Je ne vais pas me faire des amis. Tant pis. Cette « très belle exposition » comme on dit dans les journaux montre un sculpteur dont l’œuvre a pour principal mérite d’avoir rompu avec les traditionnels canons de la sculpture reçus de la Renaissance.

Quelqu’un a dit que la sculpture c’était le mouvement inscrit dans la pierre, le métal ou le plâtre. Même apparemment immobiles, le Balzac de Rodin et son Penseur, sont véritablement animés. Davantage, disent certains critiques, que la Danse de Carpeaux.

Un œuf en dépit de la puissante imagination d’un artiste, ne peut pas donner l’impression d’un mouvement. On pourrait même dire que c’est le symbole même de son absence.

Mais, justement, parce qu’il a réussi à construire une œuvre parfaitement statique, Brancusi a laissé un message fort : multipliant les œufs et les formes de ce genre durant toute sa vie, l’artiste ne peut pas être accusé d’avoir poursuivi l’œuvre des anciens : il a inscrit son œuvre dans une rupture assumée.

Il a en cela une forte parenté avec Duchamp dont l’œuvre ne présente d’intérêt qu’en tant que dénonciation des façons anciennes de peindre. L’art ici n’est en vérité qu’un pamphlet.

Revenons à Brancusi. Il y a dans une partie de son œuvre, de l’humour : les symboles quasi phalliques qu’il a égrenés sous le titre de « madame machin », « la princesse truc » sont par, leurs formes et le matériau poli à l’extrême, des annonces faites de l’œuvre de Jeff Koons dont le « balloon dog » fait toujours sourire.

Mais il y a aussi une tentative sympathique de revenir aux anciens. Certains visages semblent venir en droite ligne de l’art des cyclades, quoique à nuancer par la tentation ovoïde sans cesse présente dans l’œuvre de Brancusi.

En définitive, plutôt que l’exposition d’une œuvre, c’est une belle exposition sur le making off d’une œuvre, une illustration de « l’artiste au travail et ses copains dans l’atelier ». On a presque envie de tirer cette leçon que plus on montre la « façon » d’un artiste, moins il y a d’art, l’un compensant l’autre. Ou, dit autrement: il est des œuvres qui sont des discours sur l’art, elles tiennent jusqu’aux suivants.