La télévision, les
journaux, les média donc, avait livré leurs lots d’informations et aussi, gravement, des commentaires. Et, plus grave encore, des commentaires
contradictoires.
Ce n’étaient pas tant les morts qui avaient frappé nos deux amis. C’était le fait qu’à entendre les plateaux-télé, ce n’étaient pas les mêmes
morts.
Mélinez réfléchissait tout haut : « Considère Martenchon, ce
cas récent d’un irano-français qui tue un touriste banal, pris manifestement au hasard, probablement parce que dans le noir d’une soirée d’automne, ce dernier,
germano-philippin, avait plus la tête d’un germano que d’un philippin. Evénement grave et troublant, par lui-même mais aggravé parce que le tueur s’est revendiqué
de l’Islam ».
Martenchon écoutait l’air grave et, après un moment de
réflexion, : « Mélinez, je considère ce cas où l’intention confère une gravité particulière à l’acte. Mais, je m’interroge : n’est-il pas
pire cet acte, lorsqu’aucune intention un peu solide n’y préside ? »
Mélinez, l’interrompit : « Tu évoques l’acte
gratuit ? »
Martenchon poursuivit : « J’évoque le cas de ce nantais, supporter
de son équipe de foot, qui a été tué lors d’une confrontation avec des niçois, en marge, comme disent les journalistes, d’une compétition opposant les équipes de
football de Nice et de Nantes. De quoi se revendiquait l’assassin ? de son club ? de l’amour du foot ? ».
Mélinez, sursauta : « Tu ne veux quand même pas comparer,
l’assassinat terroriste qui se réclame de grandes idées à cet assassinat… sportif ».
Martanchon, très calmement, mais fermement : « Et quand, une
bande de jeunes, massacre un adolescent sur le thème de la vengeance ? ou, lorsqu’un lycéen blesse mortellement d’un coup de couteau un de ses condisciples
devant son école ? Sans raison ? ou celle d’un « mauvais regard »?
Mélinez se fit fortement critique : « Quel rapport avec
le cas de ce malheureux gamin rugbyman tué pendant une fête à Crépol. Les motifs sont pourtant clairs »?
Martenchon, obstinément : « Ne voit-on pas, surtout,
que dans notre société, l’irresponsabilité est devenue un mode de comportement banal ».
Mélinez, devint tout rouge : « Les irresponsables comme tu les
décris n’hésitent pas à organiser des défilés de protestations, des marches blanches, pour dénoncer les crimes … »
Martenchon froidement et calmement : « Je n’ai pas entendu
parler d’une marche blanche pour condamner la mort du germano-philippin (peut-être en Allemagne...) ni d’émeutes comme lors de la mort du jeune conducteur de
voiture, Nahel. Je ne connais pas de manifestations pacifiques et blanches pour la mort d’un policier tué par un narco-trafiquant. Y en aura-t-il une pour dénoncer
les meurtres de parents par leurs enfants? Et, si je voulais enfoncer le clou, je citerais le nombre de femmes massacrées par leurs maris, compagnons, amants
dans le cours de cette année en France. D’après mes renseignements, pas un meurtrier ne s’est revendiqué « combattant
islamique ».
Mélinez voulut avoir le dernier mot : « La vie, dans nos
sociétés, a-t-elle perdu toute valeur ? »
Martenchon compléta : « Dans les jeux vidéo, ont fait
« reset ».
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