Claude Nori à la Maison Européenne de la Photo.
Le 28 septembre 2012
Créateurs, producteurs, enchanteurs, passeurs, suiveurs, copieurs… que de métiers dans l’art.
Et il y a Claude Nori.
De celui-ci deux choses : Claude Nori est un enchanteur. Mieux encore, c’est un découvreur.
La Maison Européenne de la photographie a montré dans le même temps, deux photographes de la gaieté, de la joie de vivre, de la vie heureuse et drôle au naturel. Il y a les photos de mode et de publicité d’Alice Springs. Et puis, il y a les photos, toutes les photos de Claude Nori.
Photographe de la femme et pas seulement du corps de la femme. Photographe du désir d’une femme heureuse et du désir de rendre une femme heureuse. Claude Nori est léger ? Il n’a pas vu qu’il y a des mondes où la femme souffre. Il ne sait pas que là-bas, dans le Sahel, dans des zones d’Afrique, d’Europe et du monde, la femme n’est qu’un enjeu de puissance, une chose à violer, massacrer, torturer. Il ne sait pas que les femmes sont l’expression parfaite de la « politique par d’autres moyens ». Il ne regarderait que là où il a une chance de chatouiller la rétine ? Honnêtement on s’en contre-fiche. La photographie n’est pas uniquement un instrument à réveiller les consciences et à les bousculer. C’est un art au plein sens humain du terme.
Un bon photographe, avant que d’être un grand photographe est celui qui sait donner à voir. Un révélateur. Mais aussi celui qui sait, d’un monde complexe, bourré de détails, envahi par une multitude d’objets, de signes, de sens, tirer ce qui fait sens, l’objet qui importe, le signe dans la direction duquel il faut regarder.
Claude Nori qui montre la femme et pas «les femmes » est exactement un enchanteur. Il montre le bonheur de la femme. Il montre Isabel, sourire radieux, fouetté de ses cheveux emportés dans le vent. Le ciel est bas, les nuages sont affreusement gris. Tout est donc nécessairement triste. Une plage, morne, par un temps de pluie à venir et de tempête qui menace. Et, là, en plein milieu, en premier plan, toute en noir, rendant le gris encore plus triste et morne, une femme qui rit à pleines dents. Blancheur du rire posé sur le noir si lumineux dont elle est revêtue, bonheur éclatant pulvérisant un fonds de grisaille banale.
A la photo argentique qui dit le mouvement du vent, des cheveux et du rire, voilà en réponse ou en écho une magnifique vue « coca-cola ». Rimini et son rouge Coca, et le short d’une jeune beauté italienne, rouge comme le rouge coca, sur fond de mer bleu pétrole. Couleurs « trop », « acidulées » toutes en vibrations, en stridences. Une gaité vive et tonique. Une gaité « coca » ? Une fille heureuse ?
Vous avez dit « bonheur ». Une femme peut-elle être fière et heureuse de sa beauté, de sa plénitude, du regard qu’elle attire, du sourire qu’elle fait naître. Celui qui ne le croit pas ira méditer la leçon d’Iwane. Au Japon. Impertinente et provocante, les seins charmants et impeccables narguant l’objectif.
Biarritz. Perfection d’un plan et équilibres des lumières. Bleu de la mer contre bleu du ciel. Deux Perrier. Une carafe d’eau, transparences et légèreté, vigne et treille qui encadrent la photo. Comment ne pas penser à ces vers
« Dont le pampre flexible au myrte se marie,
Et tresse sur ta tête une voûte de fleurs, »
C’est à Biarritz que nous sommes? ou à Naples? ou, là où deux silhouettes semblent emportées par la baie et la mer et le ciel.
Chaque photo de Claude Nori, peut ainsi être décrite comme une leçon joyeuse, une proposition de sourire. Photo en couleurs, sucre candie, bonbons acidulés. Rimini, tu chantes, les vacances et le temps de l’Italie.
Et puis, sur la route qui longe la plage. Dans le vent de la course qui soulève en longs voiles une robe blanche. En Sicile, cette fille en scooter qui conduit sans regarder devant elle. Va-t-elle tourner ? Vérifie-t-elle si elle peut le faire ? Tout dans le mouvement de la robe et du regard parle de la femme avec amour.
Mais Claude Nori est aussi et surtout un découvreur.
Les grands artistes collectionneurs sont plus nombreux qu’on le croit. Les grands artistes qui accueillent d’autres artistes, qui ne sont pas encore grands et qui les font émerger, qui les rendent visibles, qui leur apportent crédibilité et audience…ceux-là sont plus rares ! On dira que n’est pas Rouart ou Vasari qui veut !
Si on le disait chasseur, Claude Nori aurait un drôle de palmarès fantastique. Il aurait collectionné les trophées les plus célèbres. Giacomelli, Anders Pedersen, Sebastiao Salgado pour ne pas citer tous ceux qu’il a sortis des chambres noires et faits venir à la lumière.
L’exposition fait une belle part à ce travail d’édition et l’accompagne de photos exceptionnelles. Bel hommage à l’Editeur, mais surtout coup de chapeau à l’artiste suffisamment imbu de son art et des exigences de la création pour avoir eu le talent de reconnaître le talent des autres, malgré les différences de sensibilité , de vision et de cultures .
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