Chronique sur une belle exposition de la Galerie Jérôme de Noirmont
Janvier 2013
Que peindre ? Où peindre ? Comment ? Plusieurs réponses à des questions de ce genre. Entre l’hyper-réalisme quand il s’agit de ne pas perdre ni une goutte, ni un grain de réel défini comme ce qui est circonscrit pas la surface des choses, jusqu’à l’hyper-abstractionnisme, qui s’efforce d’aller chercher la vraie réalité, celle des particules, des forces dans la nature et de l’énergie des trous noirs. Et puis, tous les autres, qui, les uns, retrouvent la figure humaine même si elle est totalement déformée et grimaçante et les autres qui veulent faire émerger au visible et au sensible ce qui se trouve sous la peau, la souffrance et l’horreur ou ceux, enfin, qui veulent donner à voir le poids de la matière et l’infinité de ses composants…
Peindre la figure humaine ? Peindre une aventure, une histoire humaine ? Revenir au tableau et prendre prend son temps, celui d’inscrire une histoire ou de la retranscrire, de nous aider dans l’exercice du souvenir ou de nous conduire par la main vers ces moments que nous n’avons pas eu la chance de connaître, ceux pendant lesquels des hommes et des femmes racontaient des histoires d’hommes et de femmes. Des histoires éternelles en forme de moments fugaces.
McDermott and McGough ont entrepris de se colleter avec une réalité. Une sur-réalité ? Celle du cinéma. Le cinéma n’est pas la réalité ? L’art n’est pas la réalité ? En vérité, les deux artistes répondent très simplement à ces questions qui donnent l’impression de n’avoir de sens que philosophique, stratosphérique, sidéral ! Pas seulement le cinéma, la réalité à laquelle ils s’attachent est aussi celle des comics books. N’ont-ils pas constitué la réalité de milliers de spectateurs et de millions de lecteurs? Représenter ne tue pas la réalité, ni le vrai, le tangible ou le dicible. Représenter fait revenir l’instant et fait aussi prendre conscience de l’irruption d’un autre réel.
Leur matière ? D’abord celle que constitue le cinéma et la bande dessinée glamour des années cinquante. Cinéma, essentiellement, fondamentalement américain. Couleurs pastels ou fanées rendues par une chimie encore pas très bien maîtrisée. Femmes sculptures chez qui rien ne dépasse. Tout est poli. Dans tous les sens du terme. Politesse, polissage, policé. Fermons les yeux et revoyons ces coiffures impeccables au point que rien ne pourra les désarranger. Casques d’or mais aussi rouges, noirs, bruns. Verni des ongles qui rendent compte, tout au bout du bout du corps, du « fini » de la créature humaine. Tout est lisse, net. Pour être plus impénétrable ?
McDermott and McGough, font revenir à nous ces femmes immuables et parfaites. Eternel féminin ou femmes posées pour l’éternité dans un univers sans ombre. Femmes lisses des films, qui savent cependant s’effondrer sur un lit et se cacher pour pleurer. Femmes qui cherchent une épaule virile et puissante pour laisser passer quelques infractions au net, au propre, à l’impeccable, pour que viennent à la surface, bulles qui viennent rider l’eau miroir d’un lac de montagne, les désirs superficiels et les larmes symboliques. Femmes de bandes dessinées glamour qui continuaient ou annonçaient la saga des précédentes, figeant l’instant des émotions sur le papier et les empêchant de s’échapper, les gardant si intactes, si immédiates, si constamment présentes dans le cadre précis des vignettes, (les fameux phylactères) promettant ainsi aux lectrices, aux lecteurs que les émotions et les larmes fugaces du cinéma ne cesseront de s’épancher et ne s’évanouiront et ne sècheront qu’au bon moment, celui où on tourne la page et qu’elles reviendront à un autre bon moment, quand on décide d’y retourner sur la page précédente, et y revenir encore, et encore, pour retrouver sans cesse, les mêmes larmes qui perlent au coin de la même paupière et celles qui coulent toujours sagement, sans désordre apporté au rimmel, bleue sur rose, le long de la joue, les unes après les autres.
Les œuvres qu’a présentées la Galerie de Noirmont, donne à voir ce travail, de recréation, de mémoire et de retour vers les bandes dessinées du cœur et le grand cinéma hollywoodien. Que peindre ? Arrêts sur images et images fixes. Des sujets pris sur le vif répondent McDermott and McGough ! Images qu’ils ont saisies et arrachées au déroulement d’une pellicule, comme un portrait interrompt, pour le figer dans l’instant, le cours de la vie du modèle. Leurs sujets sont ces photos, images arrêtées d’un film, couleurs retrouvées où le pastel domine, clair-obscurs si nets où l’ombre n’est pas fille de la lumière mais un acteur à part entière dont le rôle est de cacher un visage, d’ensevelir un corps et le dissimuler, même s’il demeure illuminé de draps et de linges immaculés. (Our cant’s were born to happen). Que peindre ? Des sujets pris sur le vif. La technique des artistes est précise et lisse comme leurs modèles.
Comme le cinéma a su magnifier les visages et les corps, leur donnant des dimensions extraordinaires pour leur conférer davantage de vérité encore, les deux artistes reprennent les vignettes des cartoons en les agrandissant dix, vingt fois. Ils ne cherchent pas à faire émerger une autre histoire ! En réduisant l’échelle des images cinématographiques et augmentant celles des bandes dessinées, ils font se rencontrer la même histoire, celle qui a vécu dans l’imaginaire des spectateurs du cinéma d’autrefois et dans les émotions immobiles que ressentaient les lecteurs de bandes dessinées relisant et y revenant sans cesse. ( (It was through tears always) )
Les deux artistes ont réussi à confronter, dans un même espace, sur une même toile deux modes d’expression réunis en une même émotion. Par le choix de leur mise en page, grand carré ou rectangle de couleur à plat, pure (Almost at time, the fool) ils ont créé un univers d’accès immédiat. Leur prédilection pour les couleurs vives, primaires, pour le dessin franc, sans finesse de perspectives, pour la « ligne claire » comme on dit dans l’univers de la bande dessinées, leur donne cette force direct et simple tant dans la mise en valeur des cartoons que celle des images de films.
Il ne faut pourtant pas s’y méprendre. Cette peinture n’est simple et lumineuse que si on choisit de s’attarder à la surface des œuvres. Cette ambiguïté est bien « concrétisée » dans les sculptures que proposent les deux artistes, cartons de comics books empilés, mais en vérité, sculptures en bois, peintes, reproduisant à s’y méprendre, des boîtes en cartons remplis de comics books. Puis, porté au-delà des sourires de Marilyn, des soupirs des grandes actrices d’autrefois, des images arrachées à la publicité (A mind intoxicated with love) des corps abandonnés dessinés avec l’efficacité du cartoonist, le regard interrogera l’œuvre et en viendra à la lire vraiment, cherchant un sens, un pourquoi ?
L’histoire alors se reconstruira dans les yeux et la tête des regardeurs. Rêves anciens et souvenirs confus, sédimentés, depuis des décennies reprendront leurs courses. Les titres des œuvres traceront les voies afin que le regard ne s’égare pas.
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