Les tribulations de Mélinez et de Martenchon octobre 2022

Entre démocratie compliquée et dictature simplissime, que faut-il choisir ?


Mélinez referma son journal du matin. Comme emporté dans une méditation un peu lourde, son regard fixait le mur qui faisait face à son fauteuil préféré. A première vue, il donnait à penser qu’il s’efforçait d’en décrypter les légères imperfections, les microfissures, les traces laissées par un coup de pinceau un peu trop appuyé et quelques affadissements de la peinture dus à de trop longues expositions aux rayons du soleil.

Martenchon venait de se servir une troisième et dernière tasse de café quand, portant sa drogue préférée à mi-hauteur de son visage pour le déguster, il aperçut le regard fixe et vague de son ami.

« Tu me fais l’impression du croyant qui a une vision » le moqua-t-il.


Mélinez détourna le regard du mur pour fixer maintenant le visage de Martenchon.
Puis, comme s’il se réveillait d’un lourd et difficultueux sommeil, il lança : « Je me demande si, malgré tout, la démocratie n’est pas un rêve infantile plutôt que le projet d’une société adulte ».

Martenchon n’avait pas prévu ce coup-là et se trouva coi pendant quelques secondes.


Mélinez n’attendit pas que son ami fut remis de son émotion et poursuivit:
« Au fur et à mesure que le temps de l’histoire et de la politique se déroule, l’esprit démocratique semble s’affaiblir, se trouve repoussé dans des caves humides ou des greniers étouffants ».


Martenchon qui s’était remis répliqua « Pourtant, les réseaux donnent aux citoyens la possibilité de participer au débat…

Mélinez s’exclama « Justement, la démocratie se meurt des réseaux : on n’y participe pas à des débats mais à des curées. On ne vient pas échanger mais combattre. Les débats n’ont plus d’autre chaleur que celle des bûchers ».

Martenchon, fit de la résistance : « Mais, il est des pays qui se battent pour la démocratie… »

Mélinez, sinistre, l’interrompit : « Certains groupes se battent pour leurs intérêts qu’ils badigeonnent du beau nom de démocratie. En vérité, la plupart s’en éloignent, revenant à des années antérieures, quand les dictatures simplifiaient les débats ».

Martenchon, sous le choc, laissa aller une pensée attristée : « Tu veux dire qu’entre la démocratie riche de ses débats et les dictatures où il n’y en a pas… »

Mélinez acheva la phrase de son ami : « on préfère une vie simple et bien réglée à une vie faite de mouvements, d’allers et de retour, de concessions et d’échanges, de propositions et d’oppositions. Une vie où le pouvoir et/ou l’argent restent solidement entre les mains de quelques-uns. La démocratie n’est finalement qu’une technique vicieuse déployée pour déposséder les puissants sans qu’on soit assuré que les nouveaux élus aient quelques mérites à l’être. »

Martenchon, effondré : « Mais, nos idéaux, le progrès, la liberté, tout ce en quoi nous croyons… »

Mélinez mit un point final : « ils nous disent qu’il faut savoir évoluer, changer et ne pas laisser les pensées s’incruster. On revient donc aux douces simplifications d’autrefois. »  
 

 

Stipendier

Martenchon sortit brutalement de la lecture de son quotidien préféré et, s’adressant à Mélinez, lui lança:
« Penses-tu que Poutine soit capable de stipendier un homme d’influence, politique, intellectuel, syndical, militaire même ».


Mélinez fit « Trump ? »

Martenchon, pensif : « Peut-être en effet. Mais encore… »

Mélinez compléta : « On dit que Mélenchon est allé plusieurs fois présenter ses amitiés au Tsar, comme on le surnomme maintenant »

Martenchon lointain, « On le dit »

Mélinez poursuivit « Mais aussi l’extrême droite italienne… »

Martenchon : « Oui, aussi »

Mélinez, se fit historien : « les Ossis, en Allemagne, ces anciens Allemands de l’Est, n’ont pas tous coupé les ponts avec la Russie. Ils sont plus nombreux et dangereux qu’on ne l’imagine »

Martenchon, lointain: « Il est vrai…. Mais, vois-tu, je pensais à d’autres gens, plus banals… des gens qui veulent faire comme s’ils étaient tout le monde… »

Mélinez, se plongea dans la contemplation du verre de whisky qu’il venait de s’offrir et murmura « Je n’ose pas penser à ce que tu penses ».

 


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