.......Cette nuit-là, comme chaque nuit, j’ai ouvert les fenêtres pour offrir à la grande maison la fraîcheur de la nuit, pour appeler celle-ci à se battre ou, au moins, à se faufiler dans l’air cotonneux et lourd, filets d’air frais, fins et ténus en contrastes subtils qui pénètrent la tiédeur pesante laissée par la canicule de la veille, lourdement installée, pareille à un lutteur massif et immobile. La masse molle et poisseuse, par endroits, par interstices, est lentement percée et traversée par de minces filets d’air vif qui surprennent et saisissent. La lumière de l’aube qui filtre dans la chambre obscure, profitant de l’ouverture des fenêtres, et se jouant des volets d’intérieurs mis clos, découpe d’un coup de crayon lumineux les huisseries, les pennes, les croisées et prépare l’arrivée du matin......
Je veux garder avec moi sans m’interroger ou y réfléchir, ce souffle qui, se plaisant de ma présence, a attaché ses pas légers à mes pas prudents et solitaires. Je ne veux rien tirer au clair. La clarté viendra toute seule. Les volets les moins exposés au soleil qui se lève, me rappellent que la nuit n’a pas encore été chassée. La clarté viendra toute seule. Une fenêtre à peine entrebâillée, montre ce qui subsiste du noir de la nuit et, l’intrus, encore précautionneux, le matin qui s’essaie à venir un peu frileusement. Je veux garder pour moi ces promenades, les matins encore poisseux de la chaleur de la veille, dans mon château, où je me crois seul, environné de quelques grelots lointains qui font comme des rires d’enfants.
.....Dans mes pas, d’autres pas. Je ne suis pas seul. Perdu dans la contemplation des carreaux, dans le choix des couleurs, rouge sang, rouge brique, rouge sombre, rouge lave incandescente, j’ai, à plusieurs reprises, cru, ces matins-là où je me promenais, très tôt, que je n’étais pas seul. Une présence, autre, légère et fraîche, filtrait dans l’obscurité coupée des jets de la lumière matinale de plus en plus stridente. J’ai entendu des rires lointains, comme une gaieté qui resterait au bord des lèvres, friandise pour soi, moment réservé entre la nuit qu’on quitte et le jour qui va tout agiter.
J’ai pensé à ces vieilles histoires qui ne peuvent être dites que dans de vieilles maisons. Au fond de leurs caves, tout au bout de couloirs secrets et d’escaliers délabrés, elles conserveraient dans de vieilles malles, couvertes de poussières, de chiures de souris, de vert de gris et de moisissures en filament, les humeurs et les bonheurs des habitants du lieu ou des gens de passage qu’elles jugeraient dignes d’estime. ....
On le savait. Il allait venir. Il devait éclater, précisément, ce jour. On le savait depuis deux jours. Et il est arrivé. D'un coup. Tous les orages du monde se ressemblent. Même en Toscane, un orage ressemble à un orage? J’aime trop la Toscane pour dire que cette proposition est vraie.
Il doit y avoir autre chose. Par exemple, un orage en Toscane c’est la chance pour un évènement naturel d’être mis en scène dans de bonnes conditions. C’est une opportunité qui lui est offerte de n’être pas, juste, simplement, un évènement naturel ! Alors, on pourrait dire qu’un orage en Toscane c’est un évènement culturel. Une performance par exemple. On pourrait dire…que je vais un peu loin avec cette idée d’orage œuvre d’art sous prétexte qu’il survient dans les collines du Chianti !
Peu importe : il a été sublime cet orage. D’un coup il est venu effacer une plaie et un plaisir. Commençons par le plus dur : l’effacement du plaisir. Qu’est-ce que la contemplation de la campagne toscane, celle des collines du Chianti, sinon un plaisir pur ? Couleurs du matin et couleurs du soir sont inimitables. Tout chante à ce point qu’on est saisi de « photographite aigüe ». Il faut parvenir à soutirer à cette campagne toute ses ressources esthétiques. Il faut être parmi ceux qui sauront dire par tous les moyens qu’un artiste, des artistes d’exception, ont dessiné, découpé, assemblé une œuvre d’exception, des œuvres inimitables : la Toscane et ses paysages.
La nuit de l’orage avait tout anéanti. Des nuages noirs l’avaient annoncé et avait préparé le terrain à l’anéantissement des couleurs. Encre, noirceur, obscurité, tous ces mots n’étaient-ils pas faibles, médiocres, insuffisants pour décrire l’apparition soudaine et la procession des nuées annonçant le désastre.
Nuages de deuil, nuages déchirés tout d’abord. Chevau-légers sinistres, avant-garde, de toutes les noirceurs. Ils volaient poussés par la tornade, recouvrant les champs et les collines. Apparus tout d’abord dans la lumière en contraste étrange, ils venaient pour frayer les chemins du gros des troupes. Suivaient cette chevauchée, les lourdes masses d’eau, pleines comme des outres, gonflées à bloc, frémissant d’impatience d’avoir à causer des désastres.
Leur venue, irrésistible et massive, a écrasé lentement, méthodiquement tous les paysages, toutes les hauteurs, toutes les plaines, rasant ce qui s’élevait, aplatissant les levées de terre que les labours avaient laissé le long des sillons. Tout a été brutalement, volontairement effacé, sauvagement, aurait on pu dire. Plus de couleurs, plus de lignes de fuite, plus de ces lignes de cyprès qui enchantent le regard, plus rien qui ressembleraient à une vedute. Quant au sfumato l’orage l’a pulvérisé, fondu, délavé et rendu plus noir qu’une nuit sans lune. Des rideaux de pluies à gouttes énormes ont ensuite achevé ce travail de destruction, interdisant que le regard cherche le lointain, l’enfermant mieux et plus fermement qu’une fenêtre à barreaux.
En une heure à peine l’enchantement des couleurs et des géométries avait été englouti dans des cascades d’eau hurlante, des dégoulinades débordant les caniveaux et les ruisseaux. La pluie fouettée de vent, excitée par les dépressions atmosphériques, hésitant entre glace et eau, avait créé des torrents, creusé des rigoles et inventé de nouveaux lacs.
Et, comme cela est vrai pour toute tornade, la tournade Toscane, s’acheva presqu’instantanément, laissant derrière elle des branches pendantes, assommées et dégoulinantes, des mares d’eau et des ruisseaux furieux, des champs étonnés de n’avoir pas été dissous et des vignes qui avaient craint de se retrouver dérivant vers la mer !
L’orage s’éloignant, resta surtout la fraîcheur. Il avait explosé à l’intérieur d’une chaudière chauffée à blanc. Sur son passage, il avait tordu le coup à la Canicule. Cette chienne ne reviendrait plus, anéantie.
La fraîcheur toscane. Il faudra expliquer un jour pourquoi, elle est si particulière et relève comme la campagne toscane et ses orages de l’esprit d’une œuvre d’art.
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