Fondation Henri Cartier Bresson, jusqu’au 23 avril 2017
Le titre de l’exposition est celui du livre qui a paru en 1952 co-édité en France et aux Etats-Unis avec une couverture dessinée par Matisse. La traduction du titre pour l’édition américaine, « the decisive moment », va revenir en France comme le « moment décisif ». La plaquette de présentation de l’exposition rappelle que cette expression aurait sa source dans une citation du Cardinal de Retz « il n’y a rien en ce monde qui n’ait un instant décisif » reprise dans l’introduction du livre.
On dit que cette simple phrase a bouleversé des vies de photographes. On dit que certains n’ont cessé de rechercher « le moment décisif » et comment le reproduire, quelles ascèses y conduisait, quelles techniques le sous-tendait. On dit aussi qu’Henri Cartier Bresson n’avait pas vraiment voulu que cette expression ait cette portée « impérieuse » et « dogmatique ». Je ne sais pas ce qu’il en est et cela n’a pas grande importance. Probablement, tout artiste, tout créateur, attend-il un signe du ciel… un instant décisif, celui qui fait que d’un seul coup, en une nano-seconde, le monde bascule, la réalité se transfigure et saint Paul tombe de cheval. Mais aussi, certainement, de très nombreux artistes s’attachent à « bosser », à faire émerger ce moment de leurs têtes et de leurs mains pour le faire s’étirer, pour le garder vivant le plus longtemps possible.
Le titre à la française « à la sauvette » n’en dit-il pas long sur ce que l’art d’HCB doit vraiment à la mystique ou au doigt divin ? « A la sauvette », veut bien dire ce qu’il veut dire. Légèreté de l’artiste, de la photo, le « pour photographier heureux, photographions caché », le « ne vous dérangez pas, je ne fais que passer » … allez, on a presque envie de lâcher : « à la bonne franquette » !
Dans le cas d’HCB, on a pourtant envie de penser qu’il y a eu un coup de baguette magique, une langue de feu qui se serait posée sur son front ou une rencontre avec les dieux et une mission reçue de leur part ! Ce serait plus simple. On n’aurait plus qu’à s’assoir en face de ses œuvres comme le vieux croyant en face de ses icônes !!!
Il est vrai que l’exposition est magnifique. Il serait merveilleux d’y pouvoir lire le fameux instant décisif. Il est pourtant déjà très merveilleux de voir les photos d’HCB le plus souvent emblématiques. On y voit surtout que le génie de cet homme réside non pas dans un « moment » mais dans une extraordinaire capacité à raconter le monde en associant une triple vision.
- Chaque image est impeccablement mise en scène. On nommera ceci, cadrage, on renverra cette capacité de poser les éléments de la photo à l’enseignement reçu quand HCB voulait être peintre. Certaines photos renvoient à une vision théâtrale et surréaliste de la réalité. On y voit parfois des accents de Chirico. Je pense à cette image italienne d’une ruelle de village écrasée de lumière, une silhouette de petite fille tout au bout, ombre noire de danseuse, qui s’enfuit. Photos de village en triple perspectives, enroulements d’escaliers traçant d’improbables figures géométriques, fuites des ruelles, la réalité est multiple, l’horizon n’est pas une ligne imaginaire, il y a des gens qui vivent dans ces géométries.
- Elles ont une portée émotionnelle incroyablement forte. La photo mentionnée plus haut interroge le regardeur, en appelle au rêve… d’où aussi ces intrusions dans l’univers du cinéma surréaliste de Buñuel, d’où ces inspirations à la Dali. Emotion ne signifie pas seulement tristesse et abandons, cadavres et fusillades, on trouve aussi ce célèbre rire d’enfant de Paris, les sauts de danseuses par-dessus les flaques d’eau
- Enfin, elles ne sont jamais hors de propos, écartant l’esthétisme ou la pure recherche formelle que son talent lui permettait sans l’ombre d’un effort. Plutôt que de mise en scène c’est surtout de mise en regard qu’il faudrait parler. Il y a autant de vérité dans ce gros homme qui passe au milieu des jeux d’enfants que dans la scène d’épuration à la française où la haine et la honte se rejoignent et éclaboussent le regardeur. Autant de réalité dans les magnifiques photos de Gandhi que dans celles des « cong’pay » français tartinant et picolant au bord de la Marne. Photos construites pour durer dans l’œil du regardeur, ni trop, ni trop peu, ce qu’il faut pour bien montrer et graver dans les mémoires.
On aimerait passer chaque photo en revue, la commenter, dire tout ce qu’elle doit comme le disait le photographe, au cœur, à la tête et à l’œil, on aimerait pouvoir montrer combien de clichés précèdent et suivent celui qui va être choisi pour être soumis au regard des autres, celui qui va devenir le moment décisif.
On aimerait mais cela demanderait des espaces d’exposition considérables ! Alors, par paresse ou par manque d’espace, on va à l’essentiel, à la photo emblématique, on plonge dans son univers et on en revient sidéré.
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