutique.
Et je viendrais, tout seul? Avec un mon air ironique numéro 1? Celui que personne ne peut éviter, un zeste de sardonique injecté dans les yeux? La commissure des lèvres relevée du côté droit et effondrée sur la gauche, le port altier et distant, le regard acéré?une moue qui mue en dégoût pour s’achever en fou rire ?
Il faut avancer et distinguer. Il y a le musée (1) . Il y a l’artiste (2). On essaiera, un peu plus tard, de parler d’art. (3)
Donc, (1) il faut aller à Beaubourg voir l’exposition « Panorama ».
Je viendrais dire de l’exposition que le TGM (très grand musée) nous offre à voir (offrir est un mot inadéquat, on paye pour entrer), sur le TG2A (très grand artiste allemand) Gerhard Richter qu’elle est… nulle? Si je le faisais, j’aurais tort. Nulle n’est pas pour l’exposition. La Direction du Musée a joué son rôle. Montrer. Tout montrer pour ne pas rater ce qu’on aurait dû montrer. C’est assez d’avoir loupé les impressionnistes. Il ne sera pas dit de notre siècle qu’il aura loupé l’art qui se fait. A fortiori l’art qui se fait cher. Pas les à-côtés de l’art. L’art coté. Tout montrer y compris l’art reconnu, même ce qui vaut de l’or d’ores et déjà et s’échange officiellement à la corbeille de la TGB (3A)(2M) (la très grande bourse mondiale de l’art antique, ancien, moderne, mondial).
Le TGM a eu triplement raison d’exposer Gehrard Richter
Première raison : vu la cotation de son œuvre (AAAAAA chez Moody’s, 6 A, mieux que les andouillettes), vu que Jeff Koons avait été préempté par Versailles, il était incontournable de le montrer. C’était non seulement une question de prestige mais aussi une question de sponsor. S’éloigner des cornes d’abondance en dédaignant l’artiste qui a réussi aurait été insensé et irresponsable ; par ailleurs, Le TGM est à deux battements d’ailes de moineau de la Banque de France. Il y a une sorte de compétition entre les deux sur la fabrication du papier monnaie. Exposer l’Allemand, c’était prendre un sérieux avantage et faire montre de sérieux dans les affaires. Picasso lui-même battait monnaie en signant des petits dessins.
Deuxième raison : GR est un allemand. Les Français commencent à comprendre ce qu’Allemagne veut dire, ces derniers temps. Or, les Français ne connaissent pas bien l’art allemand (la dernière exposition de Bazelitz était vide des foules empamoisonnées qui encombrent les lieux où s’exposent les génies). Il faut qu’ils s’y mettent. Il faut qu’ils apprennent l’art allemand et, en particulier, l’art émis par les Allemands de l’Est, les Ossis. Angela Merkel est une Ossi ; le Président de la République Allemande est un Ossi. Les Ossis sont incontournables. Les Ossis sont à eux tous l’épée de Damoclès au-dessus de la tête de l’Euro.
Troisième raison : Les idées que l’art véhicule. Les idées qui font que l’art est art et que, sans elles, il n’y aurait pas d’art (l’exposition de GR est un vrai recueil de pensées philosophiques). Il y a là des points clefs et critiques que les commentateurs négligent tous (outre le fait que Richter n’est pas un Allemand comme tout le monde, mais un Ossi)… Négligence culturelle, au sens que ce mot a de fort en allemand (Kultur) à ce point qu’il est toujours associé à un combat (Kultur Kampf) et/ou à une arme (revolver). L’artiste que montre le TG2A est très proche de Benoit XVI. Tous les deux ont été élevés dans cette ambiance forte et tonique des Allemands en culottes de peaux. Tous les deux ont grandi dans des familles qui, pendant la guerre, avaient de solides valeurs allemandes. Tous les deux ont passé de longues vacances avec des tas de jeunes allemands dévoués à leur chef charismatique. Tous deux ont vibré à des levers de drapeaux dans les matins brumeux de Mazurie (où Dieu est né, comme chacun sait).
Exposé des faits, des idées et du contexte,
Ayant dit que le TGM avait eu raison d’exposer Gehrard Richter. Ayant « replacé l’artiste dans son contexte ». Ayant dit la position éthique qu’il a prise, la critique de l’exposition peut commencer : il s’agit donc de l’art de Gerhard Richter. (GR) exposé au Grand Palais sous le nom de « Panorama ».
Quelques critiques ont pris la peine, la plume et des précieux espaces typographiques pour gloser sur « Panorama ». Il est même un rigolo qui a voulu rappeler qu’à Paris, il y a un Passage des Panoramas. Un autre s’est lancé dans la description complète de cette passion française du papier peint nommé « panorama ». Soit ces critiques étaient peu impressionnés par GR, le génie et son message, soit, gênés aux entournures via à vis du TGM, qui les invite à des cocktails, à des avant-premières, ils ne voulaient pas le fâcher….
Pour ce qui me concerne, ma plume est libre. Donc, il n’y aura rien sur « Panorama ». Pardon! Ce n’est pas tout à fait vrai. Un instant encore! S’il fallait une dernière raison pour se rendre à cette exposition, comme à toutes celles qui se tiennent au dernier étage du TGM, il faut penser au panorama. La vue est superbe. Elle peut être consolatoire.
Richter. « Le Juge » en Allemand. Dans la même veine « Richtig » : exact, juste. Mais aussi, il y a l’échelle de Richter. Celle qui dit qu’un tremblement de terre vaut la peine qu’on s’y intéresse ou non. Justement, GR, est la parfaite incarnation du mot et du sens dérivé. Il a voulu que son œuvre soit le « juste » rapport au monde, à la réalité et, en même temps, a usé de techniques destinées à frapper le vaste monde de l’art, des artistes, des investisseurs et des regardeurs, à le secouer et à lui faire comprendre que l’art aussi est animé par la tectonique des plaques.
Pourtant, quand on connaît le poids du passé familial, sa formation de tout jeune homme et le point d’orgue de son éducation dans le système allemand de l’Est, on ne doit pas croire Richter quand il proclame qu’il peint pour peindre. Qu’on ne dise pas que le sujet est second, qu’il n’est question dans le questionnement de son art que de la matière qui fait le monde, de la forme qui surgit, de la couleur qui se répand. Il fait le modeste. Il ne serait que le tabellion des techniques artistiques. Emporté au vent délicieux d’une création qui le saisirait comme son domestique.
A suivre; deuxième volet sur Panorama, Gehrard Richter.
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