Erwin Olaf, l'apparence de la réalité

Une étrange exposition à la galerie Rabouan Moussion, 121 rue Vieille du Temple. 75003. Paris.


 

 

Mais tout ce qui a trait à Erwin Olaf est étrange.


Erwin Olaf est étrange lui-même. Né hollandais en 1959. Resté hollandais jusqu’au bout de l’objectif. Représentant du goût hollandais pour la vérité, la précision et l’affirmation du rôle esthétique du détail. Et là, j’épargne à ceux qui me lisent une méditation sur le rôle éthique du détail dans l’œuvre d’Erwin Olaf… encore que… Il y a bien de ça dans l’œuvre d’Erwin Olaf.

Chez lui, le détail parle au nom de l’essentiel et se soumet à cette seule mission. Le détail n’est qu’une fonction de l’ensemble. S’il ne le soutient pas, il est inutile, il n’est donc pas montré. On est loin des photos ou d’une peinture américaine qui utilise le détail pour contredire un thème, le vider de sa substance et laisser là, la bouillie, sans autre forme de procès.


Ma première rencontre avec ce photographe : les clowns. Pas drôles du tout les clowns d’Erwin. En ce sens, je le suis bien. Je n’ai jamais aimé les clowns. Enfant, ils m’ont toujours fait peur. Plus vieux, ils me mettent mal à l’aise. Erwin Olaf ne doit pas les aimer non plus. La façon de les traiter en dit long sur son rapport avec ce type d’artiste. L’horreur bat son plein. Les clowns dégoulinent de toutes les pâtes dont ils se tartinent le visage, des rimmels sombres et des rouges de rouge à lèvre, des blancs crayeux veinés du noir de la teinture pour cheveux. S’il n’y avait que la peau des visages, mais il y a aussi les bouches, ouvertes sur des dents abîmées,  filets de morve mélangés à la salive, sur fonds de rictus où la violence anthropophage est toute proche, où le désir de terroriser avant de faire mal est un trait commun, biologique.


Erwin Olaf pour dire le vrai n’est pas un passionné de violence pure. Il l'est bien davantage par la représentation pure. Ce qui est visible doit se voir et être montré pour que tout soi vu. On dira que c’est un projet superficiel par nature. La présentation photographique d’Erwin Olaf est toute entière consacrée à la mise en valeur de la surface des choses. L’apparence est reine, même lorsque cette apparence abolit toute personnalité. Les personnes en latex noir sont clairement un enfant, sa mère, son père. Personnalités abolies, ou revenues à l’essentiel. Ce ne sont pas des ombres, une ombre ne peut vouloir faire une bonne surprise, ce ne sont pas des êtres venus de l’enfer. C’est une maman qui raconte une histoire à son enfant avant qu’il s’endorme.


On entendra clamer que cette revendication de la surface des choses et des êtres pour dire tout ce qu’ils sont est une entreprise réductrice :"Sous les pavés la plage. L’habit ne fait pas le moine. Perception vaut parfois illusion et perte de la réalité".  On entendra que l’accumulation des détails, des poses et des mises en scène ne parle de rien d’autre que de l’artiste et ne disent rien des choses qu’il voit. Les critiques énoncerons que la surface des choses, comme la surface de la mer, cache des profondeurs et parfois des abîmes et, qu’à s’y arrêter, on perd une dimension tout entière.


Fascinante représentation où, c’est exact, la surface des choses est convoquée, seule. Faute d’émotion dicible ? La surface, au surplus, est lisse, comme d’une photo impeccable d’où toutes les aspérités du monde sont bannies. Faut-il penser qu’elles sont éliminées pixel après pixel ou, plus sûrement, que chaque photographie est pensée, conçue, mise en scène si intensément que toute impureté, tout détail involontaire, toute irruption d’un grain chaotique ou d’une poussière aléatoire ne sont pas même concevables ?

 

La représentation chez Erwin Olaf n’est pas une présentation à nouveau. La photo présente deux fois, d'abord son sujet et le sujet ensuite comme s’il n’était pas vraiment concerné se présente au regardeur. A ce dernier d’avoir l’audace de tenter une plongée sous la surface. Comme si celle-ci ne pouvait pas suffire. Mais qu’aller voir sous les combinaisons en latex de la série «Séparation» ? Des chairs dont on peut aisément imaginer qu’elles sont blanches. Des yeux et des regards qui ne regarderont peut-être rien? "Séparation" dit bien que les apparences ne sont pas sauves, quand même on les lisserait de noir, quand même les visages seraient masques plus que jamais. Les apparences ne peuvent pas avoir d’émotion, pas plus en noir latex qu’en marbre blanc. Les larmes que fait venir le sculpteur sont aussi froides que le sommeil de l’enfant en latex noir.


A nouveau,  déployé en médaillons, écussons, et vanités, le dit de la représentation. Donc, Erwin Olaf est Hollandais. Or, la peinture hollandaise et la gravure aussi, celles des grands hollandais de l’âge d’or est un art pour enseigner et un art pour poser.  Les médaillons en noir et blanc, construits comme les emblèmes des professions, comme la pose d’un financier, d’un chanteur ou d’un architecte, en détaillent les rôles et les rangs sociaux. Artiste peintre aux lunettes à facette, comme ceux d’une mouche, le pinceau levé, la palette prête pour les couleurs à poser ou le venin d’un serpent à disposer. Musicien à la harpe dangereuse dont les cordes sont de fils de fer barbelés et le collier qui enserre son cou dessiné de clous et de pointes. Tous ces personnages nous dit-on sont frappés de cécité. Je les vois plutôt dotés d’un regard très affuté. On disait des plus grands devins qu’ils étaient aveugles. Les personnages en médaillon d’Erwin Olaff voient-ils au-delà, des apparences, ce qui serait une belle pirouette. Rien n’obstruerait leur regard. Ils seraient équipés de filtres optiques, d’instruments à dé-voir, ou à mieux voir. Qu’ont-ils à voir ces personnages de médaillon, si ce n’est les « regardeurs ». Peut-être leurs yeux vont-ils au-delà des apparences ?


Si le grand siècle Hollandais est virtuose dans ses grandes « machines » comme dans ses vanités, s’il montre tout ce qui est visible et apparent dans le détail de ce qui peut être vu, à l’œil nu ou à la binoculaire, Erwin Olaf se l’approprie et en retrouve la vision. La libération de Leyden renvoie à quelques grands tableaux, peints par quelques « Van… » Célèbres et adulés. Parfois, il extrait de ses « machines », un personnage, qui de membre d’une grande composition devient composition à part entière. Etaient-ils détails? Etait-il une apparence et devient-il une apparition de médecins ou de gentilshommes ? Plus loin, dans "Dawn", les « machines » se retrouvent en noir et blanc dans des univers glacés où le monde des noirs et le monde des blancs semblent parallèles et atteints des mêmes horreurs muettes que leurs apparences lisses et claires cachent si bien jusqu’au moment du dévoilement.


Erwin Olaf vit dans un monde où les choses sont visibles. Rien de caché. Pas un détail qui ne parle. Et si les détails n’ont rien à dire, alors, ils sont boutés hors de l’image. La série « keyhole », la série de « Hôtel » disent qu’une douleur ou un sentiment se lisent à la surface des êtres pour autant qu’on veuille bien les voir. Une éthique du détail. Ou plus simplement l’idée que l’essentiel, à l’encontre de la célèbre formule, est visible pour les yeux.


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