Dictionnaire des citations 

Remi Coignet: conversations


MORTEN ANDERSEN

 

13.  Donc je ne pense pas que mon travail consiste à organiser le monde. Mais, d’une certaine manière, avec la photographie, on collectionne des images du monde. Je prends beaucoup de photos. Et quand j’ai suffisamment d’images, je commence à les organiser pour qu’elles forment une histoire. Il y a des images qui permettent de relier deux autres images, que ce soit une trace de pas ou un signe. Elles peuvent conduire le lecteur à l’image suivante ou au chapitre suivant.

 

14. Je me suis rendu compte que la nature et le paysage sont sans doute les thèmes photographiques les plus appréciés par les photographes amateurs comme par les artistes photographes. Il y a beaucoup de photos magnifiques, mais la plupart du temps extrêmement ennuyeuses, sans aucun but autre que de montrer un joli coucher de soleil ou un joli paysage. Sans point de vue personnel ou sans histoire à l‘arrière-plan.

 

14. (la couleur) J’ai pensé que c’était un domaine que je pouvais explorer. J’ai laissé tomber le noir et blanc hautement contrasté et j’ai commencé à faire de la couleur, mais ça ressemblait à des cartes postales tant les lieux étaient beaux. 

 

IRÈNE ATTINGER

 

 24.  Mais la notion de goût change, je pense. Y compris de goûts artistiques ou de choix d’impression. Si l’on se réfère aux tirages, on voit dans les tirages modernes des duretés qu’on ne trouve pas dans les vintages.

 

24. Mais malgré tout pour beaucoup de photographes, le gris est important.

 

LEWIS BALTZ

 

32. L’art est inutile. Et c’est l’une des meilleures raisons de l’aimer. Je pense qu’une œuvre qui provient de la conscience d’un artiste n’est pas entièrement inutile. Même si elle n’a pas pour effet de produire le changement que l’artiste juge  utile et espère faire advenir.

33. Vraiment, aujourd‘hui en 2012, il ne devrait plus y avoir de départements photographiques, ni de musées de la photographie, ni de responsable de la photo au ministère de la Culture. L’apartheid est terminé, que je sache.

 

33. Ce que j’ai appris de mes étudiants ici. En France, en Allemagne ou à Venise aussi, c’est qu’ils ne se voient pas comme peintres, photographes ou cinéastes : ils se considèrent comme artistes.

 

34. Le monde avait changé. J’ai beaucoup réfléchi à la couleur, car il y a eu un enthousiasme irrationnel, sans doute à partir de l’exposition de Bill Eggleston au MoMA. Le monde a alors découvert la couleur. Je veux dire que c’était réellement idiot. Cela a duré une bonne dizaine d’année : « New Color » « New Color from the West » « The New color from New York » «  the New British Color » … Vous voyez…

 

34. Stanley Cavell a fait l’observation la plus intelligente à ce sujet, ou en tout cas la plus inspirante pour moi. Il parlait du cinéma, mais cela ne me parait pas vraiment différent pour la photographie : les images noir et blanc évoquent le passé, même s’il s’agit d’il y a une seconde. Y compris donc le passé très récent. Et cet effet temporel manifesté par le noir et blanc et la couleur était ce qui m’intéressait dans Candelstick Point. Une sensation d’autrefois et maintenant.

 

35. Le monde était désormais saturé d’images documentaires. C’est cela qui avait changé, me semble-t-il. Garry Winogrand a eu cette phrase célébrissime : «Je photographie pour voir à quoi le monde ressemble en photographie ». On peut débattre de cela. Se demander si la curiosité était sa seule motivation. Moi. Je ne le pense pas. Mais quoi qu’il en soit nous savions à quoi le monde ressemblait à travers des photographies.

 

35. La révolution numérique a été simultanée à la crise, et cela a considérablement troublé les perceptions. Le problème, en fait, était ailleurs. Il résidait d’abord dans une sensation de fatigue de la représentation. Ensuite, beaucoup de gens, moi inclus, ont changé de position sur la photographie : elle n’était plus le meilleur moyen pour représenter le réel, pour enregistrer une image. Et la cause de ce changement était la vidéo. Logiquement, celle-ci permettait d’obtenir une représentation bien plus proche de la réalité. Il y avait du mouvement. Du son. Elle était bien moins abstraite que la photographie, Et, en plus, très simple d’utilisation.

 

37. …d’une certaine manière, plus on voit, moins on comprend. Et j’ai pensé que c’était une intéressante contradiction par rapport à ce que nous croyons habituellement de la photographie.

 

37. Sans aller chercher bien loin, prenez le cinéma documentaire. Mais songez combien nous perdrions si le cinéma était uniquement un médium documentaire. Peut-être 90% des films et probablement 90 % de ceux que nous aimons.

 

39. Dites-moi : est-il objectivement vrai que la période des années 1960 était plus intéressante ? L’une des deux plus intéressantes du XXéme siècle, disait Harald Szeemann. Ou suis-je juste un vieil homme qui rêve à ses jours de gloire ?

 

DANIEL BLAUFUKS

 

42. La photographie, est déjà une mémoire. Ça lui est intrinsèque. On n’a pas besoin de Roland Barthes pour le savoir. Même s’il a fort bien écrit à ce propos.  A l’instant où tu prends une photo. Elle est déjà une mémoire. Même une photo de mode, destinée à une utilisation, immédiate, sera dans quelques années, une mémoire de ce vêtement, de ce style, etc. Je pense donc que questionner la mémoire par la photographie est une chose très logique.

 

42. Au cours des dix dernières années, avec tous les changements  technologiques survenus dans la photographie, le cinéma et la vidéo. Cela est devenu très important La photographie disparait en tant qu’objet. Elle devient virtuelle : les seules photos qui sont maintenant tirées sont destinées aux cartes d’identité ou sont des photos d’art. Toutes les autres demeurent sur des disques durs. Elles sont comme un mirage, en Quelque sorte. Cela modifie toute notre relation à la mémoire.

 

42. …quand je photographie, j’ai toute la mémoire de l’histoire de la photographie en tête. Mais aussi celle de la peinture et celle du cinéma. Je ne peux pas prendre une photo en étant vierge. Je pense que c’est chose presque impossible. Je tiens beaucoup à faire ces connexions.

 

43. Au Portugal on dit que si le tirage des livres de poésie est très bas, c’est parce Que les seuls à acheter de la poésie sont les autres poètes. J’exagère peut-être un peu. Mais je crois qu’il en va un peu de même pour la photographie, La situation est donc différente de celle de la peinture ou de la littérature.

 

44. J’aime aussi cette phrase de Diane Arbus qui dit : « A photograph is a secret about a secret. The more it tells you, the less you know. » (« Une photo est un secret à propos d’un secret. Plus elle vous en dit, moins vous en savez ». C’est l’idée d’un casse-tête. Du fait qu’il n’y a pas vraiment de solution.

 

46. Je pense que la photographie peut raconter des histoires. Notamment en s’inspirant de la tradition américaine des nouvelles. Les nouvelles débutent à un moment donné. Mais n’ont pas réellement de fin. Raymond Carver, par exemple déroule une histoire. Mais. A la fin, tu ne sais pas ce qui s’est réellement passé.

 

46. Ernest Hemingway avait cette théorie de l’iceberg. Il disait que si tu vois la pointe émergée d’une histoire, tu ne sais pas ce qu’il y a sous l’eau. On peut encore prendre la comparaison d’une piscine en été. Tu peux choisir de regarder la piscine. Mais tu peux aussi décider d’y entrer et de ressentir le contact de l’eau, sa température. Et ce sont des sensations complètement différentes. J’aime bien concevoir mes photos ainsi. Tenter de faire entrer le spectateur dans une histoire pour qu’il se laisse aller au fil des images.

 

47. L’important n’est pas de prendre la photo, mais de la penser.

 

49. Les premières personnes qui achètent des appareils photo sont de gens riches qui ont les moyens de voyager, d’aller en Orient et d’y faire des photos. Et ça perdure. Si on regarde sur Internet, le plus gros des photos postées sur des sites comme flickr sont des photos de voyage.

 

49-50. Je pense que la photographie, la carte postale ou Facebook aujourd’hui fonctionnent comme des preuves : « Je suis ici, sur la plage des Bahamas, et toi, mon pauvre, tu es à Paris, à ton boulot, et en plus il pleut ! ». Les cartes Postales sont une fabrique de jalousie. Et désormais c’est pareil sur Facebook : tu vois tous ces gens qui voyagent et c’est très frustrant La photographie est utilisée comme une preuve que tu étais là.

 

ADAM BROOMBERG • OLIVER CHlNARIN

 

52. C’est vraiment toujours notre préoccupation de comprendre comment la photographie, spécialement le portrait, est liée au pouvoir, de mesurer à quel point la personne derrière l’appareil est en situation de pouvoir. Tu le sais, la photographie, dès ses origines a été pensée pour participer à un travail de police, de catalogage, à ‘archivage et de contrôle. Alphonse Bertillon et ce qui s’ensuit.

 

54. Les photos sont si liquides. Elles ne sont redevables à personne. Elles n’ont pas le sens de l’engagement, il faut donc les enraciner. On voit rarement une photo sans texte. Beaucoup de photographes prétendent être incapables de communiquer par les mots. Mais le jour  où tu verras une photo sans une forme de texte. Dis-le-moi. Il y a toujours cette relation. Que ce soit un titre, un nom.

 

55. ...donc, c’est une habile stratégie esthétique : recouvrir les villages détruits par la nature pour qu’au bout de cinq ans cela devienne l’endroit le plus innocent au monde.

 

58. Adam et moi ne sommes pas vraiment intéressés par les photos. Nous nous intéressons à la manière dont les images sont produites. Dont elles sont distribuées et reçues… Leur écosystème plutôt que les images en elles-mêmes.

 

63. Walter Benjamin avait ce concept d’inconscient visuel, je crois qu’il le nommait « l’étincelle de contingence ». C’était sa dernière croyance en la photographie. Le photographe agit et sait ce qu’il prend en Photo. Mais finalement, on ne sait jamais ce que l’on voit vraiment.

 

ELINA BROTKERUS

 

70. La photographie représente quelque chose qui existe, même si cela devient très discutable avec le numérique. Mais en principe il y a toujours ce lien avec le monde réel Lien que je trouve magique et mystérieux dans la photographie.

 

Raphaël DALLAPORTA

 

78. Cette ambiguïté m’intéresse : ces choses existent, mais ne sont pas visibles. Avoir la chance en tant qu’artiste de pouvoir y accéder, de pouvoir pénétrer des milieux professionnels normalement fermés à chacun d’entre nous, et pouvoir ensuite montrer cela à un public assez. Large est une fantastique liberté.

 

JH ENGSTROM

 

86. Je me rendais compte que toutes les photos que je faisais étaient des photos que j’avais déjà vues auparavant. C’étaient des photos qui ressemblaient plus à des photos qu’à autre chose !

 

87. Observer de loin est une manière de rester en sécurité. En te rapprochant, tu te montres. Mais si tu décides d’être proche de ton sujet, tu te dévoiles en tant que photographe tout autant que sont dévoilés les gens que tu photographies. Peut-être la photographie pose-t-elle cette question que signifie être présent ou absent ? Être proche ou lointain ? Toute la photographie circule entre cette proximité et cette distance, que tu sois en train de photographier ou de regarder des images.

 

89. J’essaie de casser les choses. Peut-être que cela permet de voir d’une manière différente, que cela surprend, que cela fait réagir. En même temps, je trouve qu’il y a beaucoup de mes photos qui sont très belles.

 

93. « Ce que tu écris à un moment dans La Résidence » : …Je vais rarement quelque part pour faire des photos… JHE : Je fais des photos parce que je me trouve quelque part. Oui.

 

BERNARD FAUCON

 

101.  Je suis arrivé dans le Lubéron l’été 1976 avec une voiture pleine de mannequins et j’ai commencé mes mises en scène comme un enragé. Un illuminé. Avec la sensation de mettre au jour Quelque chose d’extraordinaire, de l’ordre du «temps retrouvé. Avec l’intuition qu’en mettant en scène ces petits mannequins dans les paysages qui étaient ceux de ma jeunesse et de mon enfance j’allais au-devant d’une restauration du temps.

 

101…. je constate la même chose aujourd’hui avec ma nouvelle trouvaille d’expression. Il y a d’autres gens qui cherchent dans la même direction. Certaines choses sont dans l’air. Il y a des prises de conscience simultanées.

 

108. L’idée, pas vraiment consciente au début, était de créer de la vie avec ce qui n’en a pas, ce qui est déjà arrêté. Une intuition de ce que l’on peut faire avec la photo. Il y a de la mise à mort dans la photographie, elle tue le mouvement, elle tue le temps, elle immobilise. Mais en même temps qu’elle interrompt elle atteste, elle peut servir à réaliser, à actualiser l’imaginaire.

 

102. En photographiant du faux, on produit du vrai. Il y a quelque chose de cette nature-là. C’est comme si deux négativités s’associaient pour produire un positif de réel.

 

104. On se rend compte que plutôt que de chercher à photographier la montagne sublime, il vaut mieux photographier un premier plan dérisoire qui laissera imaginer ce qui se joue au fond. La photo est une expérience de la déperdition.

 

107. Ce fut mon usage à moi de la photographie, ça s’est terminé, parce que j’ai fait le tour de ce qui était en jeu. Parce que j’ai pensé en avoir exploré tous les versants. Et puis faire de la mise en scène photographique aujourd’hui me parait un peu une aberration. Evidemment on continuera à en faire. Tout continue. Il y a encore des gens qui font du sténopé !

 

108. Si quelqu’un apprécie quelque chose chez moi, j’ai tendance à lui dire : «Repars avec.» Je trouve Que les objets sont de petits tombeaux qui empêchent d’avancer. D’aller vers cette explosion finale. Ce feu d’artifice dont on parlait tout à l’heure.

 

HORAClO FERNANDEZ

 

110. · Les livres de photographie sont donc un système de communication entre les photographes.

 

112. Il a été extrêmement intéressant de découvrir la grande culture et pas seulement visuelle – des photographes. Je veux dire que. Bien souvent, les photographes ont la réputation de n’être pas des intellectuels, mais plutôt des intuitifs. On se rend compte au contraire, au travers des livres complexes qu’ils ont produits, que ces photographes latino-américains sont cultivés, qu’ils sont en relation avec les écrivains et les artistes de leur temps.

 

 

116. …mais à quoi travaillait Heartfield ? Supposons que nous puissions l’interviewer et lui demander : «  John. Quel était ton but : faire des belles notes manuscrites sur des photos ou bien parvenir à un bon résultat imprimé ? » C’est comme si l’on valorisait davantage le projet de Madame Bovary que le livre final.

 

PAUL GRAHAM

 

118. Le sujet de Beyond caring  est un cliché du documentaire, des images du chômage en Grande-Bretagne. Même si cela n’est plus perceptible aujourd’hui. Cette série était choquante à l‘époque parce qu’elle était en couleur. Vous ne pouvez même pas imaginer aujourd’hui les réactions d’alors car de tels sujets étaient toujours traités en noir et blanc. Et c’est à peine croyable, les gens ont pris la taille des images pour une provocation. …. Vous le savez, les photographes adorent cette dynamique qui consiste â travailler directement avec la vie. Et il y a là un défi, car je romps avec l’instant unique pour aller vers le flux de la vie.

 

122. Contrairement à l’écrivain ou au peintre qui partent  de la feuille blanche ou de la toile immaculée, la photographie a pour point de départ l’infini. Tout se passe partout et tout le temps. À chaque seconde, à droite à gauche, devant, derrière. Le choix est donc difficile : par où commencer ? Quel moment choisir ? La photographie vous engage directement dans la vie. On danse avec la vie. C’est fascinant.

 

123. Est-ce Qu’Eggleston est documentaire ? Non. Et Winogrand ? Non. Robert Adams ? Diane Arbus ? Aucun d’entre eux n’est documentaire. Certes tous ont pris des photos du monde. De la vie telle qu’elle va. Ce n’est pas mis en scène, ce n’est pas contrôlé. Mais définir Winogrand,  Eggleston ou Robert Adams comme des photographes documentaires, est complètement ridicule. Voilà pourquoi je dis que nous sommes dans une ère post documentaire.

 

124. Si on regarde une scène de rue de Jeff Wall, on le comprend car nous savons qu’il a tout mis en scène. Mais qu’en est-il si on observe une scène de rue de Garry Winogrand ? Il a « juste » pris la photo, Qu’a-t-il donc réalisé ? C’est beaucoup plus difficile à articuler. Mais parler de cela en termes de création artistique est très difficile, puisqu’il s’agit d’extraire quelque chose du flux du monde. De réaliser un travail à propos du temps, des lieux et des situations et de le distiller, de le purifier, jusqu’à en atteindre l’essence. Cela prend du temps.

 

GUIDO GUlDl

 

126. Au dos des anciennes cartes postales italiennes, il y avait souvent écrit «vera fotografia (vraie photographie). Cela signifie aussi qu’il y a quelque chose d’objectif. Le sujet est vrai

 

128. La citation du Cardinal de Retz, en italien est ambiguë : ou tous les moments sont décisifs ou aucun. Donc des moments décisifs, il peut y en avoir un, deux, trois ou dix. Et donc dans ces images j’ai décidé d’en choisir deux. Nous sommes peut-être encore trop liés à la peinture classique, à l’œuvre unique où l’on ne voit pas le processus.

 

129. Ce sont des défauts qu’il me plait de créer. Je joue en quelque sorte à faire semblant de ne pas savoir photographier. Cela rejoint la citation latine « Ars est celare artem » (l’art consiste à dissimuler l’art).

 

131. Oui La photographie est aussi une écriture.

 

133. Tout est autobiographique et rien ne l’est tout à la fois.

 

PIETER HUGO

 

 

151. …attaques m’ont confirmé dans ridée qu’il n’est possible de contrôler la lecture de tes propres photos que dans une certaine mesure. Que certains puissent lire mes images ainsi signifie que j’ai échoué en tant que photographe…. Peut-être que c’est un bon travail parce qu’on ouvre le champ des interprétations.

 

153.  Tu sais, je pense qu’il serait très difficile pour quiconque de travailler en Afrique et de ne pas avoir une conscience. Mais vraiment mes intentions sont égoïstes. La base, c’est mon désir égoïste de voir, d’explorer le monde, de m’y confronter. Ce qui nous conduit à nous demander ce qui fait une bonne photo.

 

153. Toute bonne photo naît du désir de voir. La photographie a cette capacité incroyable de réunir deux mondes, le documentaire et l’art. Elle se situe quelque part entre ces deux champs. C’est vraiment là où réside son énergie. Et je pense que si la photographie doit perdurer, elle se trouve actuellement dans une problématique spécifique. Elle doit explorer cet espace entre ces deux champs.

 

EVA LElTOLF

 

172.  Je ne veux pas classifier. Tout dépend aussi du contexte dans lequel je travaille. Lorsque j’expose dans un lieu consacré à l’art, comme la Pinakothek der Moderne, mon travail est-il de l’art ? Pour moi ce n’est donc pas vraiment une question qui se pose. Pense à un photographe comme Eugène Atget : il n’a jamais considéré ce qu’il faisait. … proposer comme matériau aux artistes. Lui ne se voyait pas comme un artiste.

 

175. Je pense que la photographie peut décrire beaucoup de choses, mais je pense aussi que beaucoup de photos d’événements, beaucoup de photos descriptives sont devenues de parfaits clichés. Qu’elles sont tellement déjà vues qu’il me semble qu’elles ont perdu leur pouvoir.

 

ETHAN LEVlTAS

 

179. Qu’est-ce que tu nommes performance ? Un photographe se tient dans la rue, il prend son appareil et appuie sur le déclencheur â un moment donné. Rien n’est mis en scène. Mais en réalité il s’agit d’une mise en scène. Non pas dans le sens d’une fiction, non pas dans le sens que ce n’est pas vrai ou que cela a été préparé. Une scène se met en place parce que la caméra est là, un cadrage est fait et un sens est donné. Il y a une intention, mais je ne contrôle pas et ne cherche pas à contrôler le résultat Cela est essentiellement une pratique d’observation. Mais, plus crucial, elle est conduite avec une certaine conscience de ce que cela signifie d’observer. L’acte de photographier est une intervention au sein d’une réalité.

 

179.  Nous le faisons tous les jours. Nous modifions le réel chaque jour. Ma pratique voudrait affirmer que nous participons à la création de ce que nous percevons. C’est un principe philosophique, scientifique et spirituel à peu près universel. C’est pourquoi cette notion d’une réalité, d’une vérité est risible. C’est une vision très adolescente de la photographie. Il y a des réalités, et nous les créons en partie à travers notre perception des choses. Les photos sont une manière de rendre cette perception concrète, d’en faire un objet. Nous participons à créer du réel seconde après seconde de nos vies.

 

184. Je n’aime pas la laideur uniquement parce qu’elle est illisible. Donc je pense d’une manière générale que l’apparence n’est pas ma préoccupation principale. Ma sensibilité au langage et à l’esthétique photographique est assez formelle. L’espace, les lignes, les couleurs je les prends en compte avec une grande sensibilité.

 

MATHIEU PERNOT

 

213. Je pense qu’il est important de ne pas toujours faire des images, car il est facile de prendre une photographie : il suffit d’appuyer sur un bouton. Et avec l’expérience, il n’est pas très compliqué de concevoir des séries qui fonctionnent.  It. Par contre, j’ai toujours voulu –c’est ça qui compte et je pense que ça se voit dans les images – être en situation de nécessité et avoir quelque chose à dire sur une réalité.

 

219. … la question du positionnement du photographe ne m’a jamais intéressé. Et je pense qu’avec de mauvais sentiments on peut faire de bonnes photos. Et les bons sentiments ne font pas forcément les bonnes photographies.

 

ANDERS PETERSEN

 

231. Ma manière de photographier est liée à mes expériences. A ce que je vis. Peu importe qu’il s’agisse du début de ma vie ou de sa conclusion.

 

 

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