Eloge du vertige, photographies de la Collection Itaù, Brésil.
Jusqu’au 25 mars
Les banquiers ne sont pas que des traîtres à la cause du bonheur général, ou bien, quand ils s’en rendent compte, essaient-ils de se racheter. La collection de photographies Brésiliennes a été constituée par la Banque Itaù, qui, nous dit la présentation de l’exposition, est une des plus importantes institutions financières mondiales. Qu’il lui soit donc beaucoup pardonné à raison, au moins, de ce que la MEP présente : une partie d’un fonds photographique, moderne et contemporain, uniquement issus du travail d'auteurs et d'artistes brésiliens.
Il n’est pas question de présenter ici l’ensemble des artistes. Quelques uns pourtant m’ont frappé. C'est avec eux qu'il faut s’attarder.
En général, cette exposition a deux mérites et, de ce fait, s’expose à une critique : Le premier des mérites est de n’avoir pas saupoudré. Voilà un fond photographique qui comporte des milliers de photos. Le pire aurait été d’avoir une photo de chacun (si cela était même concevable) et d'amonceler les oeuvres du plancher jusqu'au plafond. Le parti pris de focaliser sur quelques artistes était le meilleur. Tant mieux, c’est ce que l’exposition à mis en place.
Le deuxième mérite est de montrer à la fois ce qui vient du Brésil, et qui est récent, et ce qui est dû à l’inspiration étrangère, en général, les photos les plus anciennes. De fait, nombre des photos qui sont présentées sont à l’intersection des grands mouvements de la photo européenne. Abstractions, surréalisme, double exposition, collages etc.… Ceci conduit à une critique: la genèse d’un mouvement artistique est intéressante pourvu qu’elle n’occupe pas trop de place. Dans cette exposition, ceux qu'on pourrait nommer les "passeurs" occupent beaucoup de place sur les cimaises.
Ne retenant que les contemporains, voici quelques auteurs, connus et moins connus, artistes de premier ordre :
- Claudia Andujar, trois photos, superbes superpositions de négatifs dans la série Rêve. L’évocation du chamanisme en corps qui se dissolvent dans une nature dévoreuse ou qui en renaissent; Bleus de la nuit, transparences et flous qui évoquent les rêves. Les brindilles enflammées d’une grande flambée s'envolent pour aller compléter quelques collections d’étoiles; corps habités qui jouent de l’obscurité nocturne et en dansent, appelant les esprits à venir du haut de leurs montagnes; corps nocturnes, corps-rochers qu’une lune-soleil révèle, extrait de la pierre ou broie dans la terre.
- Mario Cravo Neto, les esprits rendus à notre vue, sont rendus par des signes et des traits à l'efficacité éprouvée: mettre ce qui est au-delà à la portée de ceux qui regardent . Le Dieu de la tête répond à la figure Vaudou, en noir et gris, et sombre, même en plein jour.
- Eustaquio Neves, palimpsestes et murs sur lesquels on a tant écrit, femmes et murs.
Mais tout ceci paraît bien sombre. Le Brésil est pourtant un continent de la couleur, de la lumière, des palettes excessives, venant droit des excès de la peinture criarde et dorée qui plaisait aux rois très-catholiques et à leurs sujets indiens.
- Alors, il faut regarder les couleurs, si vives, si vivantes, si drôles de Tony Camargo. Jaillissement de couleurs sur un réel insensé. L'encadrement des photos vient leur rappeler de flasher fort et leur donne le « la », la couleur témoin, le nuancier sur lesquels ils doivent se caler. Bonbons, sucreries, ballons translucides et couleurs acides, envie de rire, jouets, jeux autorisés.
- Enfin, peut-être pour se reposer, tant a été vu et si passionnant, Rafael Assef, mathématicien sûrement, qui offre une blancheur déchirée de rouge, image simple, pure et élégante.
Très bonne pioche que cet accrochage de la MEP.
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