Bernard Faucon,
Rescapés,
Editions de l’œil
J'ai rédigé deux autres chroniques sur B.Faucon. On les trouvera dans la rubrique: Un article.
Il est rare que je chronique un livre de photos. Il est infiniment préférable de ne commenter un travail, un artiste ou un professionnel qu’au vu de ses œuvres. On peut toujours s’excuser en montrant qu’à l’inverse de la peinture où le jeu de la matière confère une épaisseur, introduit davantage la dimension temporelle dans le tableau, où des coups de pinceau sont visibles comme autant de violences, la photographie parait bien neutre, lisse et paisible.
Mais ce n’est pas vrai. La photo n’est pas simplement une surface plane que les pigments ou les poussières de pixels ont bien du mal à rendre irrégulière. La photo à l’inverse de la peinture, c’est le temps saisi et soumis. C’est l’instant qui surgit, hasardeux ou fruit d’une attente, d’une recherche, d’un long temps passé à le maturer.
Le livre de Bernard Faucon « Rescapés » en est une merveilleuse illustration. Avant tout donnons un coup de chapeau à Anaël Pigeat. C’est elle qui a eu la tâche très dure, très exigeante de commenter les photos d’un des plus grands artistes français de la photo contemporaine. Comment traiter de l’œuvre d’un artiste aussi complexe, mystérieux et pourtant solaire que Bernard Faucon ? Comment ne pas risquer de s’envoler en lyrismes incontrôlés et de prétendre l’illustrer, lui le montreur d’images, à coup de grands mots compliqués et de références inadéquates ?
Elle a su prendre la mesure de cette ambition de l’artiste, montrer comment on en vient à montrer, démontrer que ce qu’on montre a été pensé de longue date, saisir les moments lents, et les méandres de la création jusqu’à l’émergence brutale, jusqu’à l’instant de l’indicible.
Car le livre « Rescapés » est une passionnante démonstration de ce qu’est une pensée de l’art. Pour moi, dont la conviction est que rien de créé n’est pensé, ce livre est pour me plaire infiniment ! Je cède donc à ce plaisir de trouver là dans le livre, dans les photos de Bernard Faucon, dans les mots justes d’Anaël Pigeat, ce qui me prend au cœur et à l’esprit en face d’une œuvre : le projet qui l’inspire, la pensée qui la gouverne, les tâtonnements qui la façonnent.
L’ouvrage rassemble une multitude de photos polaroid toutes préparatoires d’une photo ou d’une série de photos. Elles ont été prises par Bernard Faucon pour tester une idée, pour la dimensionner, la placer dans le temps et dans les corps. Est-ce un « making of » de l’œuvre de Bernard Faucon ? Je n’aime pas les anglicismes et encore moins les formules qui posent au résumé et à la simplification. Je préfère infiniment qu’on évoque les dessins préparatoires, les figures qui émergent d’une feuille de papier, sanguines ou encre de chine. Ce sont, on ne le dit peut-être pas assez, non pas des moments calculés dans la réalisation d’une œuvre mais des moments hasardeux quand le peintre, le sculpteur ou le photographe, tente une forme, une mise en page ou une expression. Ce sont des moments où l’informulé domine, où l’esprit se distrait à force de tenter et de se perdre.
Les photos polaroïds de Bernard Faucon sont très exactement de l’ordre de l’intime réflexion quand l’idée qui s’anime et rencontre les affres de la représentation ; passer d’une intuition à une œuvre qui, finie, sera définitive; passer par tous les stades de cette intuition, y compris les fausses routes. Deviner les repentirs, les erreurs et puis enfin, bâtir comme s’il s’agissait d’une évidence.
Une photo qui parait ressortir de ce registre de l’évidence, le Brasier d’Or est emblématique à la fois de la simplicité du programme et de la succession des polaroids qui la précédent, testant des formes, étalonnant une disposition spatiale et posant couleurs et perspective. Dans une autre œuvre, « la fièvre » plus complexe, le personnage de l’enfant, va et vient et disparaît selon que la recherche du photographe s’oriente sur l’espace, le volume de la chambre, l’espace et le volume occupé par les draps. Et puis, enfin il réapparaît comme s’il avait trouvé sa place.
La "boule de feu", est une photo que j’aime par-dessus beaucoup (s’il est possible) à la fois cohérence entre le temps de l’explosion en lumière folle et celui d’un paysage en toile de fond comme intemporel dont Bernard Faucon a exploré les possibles.
Autre photo très forte, riche, très onirique au même titre que la précédente, mais pourtant dans un registre presque opposé. Là où il y avait jaillissement de lumière et annonce de son effacement, la "fête dans l’île" pose une lumière qui s’installe et enchante, dont on ne sait si elle est le temps de la fête ou la réplique sublimée des lampions.
Puis, il y a aussi ces polaroids qui se succèdent comme un projet à venir et dont la succession est œuvre en elle-même, des ombres se découpent sur des pans de murs vides, des portes sont ouvertes ou bien disparaissent. Faut-il penser que certaines photographies ont été pensées et ne sont pas venues à la lumière ? On en revient à ces fameux travaux préparatoires, quand l’artiste est grand, quand ses projets se mesurent à cette aune et quand un coup de crayon qui précède toutes les ébauches est déjà une œuvre…
Ce livre est-il une introduction à l’œuvre de Bernard Faucon ?
Je pense qu’il s’agit plutôt d’un accompagnement !
Il vous suffira de tendre la main, vers les librairies du net,
Babelio, Amazon, Fnac, books.google, BOD librairie et l'éditeur: Arnaud Franel Editions
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