Le deuxième tour vient de s’achever. Les
deux amis, bien que confortablement installés et à l’abri de tout besoin, ne se tiennent pas égoïstement à l’écart de la société et savent en épouser les
idées, les querelles et les joies. Pour l’heure, devant la télévision, ils se sont astreints à suivre quelques plateaux-télé et les faux débats qui pimentent ces
moments où les vainqueurs disent modestement qu’ils ont vaincus et où les vaincus soutiennent avec vigueur qu’ils n’ont pas tout perdu. « Gare au troisième
tour !».
Interrompant régulièrement le déroulé tumultueux
des plateaux-télé, viennent s’intercaler les comptes-rendus des journalistes « sur place ».
« Alors, Marie-Caroline, qu’est-ce qu’on dit
au QG de Marine ? Il n’y a pas beaucoup de monde autour de vous ? Je me trompe ? «
Et Marie-Caroline, tristement, de confirmer que
l’ambiance est morose. Elle a l’allure des jours d’enterrements Marie-Caroline. Un pleur pointe qui viendrait assombrir encore davantage son visage. Vite on
reprend l’antenne, avant que le rimmel dégouline en ruisseaux funèbres.
En revanche, Jean-André qui est dans le Nord de
la France, nous montre une face rebondie de bonheur. « Alors, il est passé à deux pas, celui qu’on pensait battu et qui a fait montre d’une résilience
incroyable ! Autour de moi, ce ne sont que visages ouverts et épanouis, gaité à peine contenue et discours francs, optimistes et toutefois mesurés ».
Jean-André, nous dit avec un grand sourire que le champagne coule à flot et « c’est bien naturel après tout. Les efforts ont payé. Je vous rends
l’antenne : on m’invite à trinquer ».
Martenchon à cet instant ressent un petit bruit régulier. Il vient de Mélinez
qui pianote compulsivement sur le coude de son
fauteuil, le visage contracté.
Martenchon n’a pas le temps de s’interroger sur ce tempo obsédant : Mélinez s’est exclamé :
« Tous ces types qui sont censés faire de
l’information ne sont que des caisses de résonnances, ils répètent en plus fort ce qu’ils ont entendent autour d’eux et, en plus, ils miment leurs
environnements »
Martenchon n’a pas bien compris. Mélinez enfonce le clou : « Regarde-les donc, les Marie-Caroline, les Jean-André, regarde-les qui, les uns, prennent un air d’enterrement
quand les autres donnent le sentiment qu’ils sont dans le cortège de la noce ».
Mélinez essaye un contre : « Quand même la bonne Marie-Caroline ne pouvait pas prendre une mine réjouie et s’exprimer de façon
enjouée…l’ambiance était triste !
Martenchon explose : « On ne lui demande de jouer les caméléons mais de nous informer. J’attends avec impatience les robots journalistes
dans les micros-trottoirs avec de vraies têtes de robots . L’objectivité de l’information sera enfin respectée.
Mélinez, ricana « sauf s’ils sont programmés pour devenir rouge de colère ou rose de bonheur »
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